Dans « Le Monde » du 7 mai, un article intitulé : « A la veille du déconfinement, des projections épidémiologiques globalement pessimistes » fait référence à des modélisation récentes qui montrent que la stratégie du gouvernement serait insuffisante pour endiguer une seconde vague de l’épidémie, avec des hôpitaux fragilisés par deux mois de lutte contre le coronavirus.
Heureusement de nombreuses collectivités locales ne foncent pas tête baissée dans le déconfinement notamment pour les réouvertures d’écoles ou d’autres services qui seront décalés dans le temps pour respecter au mieux les exigences sanitaires. On mesure combien les manques de masques, de tests et de personnel qualifié pour les effectuer sont des éléments de grande fragilité pour aborder avec sérénité le déconfinement. Les citoyen-nes ont acquis des réflexes des gestes barrière qu’ils vont devoir poursuivre, si le télétravail reste important et si les personnes vulnérables prennent le maximum de précautions, on peut espérer que le déconfinement ne sera pas suivi d’une deuxième vague de l’épidémie. Mais le risque est là comme l’indique les modélisations des épidémiologistes.
Des équipes de modélisateurs de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de la société d’analyses Public Health Expertise estiment qu’il sera impossible d’éviter une seconde vague si la population la plus à risque est de nouveau exposée au virus.
« Pour cela, leur modèle « recrée » la circulation du virus au sein d’une population fictive de 500 000 personnes avec la possibilité d’ajuster des dizaines de paramètres selon les hypothèses retenues. Résultat : même si le port de masques et la distanciation physique permettent de réduire de 75 % le risque de contamination, le nombre de cas graves serait tel que les capacités d’hospitalisation en réanimation seraient débordées dès la fin du mois de juillet (14 000 lits au total dont les trois quarts réservés aux patients Covid). « Dans ce scénario, un nouveau confinement serait inévitable », estime Nicolas Hoertel, psychiatre et modélisateur à l’AP-HP, coauteur de l’étude.
Pour l’éviter, l’étude suggère des mesures additionnelles pour protéger la population « vulnérable », celle qui risque le plus d’être hospitalisée en réanimation et de décéder : les personnes âgées de plus de 65 ans, ou présentant des facteurs de risque (diabète, hypertension, maladie pulmonaire, obésité). Sans prolonger leur confinement, elles seraient encouragées à limiter au strict minimum leurs contacts et leurs sorties jusqu’à la fin de l’année. »
L’autre modélisation est réalisée par des équipes de l’Inserm et de Sorbonne Université.
La question de la réouverture des écoles est ici centrale. Bien que la contribution des jeunes enfants à la transmission du SARS-CoV-2 soit plus faible que celle des adultes, celle-ci entraînerait, selon eux, une augmentation du nombre de cas de Covid-19 dans les deux mois suivants.
L’épidémie ne pourrait être contrôlée qu’à plusieurs conditions. La première est le maintien des mesures de distanciation physique. « Cela suppose que 50 % des gens restent chez eux – soit que leur activité professionnelle n’ait pas repris, soit qu’ils pratiquent le télétravail –, que les personnes âgées aient réduit de 75 % leurs contacts, et qu’il y ait une réouverture partielle (pas plus de 50 %) de différentes activités et commerces…
Autre condition pour ce scénario : que le dispositif de dépistage, de traçage et d’isolement des cas et de leurs contacts détecte au moins 50 % des nouvelles infections. « Si 25 % seulement sont identifiés, nous aurions à affronter une seconde vague plus intense que la première, débutant fin juin avec des capacités de réanimation dépassées jusqu’en août »… La modélisatrice souligne qu’au-delà du nombre de tests disponibles, ce dispositif de traçage des contacts nécessite des ressources humaines massives afin de casser les chaînes de transmission…
Dans un scénario où l’ensemble des élèves, de la maternelle au lycée, reprendraient les cours le 11 mai, les chercheurs de l’Inserm envisagent une seconde vague épidémique, similaire à la première. Elle serait toutefois évitée en limitant à 50 % l’effectif pour l’ensemble des classes. Un retour en classe de l’ensemble des adolescents en juin aurait pour effet de submerger les services de réanimation, les nouveaux cas qui en découleraient nécessitant 138 % des capacités. »
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