Forum Libération : le renouveau laisse à désirer

Publié le 5 février 2012

Les états généraux du renouveau organisés par Libération à la MC2 ont connu un large succès, contentons nous d’évoquer seulement deux points :

Lors du débat sur la gauche moderne, le maire de Grenoble, qui remplaçait M. Rocard, nous a livré le fond de sa pensée : « une gauche moderne, c’est une gauche qui gagne les élections ! ». Il aurait pu ajouter, » quitte à faire une politique de droite », lui qui expérimente la gestion droite-gauche à la mairie. A la fin des exposés, la parole est donnée à la salle et une personne interpelle les intervenants : « C’est quoi la gauche moderne ? J’ai pas capté. » Et tout ça après plus d’une heure d’exposé ! Donc c’était plutôt raté.

Voici un compte rendu du débat de dimanche sur  « l’eau un bien public »:

Ce débat ne s’annonçait pas sous de bons auspices lorsque nous avons lu le texte introductif de Marc Baïetto, président de la Métro, et qui indiquait que Michel Destot avait remunicipalisé l’eau de Grenoble en 1997, ce qui était une grossière réécriture de l’histoire (voir notre communiqué à ce sujet).

Le débat fut tout aussi grandiose. Etaient présents à la tribune, Anne le Strat, adjointe au maire de Paris, laquelle après avoir été élue verte, puis PS, n’est encartée nulle part maintenant. Le second orateur était Marc Baïetto, président de la Métro. Avec un médiateur, qui ne « médiatait » pas grand-chose, sauf passer la parole à l’une et à l’autre sans couper les longues digressions hors sujet de l’intervenant.

Marc Baïetto a commencé son discours sur la nécessité d’éviter le gaspillage de la ressource en eau préventivement à un réchauffement climatique et malgré notre potentiel très important, grâce au SIERG (Syndicat Intercommunal de l’Eau de la Région Grenobloise) et à la REG (Régie de l’Eau de Grenoble). Il a indiqué qu’il était souhaitable que la Métro prenne la compétence « eau » à l’échelle de l’agglomération, ainsi que pouvoir offrir l’eau pure de la REG et du SIERG à l’ensemble des habitants du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale), notamment le voironnais qui est doté d’une eau traitée. Pour lui, la question de la production, de l’adduction et de la distribution est résolue pour la régie des eaux de Grenoble, mais pour le SIERG, seules la production et l’adduction sont existantes alors que la distribution reste à faire. C’est donc une question de négociation à l’échelle de toutes les communes, mais qui s’avère nécessaire pour mieux protéger l’approvisionnement de tous les habitants.

Jusque là, tout allait bien.

Mais la situation se complique, au moment des questions du public, notamment sur le contrôle de la gestion de l’eau par les élu-es, sur les types de contrat et surtout leur durée avec les multinationales de l’eau : des contrats nécessairement plus longs que les durées de mandat des élu-es. Concernant le prix de l’eau et de l’assainissement payé par l’usager, comment exercer un contrôle citoyen sur ces questions ?

Anne le Strat a installé un observatoire de l’eau à Paris, formé des représentants des grandes associations écologiques, citoyennes, syndicales, mais elle veut que des citoyens-usagers puissent aussi intervenir, et que cet observatoire soit présidé par un citoyen-usager. Pour le moment elle n’y parvient pas, à la fois par manque de participation citoyenne mais aussi par résistance des services administratifs qui lui opposent l’argument qu’une instance municipale ne peut être présidée que par un ou une élue. Or, selon elle, le contrôle citoyen ne s’exerce plus vraiment lorsqu’un élu-e préside une telle instance.

Pour M Baïetto, c’est plus simple : les citoyens ne sont pas vraiment intéressés, puisqu’ils participent très peu aux grands débats qui leur sont proposés, la preuve sur le SCOT, 700 participants sur 700 000 habitants. De plus ce sont toujours les mêmes que l’on voit (on pourrait faire le même constat à propos des élus). A ce moment du débat, il fait une digression sur des projets qui ont été mis à mal suite à la pression d’opposants, comme par exemple la rocade « dont il a fait son deuil », dont le seul argument avancé dans les débats publics, était que la rocade serait un «appel à plus de véhicules dans l’agglomération » !

Donc en creux, on pouvait lire,

  1. Les citoyen-nes se mobilisent peu pour des échanges sur des questions de débat de fond, alors qu’ils-elles y sont largement invité-es, y compris dans sa commune où seulement 400 hbts/9500 hbts, participent aux débats publics.
  2. Que les arguments utilisés dans les débats de fond, sont d’un faible niveau tant par les participants favorables que par les opposants.
  3. A l’observation d’un participant, qui rappelait l’importance de ne pas négliger le passé pour regarder l’avenir, notamment sur l’histoire de l’eau de Grenoble, il a balayé l’argument d’un « le passé ne m’intéresse pas, je regarde vers l’avenir ». Et à la question sur les raisons qui empêcheraient les mairies socialistes et communistes d’un retour de l’eau en régie publique, il répond « qu’il ne se mêle pas des affaires des autres ». Autrement dit : chacun est maître chez lui et les intérêts des grands groupes seront ainsi, bien préservés.

Heureusement Anne le Strat, a répondu qu’il serait nécessaire que l’Etat joue son rôle régulateur sur une maîtrise publique de la gestion de l’eau. Selon elle, les élu-es municipaux n’arrivent pas à s’opposer aux puissances des multinationales de l’eau pour diverses raisons, notamment en raison d’élu-es municipaux installés dans leurs mandats depuis longtemps ce qui ne facilite pas le renouvellement des pratiques politiques. Elle a aussi rappelé le passé de financement des partis politiques par ces grands groupes. Pour eux, la gestion de l’eau en France est indispensable à leur présence à l’internationale, même si leur chiffre d’affaires dans l’hexagone n’est pas le plus important.

En conclusion : une femme élue à Paris, a montré sa détermination à lutter contre ces puissances de l’argent et sa détermination à installer une participation citoyenne, qu’elle juge indispensable sur ces questions essentielles pour nous en France et surtout pour les pays en manque d’eau potable.

Quant à notre élu local, il s’est montré une fois encore sous son vrai jour, un discours teinté de défiance à l’égard du fonctionnement démocratique et de mépris à l’égard des citoyens. Quant aux éventuels opposants, ils ne sont qu’un petit groupe d’agitateurs peu constructifs, pas bien malins qui ne méritent pas les élus qu’ils ont la chance d’avoir depuis si longtemps !

Enfin, le choix de Marc Baïetto pour parler du retour en service public de l’eau reste une énigme. Le moins qu’on puisse en dire c’est qu’il n’est pas apparu comme l’homme de la situation pour présenter un argumentaire solide, tenant compte des expériences du passé, inscrit dans le contexte politico-économique, et novateur pour l’avenir.

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