Nous avons invoqué le cas du commissaire enquêteur (Gabriel Ullmann) radié à la demande du préfet de l’Isère pour avoir trop bien fait son travail de commissaire enquêteur sur un dossier piloté par le département de l’Isère. Voir ici.
A contrario, deux exemples récents montrent que certains commissaires enquêteurs sont incompétents ou partiaux et parfois la justice rappelle que leurs rapports et conclusions doivent respecter la loi, notamment que ce travail d’enquête doit être personnel et motivé et ne pas prendre fait et cause pour le maitre d’ouvrage sans réelle motivation. Le commissaire ne doit pas avoir un avis à priori et ses conclusions doivent être issues d’un travail réel d’analyse du dossier et des observations du public.
Des commissaires-enquêteurs incompétents
Le 4 juillet 2019 le Tribunal administratif de Grenoble annule la délibération de la commune de Crolles du 31 mars 2017 portant approbation de la modification n°2 de son plan local d’urbanisme du fait même que le commissaire enquêteur a pris en son nom un copié-collé des réponses du maire de Crolles :
« En l’espèce, par un courrier du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Grenoble a invité le commissaire enquêteur, qui avait déposé son rapport le 31 décembre 2016, à motiver son avis favorable. Le 6 février 2017, le commissaire enquêteur a complété ses conclusions. Il ressort cependant des pièces du dossier que celui-ci s’est borné à reprendre, à l’identique, les observations du maire apportées en réponse aux observations du public, sans se prononcer, à titre personnel, sur la portée des modifications arrêtées et sans indiquer pour quels motifs il se les appropriait. Il en est de même des réponses qu’il a apportées aux observations du public. Par suite, le commissaire ne peut être regardé comme ayant émis des conclusions personnelles motivées. L’avis du commissaire enquêteur étant destiné à éclairer l’autorité administrative et, en particulier, l’assemblée délibérante, la motivation de cet avis est de nature à exercer une influence sur le sens de la délibération approuvant la motivation du plan local d’urbanisme. Dans ces circonstances, M. W. est fondé à soutenir que la délibération attaquée a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière qui en affecte la légalité. » Jugement n° 1704245.
Cette admonestation du tribunal administratif au commissaire enquêteur rappelle ce qui s’est passé pour le projet Neyrpic à Saint Martin d’Hères, où le commissaire enquêteur n’avait pas donné des conclusions personnelles et qui a été obligé de reprendre sa copie suite à l’intervention du tribunal.
Des commissaires-enquêteurs partiaux
L’autre cas a été jugé par la Cour administrative d’appel de Marseille le 8 juillet 2019, où l’on apprend que le commissaire enquêteur avait son avis arrêté avant même d’avoir étudié le dossier et les observations du public !
« Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur désigné pour donner son avis sur le projet litigieux s’est exprimé dans le journal Nice Matin le 21 septembre 2013 le lendemain de l’ouverture de l’enquête publique. S’il a rappelé qu’il était neutre et indépendant, que son rôle consistait à apporter des réponses, accueillir le public et donner un avis au préfet, il a également répondu, à la question de savoir si le projet lui paraissait à l’heure actuelle viable, que « juridiquement, je ne vois pas d’anomalies à l’utilité publique du prolongement. Je ne peux évidemment pas encore dire quel avis je vais rendre mais, à moins, de découvrir une énormité, je pense que le projet ira à terme. L’intérêt public est toujours supérieur à l’intérêt privé en France ». Compte-tenu de la nature, de la publicité et du stade de la procédure à laquelle ils sont intervenus, ces propos, qui s’analysent comme un parti pris initial favorable au projet puisque le commissaire-enquêteur suggère clairement que son avis sera favorable sauf « énormité », ont entaché la procédure d’un vice, qui a privé le public d’une garantie, et ce même si les conclusions que le commissaire-enquêteur a rendues sont complètes et motivées. Pour ce motif, l’arrêté préfectoral contesté doit être annulé. » Arrêt n° 17MA01570 – 17MA01463. Pour autant, pour ces cas, comme pour bien d’autres, aucun des commissaires-enquêteurs concernés n’a fait l’objet d’une demande radiation de la part des préfets : ils avaient tous conclu dans le sens du maître d’ouvrage…
Mots-clefs : enquêtes publiques, justice administrative