La chronique du conspirateur des réformes : ville et politique de la ville et si cette fois on changeait vraiment !

Publié le 9 mai 2014

Politique de la ville en questionsDepuis des décennies, à l’origine sous l’impulsion d’Hubert Dubedout, une ambitieuse politique nationale, la politique de la ville, avait été lancée pour faire des villes et des quartiers les plus délaissés des territoires du renouveau de la démocratie, des initiatives citoyennes mais aussi du gouvernement de la cité. C’était à l’automne 1981, il y a plus de trente ans, une génération. Le maire de Grenoble après des intrigues des caciques du PS qui l’avait empêché de devenir ministre de l’équipement et du logement avait été appelé par le premier ministre Pierre Mauroy pour présider la Commission nationale pour le développement social des quartiers (CNDSQ). Dans son rapport «Ensemble, refaire la ville» Hubert Dubedout avait envisagé une politique visant à faire des habitantes et des habitants, quelles que soient leur origine et leur qualification, des acteurs pleinement responsables du devenir de leur ville. Un formidable message d’espoir donné en un court laps de temps. En effet, battu au municipales de 1983, il a été contraint d’abandonner cette responsabilité et Grenoble a alors perdu une occasion d’être à la pointe des initiatives et des innovations en ce domaine.

La politique de la ville telle que Dubedout l’avait définie a connu bien des vicissitudes à Grenoble et au niveau national. Bon nombre des orientations définies dans ce rapport sont restées lettres mortes et restent encore aujourd’hui fort iconoclastes notamment en ce qui concerne le gouvernement des territoires dans un pays qui est resté sous tutelle d’un Etat centralisé et engoncé dans un modèle politico-administratif dépassé par les mutations urbaines, un modèle vieux de plus de deux siècles (Etat jacobin, préfectures et sous-préfectures, conseils généraux à dominante rurale, plus de 36 000 communes balkanisées à outrance). Les quelques réformes mises en place à partir des années quatre-vingt n’ont rien supprimé de l’architecture ancienne mais ont ajouté des étages et des annexes de ci de là (régions, communautés intercommunales, organismes satellites) compliquant encore plus l’édifice institutionnel qu’on ne qualifiera pas de baroque, le baroque ayant des qualités que celui-ci n’a pas. Les élu-es et les corporatismes locaux se sont chargés de démultiplier les instances en de véritables usines à gaz qui consomment plus de ressources qu’elles n’en restituent sous forme de services aux contribuables (balkanisation communale, empilement des niveaux administratifs et sectorisation à outrance des services avec recrutement massif d’adjoints, de vice-présidents et de cadres administratifs). A cela s’ajoute, dans les collectivités territoriales, depuis les lois de décentralisation de 1981, une situation quasiment unique en Europe, de non séparation des pouvoirs exécutifs et délibératifs au mépris de la doctrine chère à Montesquieu : les chefs de l’exécutif (les maires, les présidents d’intercommunalités, de conseils généraux, de conseils régionaux) président l’assemblée délibérative. Nulle part, même au niveau étatique français n’existe une telle concentration non démocratique des pouvoirs

Face à ce monde de complications coûteuses et compte tenu des réticences des élu-es et des administrations à abandonner de leurs prérogatives, comme toujours on a assisté à une multiplication des dispositifs de toute nature, dits «partenariaux» qui, par contournement des appareils traditionnels, essaient d’inventer des réponses adaptées. C’était le cas de la politique de la ville qui, soulignons-le au passage, en France, a toujours rejeté les innovations européennes (stratégies intégrées de développement soutenable, organisation et développement communautaire, approche environnementale, prise en compte du genre, etc.). Quel dommage d’autant que ce sont des Français qui ont promu ces initiatives !

Nous en sommes là de l’entrelacs territorial que la politique de la ville devait simplifier et les réformes amorcées sous les présidences successives Chirac, Sarkozy Hollande n’ont été que des ersatz de ce qu’il convenait de faire. Tout récemment le président de la République a décidé d’accélérer le rythme du «changement» en proposant après quelques métropoles (8 dont Grenoble au 1er janvier 2015) de réduire le nombre de régions et de supprimer les conseils généraux (au CG 38 on attend une nouvelle présidente ou un nouveau président… qui, dans cette circonstance, gèrera au mieux de l’ultra-transition, et au pire un syndic de liquidation).

Comme nous l’écrivions le 3 mai, l’architecture grenobloise et iséroise pourrait en être chamboulée, invitant les communes urbaines (la Métro, le Grésivaudan, le Voironnais) et les communes rurales à composer leurs forces au sein d’une région rurbaine de vallées et de montagnes. Une politique de la ville new-look à condition d’épouser les orientations européennes que quelques Français avaient impulsées jadis, pourrait être à Grenoble le vecteur de cette reconfiguration d’une région plus innovante, plus solidaire et plus écologique. Dans les six mois qui viennent, le nouveau conseil de communauté de la Métro et son nouveau président C. Ferrari détiendront l’essentiel des compétences stratégiques qui permettent de construire cette mutation et cette transition vers un avenir plus soutenable où les communes continueront d’assurer les services de proximité. La balle est dans leur camp désormais. La distribution prochaine des vice-présidences (de 15 à 20) en dira long sur les orientations à venir.

Tout est loin d’être définitif, mais là se joue le devenir de cette ville. Que fera le maire de Grenoble qui a refusé de briguer toutes responsabilités dans l’exécutif de la Métro ? L’histoire nous a enseigné que le pouvoir réel n’était pas forcément assis sur ce qui est une apparence de trône !

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