L’avenir du chauffage urbain dans l’agglomération : faire le bon choix

Publié le 18 novembre 2016

Usine de la CCIAG à la PoterneLe 16 décembre le conseil de la métropole va décider du prochain mode de gestion du chauffage urbain. Le contrat de concession passé entre les 6 villes (Grenoble, Echirolles, Saint Martin d’Hères, La Tronche, Le Pont de Claix, Eybens) et la CCIAG à partir de 1983 prendra fin le 30 juin 2018.

Pour aider à une prise de décision éclairée, la Métro a demandé au cabinet TILIA, spécialisé dans le domaine de l’énergie, un rapport sur l’ensemble de la politique énergétique de la Métro et en premier lieu un rapport sur le service public du chauffage urbain.

Le cabinet TILIA montre que deux solutions sont à privilégier, soit la gestion directe par un établissement public industriel et commercial (EPIC) que pourrait créer la Métro, soit une gestion déléguée à une Société d’Economie mixte (SEM) suite à un appel à publicité et concurrence sur un cahier des charges à définir.

Chaque solution a des avantages et des inconvénients et il serait important que la Métro, avant de prendre sa décision rende public le rapport TILIA et organise un débat avec les usagers du chauffage urbain qui ont été maltraités durant de longues années, suite à une longue absence de contrôle des élus de ce service essentiel.

Les mouvements politiques de l’agglomération, EELV, PG, Ensemble !, Nouvelle Donne, Réseau citoyen et ADES ont tenu une conférence de presse le 15 novembre pour expliquer que la gestion directe était préférable à la gestion déléguée, notamment dans la capacité de contrôle du service par la collectivité et la possibilité pour les usagers d’avoir des représentants avec voix délibérative dans le conseil d’administration de l’EPIC. Ce point de vue était défendu par le groupe des élus du Rassemblement Citoyen Solidaire et Ecologiste à la Métro. Rappelons qu’un tel service est financé exclusivement par les usagers qui doivent payer un service rendu, service défini par la collectivité qui doit tenir dans la durée au plus juste prix. Il est donc normal qu’ils aient une voix effective dans la gestion du service.

Les mouvements demandent « au conseil de la Métro d’expliciter de manière claire et argumentée le choix qui sera fait entre la gestion directe ou une DSP suite à une présentation des avantages et des inconvénients pour elle et surtout pour les usagers des deux solutions, respectant les priorités : contrôle effectif de la collectivité, maintien du collectif de travail actuel et création d’un comité de usagers auprès du service gestionnaire. »

Il s’avère que cette demande est nécessaire puisque lors de la tenue de la Commission Consultative des Services Publics Locaux (CCSPL) du 17 novembre, la Métro a indiqué qu’elle choisirait la délégation de service public.

Sauf que dans le rapport présenté à la CCSPL, de nombreux inconvénients portés au débit d’un EPIC sont faux et de pure invention et ne ressortent pas de l’expertise de TILIA. Ce qui fausse le débat et met en question les vraies raisons du choix de la Métro.

Par exemple le rapport indique certains inconvénients majeurs d’un EPIC qui sont faux :

« – Un risque industriel important est inhérent à l’activité d’exploitation des centrales. L’EPIC, soumis aux règles des marchés publics, risque de rencontrer des difficultés de réactivité d’intervention sur un moyen de production en cas d’incident ou de panne ». Ceci est faux, le code des marchés publics prévoit qu’en cas d’urgence impérieuse (maintien du service public) l’EPIC pourra recourir immédiatement à un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables.

« Des gains de productivité seront à obtenir par l’EPIC notamment par le biais d’une action managériale. Considérant que le personnel reste identique, un fort risque de résistance au changement est à attendre. ». C’est exactement la même chose pour une SEM, le personnel serait le même dans les deux cas avec le même statut de droit privé. Donc ce n’est pas un inconvénient de la gestion directe.

« La création de l’EPIC et la reprise du personnel de l’opérateur actuel (la CCIAG), conduira à la dissolution de la SEM CCIAG, ce qui représente un coût estimé à 48 millions d’euros, comprenant le « rachat » des activités de la SEM reprises en régie. » Il y aura dissolution de la SEM CCIAG, mais cela ne coûtera rien à la Métro puisque les sommes dues à la CCIAG seront incluses dans les dettes de l’EPIC, comme elles étaient dans le bilan de la CCIAG et ces dettes seront couvertes par les mêmes tarifs aux usagers. Par contre s‘il y a DSP à une SEM (CCIAG ou autre) la Métro devra payer des achats d’actions qui ne peuvent pas être payés par les usagers. La dissolution de la CCIAG entrainera une répartition du boni de liquidation entre les actionnaires actuels dont 5% pour la Métro.

« En conséquence, ce mode de gestion, mal adapté à la gestion du risque industriel, induisant une réforme importante pour le personnel, peu compatible avec les gains de productivité nécessaires, et dont la mise en activité initiale a un impact financier important pour la collectivité, est écarté. » Ceci est complètement faux, la gestion du risque industriel est identique dans le cas d’un EPIC ou d’une SEM, c’est la technicité du personnel qui compte (c’est la même dans les deux cas) et la capacité du gestionnaire de passer les conventions nécessaires pour pallier ce risque. Pas de réforme importante pour le personnel. Pour les gains de productivité, la Métro peut passer une convention d’objectifs avec l’EPIC, lui imposant ces gains comme dans le contrat de concession. La mise en activité initiale ne peut pas coûter à la Métro puisqu’elle n’a pas le droit de financer un service public industriel et commercial, seuls les usagers à travers le tarif le peuvent. Par contre dans une DSP à une SEM la Métro devra acheter des actions car elle doit être majoritaire ayant seule la compétence chauffage urbain.

En conclusion

Si la position pour la délégation de service est confirmée en décembre, il faudra proposer un cahier des charges pour la mise en concurrence de la concession du service. S’il s’avérait que ce dernier ne corresponde pas aux attentes des usagers ou qu’il n’y ait pas de réponse positive à cette demande, la Métro devra relancer la création d’un EPIC avant le 30 juin 2018.

Dans une délégation de service public, tout est dans le contrat passé avec la collectivité et le contrat doit respecter le cahier des charges pour la mise en concurrence ; la vigilance des usagers et plus généralement des défenseurs des services publics devra donc s’exercer sur le contenu du cahier des charges et vu ce qu’on a connu à Grenoble dans le passé, il ne serait pas acceptable de retrouver dans une SEM délégataire des actionnaires privés qui agissent sur le secteur du chauffage urbain ou le traitement des ordures ménagères et le poids des actionnaires privés devra être minimisé c’est-à-dire qu’il ne dépasse pas les 20%. Il serait souhaitable que la structure de la SEM s’approche des conditions d’une quasi-régie, ce qui permettrait à terme de retrouver des caractéristiques proches de la gestion directe.

Les points essentiels de la conférence de presse du 15 novembre :

1) Rompre avec un lourd passé

La gestion du service public du chauffage urbain depuis 1983 jusqu’en 2014 a été un exemple de tout ce qu’il ne faut pas faire. La justice a condamné des malversations par un président (actuel conseiller municipal d’opposition) et un directeur général dans la gestion de la CCIAG avant 1995. Les élus n’ont pas contrôlé la gestion de cette concession qui s’est faite au profit d’intérêts privés par des directeurs généraux choisis par l’actionnaire privé (actuellement Dalkia). La gestion était des plus opaques et les usagers mal traités par des tarifs qui seront reconnus illégaux depuis 1983 jusqu’en novembre 2011.

Le changement politique en mars 2014 a permis de débuter une reprise en main par les élus de ce service public : nettoyage du contrat de délégation de service public par un avenant en redéfinissant les biens de retour, une redevance liée à la cogénération d’électricité à la centrale de la Poterne… Et enfin nomination d’un directeur général salarié de la CCIAG et non de l’actionnaire privé.

Il s’agit d’un service public essentiel du point de vue social, patrimonial, écologique. Presque 50 000 logements et de très nombreux locataires du logement social sont chauffés par le chauffage urbain. Il est donc très important que ce service public soit géré avec le souci de la durée et au plus juste tarif pour les usagers. L’impact sur l’environnement est aussi très positif car il s’agit d’un mode de chauffage qui contient une majorité de chaleur issue d’énergies renouvelables. La Métro vient de décider du classement du réseau de chaleur, ce qui obligera les nouvelles constructions dans la zone classée à se brancher sur le chauffage urbain, ce qui permettra d’améliorer l’économie globale du service et de diminuer les impacts sur l’environnement.

2) Quel nouveau mode de gestion ?

Dans le contrat majoritaire à la métropole, il est prévu :« Mettre en place un service public local de l’énergie et plus particulièrement de l’efficacité énergétique et il est prévu d’ouvrir avec les usagers le débat à propos du chauffage urbain et de sa tarification ». Nous demandons à la Métro d’ouvrir ce débat avant de décider du mode de gestion du service. Les usagers sont les premiers intéressés à ce que ce service public soit géré au mieux de leurs intérêts puisque c’est eux et eux seuls qui le financent.

3) Nos exigences :

  • Le pouvoir de la collectivité doit être total sur ce service pour que disparaisse les intérêts privés qui n’ont rien à y voir. Il faut que la Métro se dote des outils de contrôle suffisants.
  • Le maintien du collectif de travail actuel de la CCIAG est le gage du maintien de la compétence technique. Donc il faut maintenir les activités actuelles de la CCIAG en plus du chauffage urbain (gestion de l’incinération à Athanor et la récupération de la chaleur, maintenance de réseaux secondaires, service du froid…). Il ne faut pas créer une structure à deux étages (une pour l’investissement à la Métro et l’autre l’exploitation à un gestionnaire) qui ne serait que source de doublons et de renchérissement du service.
  • Les usagers doivent être associés étroitement à la gestion du service par la création d’un comité des usagers auprès du gestionnaire du service et que des représentants soient partie prenante des organes de gestion.

4) Notre préférence

Après une longue expérience de suivi de ces services publics notre préférence va à la gestion directe par un établissement public industriel et commercial –EPIC- (régie à personnalité morale et autonomie financière) qui reprendrait l’ensemble des salariés de la CCIAG avec leurs statuts

Les avantages de la gestion directe :

  • Une plus grande souplesse due à l’absence de contrat de délégation. Ce qui permet d’adapter les tarifs en fonction des réalités immédiates,
  • Des représentants des usagers peuvent participer avec voix délibérative au Conseil d’administration de l’EPIC (ce qui n’est pas possible dans une DSP même avec une SEM). Le contrôle politique par les élu-es est direct puisque la totalité du Conseil d’administration est élu par le conseil de Métro et ce dernier peut imposer un contrat d’objectif à l’EPIC qui a alors obligation de résultats.

Il n’est pas inutile de rappeler que :

  • Un élu ADES s’est opposé, y compris devant le juge administratif, aux augmentations tarifaires illégalement décidées par le maire et les dirigeants de la CCIAG en 2004. Les usagers se sont activement mobilisés contre des hausses excessives des tarifs en 2008. L’ADES et ses élus ont obtenu l’annulation par le tribunal administratif de tous les tarifs entre 1983 et 2011.
  • Historiquement l’abandon de la gestion directe était utilisé par des élus pour se décharger sur un délégataire privé et le service n’était plus contrôlé, c’est ce qui faisait dire qu’il s’agissait de privatisation, et c’était effectivement la structure privée qui avait le pouvoir derrière son contrat.

Les exemples sont multiples dans notre agglomération de cette gestion privée longtemps non contrôlée et coûteuse : SEM Grenoble 2000, SEM MALHERBE OLYMPIQUE, SEM RFIVG, SEM TV CABLE, SEM GRENOBLE PARKING, SEM GEG, SEM CCIAG, SEM SEG, SEM PFI, SEMITAG, SEM GID, SEM VFD, SEM ALPEXPO, SEM SERGADI, SEM GCVB PRODUCTION, SEM LE GRAND AXE,… il suffit de lire les rapports, même très tardifs, de la chambre régionale des comptes, ou les jugements des différentes juridictions.

  • Les leçons, en actes: la reprise en gestion publique des services publics de l’eau et de l’assainissement, depuis 2000, a démontré l’efficacité de cette gestion publique directe lorsque la volonté politique est soutenue dans la durée.

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