Demande de reconnaissance du crime d’État commis le 17 octobre 1961 à Paris

Publié le 15 février 2019

Le Collectif grenoblois « 17 octobre 1961 » a écrit au Président de la République le 2 janvier 2019, comme il l’avait annoncé lors de la célébration annuelle du17 octobre 2018 Place Edmond Arnaud près de la plaque posée par la mairie pour rappeler le massacre des militants algériens par la police sous les ordres de Maurice Papon le 17 octobre 1961 à Paris.

Voici le texte de cette lettre :

« Monsieur le Président de la République,

Lors d’une déclaration rendue publique le 13 septembre 2018, vous avez reconnu l’implication de l’État et de l’armée dans la mort de Maurice Audin, jeune mathématicien de 25 ans, membre du Parti Communiste Algérien et militant de la cause anticolonialiste, l’existence d’un système « arrestation-détention », fondée sur le vote des pouvoirs spéciaux par le Parlement en 1956, qui a permis la délégation des pouvoirs de police à l’armée, et le recours dans ce cadre à la torture par des militaires.

Votre déclaration est une étape importante sur le chemin de la vérité historique au sujet de la guerre d’Algérie. Mais il est essentiel d’aller plus loin et dire la vérité sur les crimes commis contre le peuple algérien. Parmi ceux-ci, le massacre du 17 octobre 1961 a une portée symbolique extrêmement forte. Il s’inscrit dans la continuité des crimes commis pour maintenir l’ordre colonial, et il s’est déroulé en plein Paris.

Le 17 octobre 1961 est un crime d’État commis contre des Algériennes et des Algériens qui manifestaient pacifiquement contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé avec l’assentiment du gouvernement de l’époque dont le Premier ministre, Michel Debré, était hostile à l’indépendance de l’Algérie.

Le 17 octobre 1961 est un massacre avec des centaines de victimes par les forces de police sous les ordres de M. Maurice Papon, alors préfet de police de Paris, condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l’humanité commis pendant la seconde guerre mondiale.

A Grenoble, comme dans d’autres villes de France, à l’appel du collectif d’associations « 17 octobre 1961 », avec le soutien d’associations, de syndicats et de partis politiques, des centaines de Grenobloises et de Grenoblois se rassemblent chaque année pour rendre hommage à ces manifestants, maintenir vivante la mémoire de cet événement tragique.

Nous croyons qu’il est temps que l’État reconnaisse sa responsabilité dans le crime d’État que fut le massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Nous demandons l’ouverture des archives de la Guerre d’Algérie et de la colonisation aux chercheurs français et étrangers, sans restrictions ni exclusives.

Votre déclaration au sujet de la disparition de Maurice Audin peut marquer la fin du déni et ouvrir la possibilité de construire une Histoire commune. Nous sommes convaincus que la société française attend des gestes de vérité au sujet de cette période douloureuse.

Permettez-nous de citer l’historien Benjamin Stora :

« Dans mon livre, La gangrène et l’oubli, publié en 1991, j’avais tenté de montrer comment ce conflit ne se finissait pas, dans les têtes et dans les cœurs, parce que de part et d’autre de la Méditerranée, elle n’avait pas été suffisamment nommée, montrée, assumée dans et par une mémoire collective. Et en quoi la reconnaissance des crimes et pratiques commis pendant la guerre d’Algérie, était une condition essentielle pour aller vers une mémoire plus apaisée. »

Le 17 octobre 1961 est une date qui fait sens. C’est pourquoi nous vous adressons ce courrier, que nous comptons rendre public, pour en informer les organisations qui nous font confiance, les élus qui soutiennent notre démarche depuis des années, la presse qui suit nos activités, et de manière générale la population. Il s’agit pour nous d’une question d’intérêt général.

Nous restons dans l’attente de votre réponse, et nous vous adressons, Monsieur le Président de la République, nos meilleures salutations

Le collectif 17 octobre : Algérie au cœur, Amal, Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et de leurs Amis (ANPNA), Association de Solidarité des Algériens de l’Isère (ASALI), Association Tisser Les Liens d’Amitiés Solidaires (ATLLAS), Centre d’information inter-peuples (CIIP), Comité de soutien aux réfugiés algériens (CSRA), Coup de Soleil Auvergne Rhône-Alpes, Mouvement de la Paix Isère, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Ras L’Front Isère »

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