Plan de sauvegarde : réorganiser le réseau des bibliothèques. Mais pourquoi en fermer ?

Publié le 8 juillet 2016

Bibliotheque-HauquelinLe plan de sauvegarde du service public local a été rendu public dans ses grandes lignes le 9 juin. Il s’agit d’un plan contenant une centaine de mesures très diverses dont l’objet est double :

  1. faire des économies en fonctionnement dans les 2 ans à venir (2017-2018) de 12,7 M€ pour rétablir un équilibre financier de la ville lui permettant de faire fonctionner correctement les services aux habitants qui sans cela seraient mis en grand danger.
  2. Restructurer les services municipaux pour les moderniser et rendre de meilleurs services aux habitants, adaptés à l’évolution urbaine, sans augmenter les taux des impôts qui sont très injustes.

Certaines mesures ont entrainé des réactions multiples d’habitants, notamment à propos des fermetures de 3 bibliothèques : Hauquelin, Prémol et Alliance.

Nous avons demandé à l’adjointe aux cultures Corinne BERNARD de nous expliquer pourquoi ces fermetures ?

Grenoble a un service de lecture publique des plus performants parmi les grandes villes, pourquoi fermer trois bibliothèques ?

« Depuis notre arrivée aux responsabilités de gestion de la ville en avril 2014, nous n’avons cessé de rechercher des économies dans le fonctionnement afin d’éviter à la ville de se trouver sous tutelle dès 2015. Des économies importantes ont permis de passer les années 2015 et 2016, mais face à la poursuite de la baisse des dotations pour survivre en 2017 et ramener les finances de la ville dans un équilibre soutenable fin 2018, il nous fallait faire vite environ 14 M€ d’économies supplémentaires dans les 2 ans qui viennent.

Pour éviter de faire dans l’urgence des économies sans réflexion profonde sur l’avenir et la cohérence des services aux grenoblois, il nous a fallu prendre le temps de balayer l’ensemble des activités de la ville, de voir celles qui étaient essentielles, celles qui devaient être restructurées pour mieux fonctionner, celles qui pouvaient être supprimées car ne répondant plus aux attentes ou aux besoins des habitants…

Une contrainte supplémentaire très forte s’imposait à nous : le poids des dépenses de personnel (plus de 55% des dépenses de fonctionnement) devait absolument être maitrisé. D’où la nécessité durant ces deux années de ne pas remplacer la plupart des départs (à la retraite ou ailleurs) dans les services et donc dans le réseau des bibliothèques.

Grenoble, ville plate, et avec un bon niveau de transports en commun a 18 km2 de superficie et disposera toujours d’un réseau très dense : 4 médiathèques, 5 bibliothèques de quartiers, un service de bibliothèque relais lecture. Regardons une autre ville de 180 000 habitants dans notre région : Saint Etienne, 80 km2 de superficie, soit 4 fois plus et sur un terrain accidenté, a 1 médiathèque centrale, 7 bibliothèques de proximité et un bibliobus.

Ce qui fait la qualité, la richesse des bibliothèques municipales de Grenoble ce n’est pas le nombre d’équipements dans cette ville. Les bibliothèques municipales de Grenoble sont exceptionnelles et rares par le professionnalisme des bibliothécaires et leurs qualifications. En effet, il est très rare aujourd’hui d’avoir un service de 198 personnes qualifiées ou très qualifiées.

A ce propos, l’audit de la politique de lecture publique de mai 2004 commandé à l’agence abcd, et piloté par Jérôme SAFAR (comme adjoint à la culture) expliquait en page 16 :

  • … « un nombre d’emplois élevé (deux fois plus que la moyenne des ville de même taille)…
  • « un réseau important d’équipements : le nombre d’équipements est plus élevé que dans n’importe quelle autre ville de taille équivalente,…
  • « un personnel très qualifié : les cadres A et B représentent 61% contre 36,7% en moyenne dans les villes de 100 à 300 000 habitants. … Le nombre d’assistants qualifiés est bien plus important que dans d’autres bibliothèques

L’histoire fait qu’à Grenoble, la Médiathèque centrale n’existe pas et manque cruellement. Nos prédécesseurs ont fait d’autres choix de constructions d’équipements culturels et sportifs métropolitains, y compris quand le financement n’était assuré que par la ville centre (cf. la Halle de Tennis à 12 M €).

Nous avons d’ailleurs à œuvrer pour qu’une grande médiathèque métropolitaine ouvre enfin à Grenoble.

Pour en revenir au plan de sauvegarde, au lieu de baisser les effectifs dans chaque bibliothèque, nous avons décidé d’intervenir sur 3 équipements parce que sinon, c’était une moins bonne qualité d’accueil, une moins bonne qualité de vie au travail et un moins bon service dans tout le réseau. »

Mais pourquoi fermer si vite Hauquelin et Prémol ?

« Ce choix est lié aux prochains départs en retraite. Les agents des bibliothèques municipales de Grenoble seront réaffectés au sein d’autres bibliothèques de la ville car des postes se libèrent cet été et l’année prochaine. Chaque agent concerné formulera des souhaits qui seront étudiés. Ces fermetures correspondent uniquement à des départs en retraite non remplacés et permettent ainsi de maintenir les effectifs dans les autres bibliothèques du réseau et donc un service de qualité. Les agents qui travaillent à Prémol et Hauquelin font partie des équipes des bibliothèques Arlequin et Jardin de Ville, l’expérience du travail avec les deux quartiers concernés ne sera donc pas perdue. »

Comment éviter que ces fermetures détériorent le niveau de service public ?

« Ce réseau de bibliothèques municipales a toujours évolué (il y a eu jusqu’à 18 bibliothèques dans le passé, quand le réseau de transports était peu développé), et on va continuer à développer le projet de lecture publique grenoblois, en nous appuyant sur de nouvelles dynamiques de lecture publique et en renforçant l’animation du réseau.

Après avoir étendu la gratuité jusqu’à 26 ans et favorisé la prise en considération des ressources plutôt que l’âge, nous allons continuer à développer des lieux structurants, des lieux tous publics, aux horaires d’ouverture larges, équipés pour la médiation numérique, des lieux ouverts, suffisamment grands pour proposer de vrais espaces de rencontres, de lien.

C’est ce que nous allons engager :

– à Kateb Yacine en y créant une section jeunesse pour y cultiver le lien intergénérationnel et l’apprentissage, une section jeunesse attire les plus jeunes mais aussi les familles. Quand une section jeunesse est présente, on garde les nouveaux parents qui venaient dans l’équipement pour la section adultes

– à la Bibliothèque d’Etudes et du Patrimoine en transformant le hall d’accueil en véritable espace de rencontres, en un espace agréable pour y rester étudier ou se distraire, en y accueillant l’artothèque et en y mettant en place le prêt de collections contemporaines,

– en regroupant la Maison de l’International, la Bibliothèque Internationale et la bibliothèque Jardin de Ville au sein d’un centre de ressources sur la lecture publique et l’international cohérent et ouvert sur la ville.

C’est aussi ce que nous souhaitons mener avec les agents avec la navette documentaire, qui devrait permettre aux habitants d’emprunter et de restituer un document en tous points du réseau, et en réfléchissant à de nouveaux outils de coordination et d’animation de cet important maillage d’équipements.

Par exemple nous allons développer la Bibliothèque des relais lecture (BRL), service de prêt pour les établissements scolaires, la petite enfance, les centres de loisirs, les associations, les foyers, les CE, etc. Au-delà du bibliobus, elle permet d’emprunter jusqu’à 200 documents par prêt et de constituer des relais lecture dans des lieux qui n’y sont pas au départ destinés, de former les personnes qui souhaitent en mettre en place, de développer des actions culturelles. C’est elle qui gère la bibliothèque de la maison d’arrêt de Varces. La BRL fait aussi du portage de documents pour les personnes à mobilité réduite. La BRL est un outil important pour amener les gens vers la lecture en des lieux qui n’y sont pas a priori destinés.

Le réseau grenoblois se recomposera autour de :

  1. 4 bibliothèques structurantes, ouvertes à l’échelle de la ville, lieux de vie fréquentés par tous les publics et adaptés aux nouveaux usages : Centre-Ville, Kateb Yacine qui intègrera une section jeunesse, un nouveau Centre de ressources international et jeunesse, et la Bibliothèque d’étude et du patrimoine avec son rez-de-chaussée repensé, un salon de lecture, une cafeteria et l’artothèque,
  2. 5 bibliothèques de quartier (St Bruno, Eaux-Claires/Mistral, Abbaye, Teisseire/Malherbe et Arlequin) dont le rôle est clé dans chacun des quartiers concernés,
  3. La Bibliothèque des Relais Lecture,
  4. Une présence plus forte encore sur l’espace public et dans des lieux non spécialisés, notamment dans les quartiers non dotés de bibliothèques.

Oui, fermer des bibliothèques est une décision difficile. Mais nous sommes convaincus qu’en faisant différemment, nous parviendrons à consolider un réseau mieux adapté aux besoins actuels et toujours tourné vers l’avenir. »

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