Trop de tout, trop de tours : prends garde !

Publié le 18 novembre 2011

En tenant compte du fait qu’au niveau national, la vente de logements sur plan a chuté de 22% au premier semestre, que, selon le dernier colloque de l’Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL), la densification des centres villes fait doubler le coût du mètre carré construit, qu’enfin les tours peuvent être infernales, tout élu normalement constitué (c’est à dire respectueux de la démocratie et conscient de ses responsabilités) devrait réviser son jugement et mettre un coup d’arrêt à la frénésie immobilière qui s’est emparée de Grenoble pour… réfléchir puis débattre.

Si l’on en croit les propos de J. Charles Castel du Centre d’Etudes sur les Réseaux, les Transports et l’Urbanisme (CERTU), rapportés par le « Monde » du 30 octobre 2011, les élus sont dans une impasse car « s’ils défendent leurs centres-villes, ils produisent pour les riches » (ndlr : pour rappel, 80% des logements neufs ne sont accessibles qu’aux Français les plus riches). « Les classes moyennes et modestes, si elles n’obtiennent pas un logement social, n’ont alors pas d’autres choix que de s’installer plus loin, pour y trouver un terrain bon marché et des coûts de construction supportables… Si vous doublez le nombre de mètres carrés constructibles sur un terrain, vous quadruplez son prix. » N’y a-t-il pas là un vrai sujet de réflexion et de débat ?

Quant aux tours, outre qu’elles sont coûteuses, peu écologiques, énergivores et ne respectent pas les normes du Plan Climat, elles ont comme autre inconvénient majeur, que n’effacent pas les prouesses technologiques, la fragilité : une panne d’électricité, un ascenseur immobile et rien ne va plus, la vie devient infernale ! Par ailleurs, et parce que l’espace pour les réseaux et les ascenseurs réduit d’autant la superficie habitable, une tour accueille moins d’habitants au mètre carré qu’un immeuble traditionnel. Dès lors l’argument tendant à faire croire que construire toujours plus haut permet de loger toujours plus d’habitants tombe de lui-même. A noter aussi que les vendeurs de terrains ou de parcelle construite livrée à la rénovation, les promoteurs, les constructeurs du BTP, voire les premiers acheteurs qui revendront bien vite avant que ça se gâte, ainsi que les politiques qui inaugureront et accueilleront ces futurs électeurs seront les bénéficiaires immédiats de ces opérations immobilières. Ce ne sont pas eux qui devront gérer durablement ces nouveaux lieux urbanisés, les gens qui y habiteront à ce moment-là ainsi que les institutions (services des collectivités, bailleurs, associations…) coûteuses qui seront nécessaires pour assurer le fonctionnement de ces ensembles immobiliers à l’heure des premières dégradations (dans dix ans, à la fin des garanties décennales). Les promoteurs et les politiques dissimulent généralement sous de beaux discours aujourd’hui ces réalités ordinaires explosives de demain.

Dans le jargon utilisé par les urbanistes et les architectes il y a, parmi d’autres termes anglo-saxons, celui de « skyline ». En Français accessible au néophyte, ce mot désigne un panorama urbain ou plus exactement une ligne d’horizon qui doit son caractère spectaculaire à la présence de gratte-ciels. Voilà un concept inutilisable à Grenoble puisque « la ligne d’horizon » butte sur la montagne. Mais nos élus, qui ne jurent plus que par la construction de tours et d’immeubles de grande hauteur, ont imaginé quelques subterfuges parfois consternants. Les tours nous disent-ils serviront de « repères » dans le paysage urbain. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Chacun sait que dans une ville encadrée par la Chartreuse, le Vercors et Belledonne, les Grenoblois ont toujours eu les plus grandes difficultés à trouver leur chemin. Et si le « repère » ne suffit pas, on intellectualise le discours avec la « verticalité ». Traduction : les Grenoblois familiers de la montagne qu’ils ont devant eux tous les jours, le sont évidemment de la verticalité. Qui dit verticalité dit tours et immeubles de grande hauteur : CQFD. Que les tours et autres immeubles de grande hauteur viennent masquer la vue sur les montagnes ne fait pas partie du raisonnement. La verticalité de proximité voilà une nouvelle conception urbaine inédite.

Il est grand temps que les élus retrouvent la raison et entendent les habitants, dont beaucoup demandent un moratoire sur les multiples projets immobiliers en cours. La légitimité démocratique n’autorise pas à construire la ville au dépend de ceux qui la vivent au quotidien. Du temps pour réfléchir, débattre, construire, du temps pour ne pas être trompé ou méprisé, cela ne devrait pas être trop difficile à trouver.

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