Le 1er janvier 2025, l’IRSN disparaitra et sera absorbé dans la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), malgré les mobilisations importantes qui estimaient que l’indépendance de l’expertise scientifique serait alors mise en cause. C’est pourquoi la Commission d’éthique et de déontologie (CED) de l’IRSN donne un ultime avis pour que ce qui était précieux à l’IRSN soit conservé au mieux dans l’ASNR.
La CED de l’IRSN est une instance consultative placée auprès du Conseil d’administration qui a pour mission de veiller à l’indépendance de jugement de l’expertise scientifique et technique de l’IRSN ainsi qu’au respect de la Charte d’éthique et de déontologie applicable aux différentes activités de l’Institut. Elle contribue à créer les conditions de la confiance que la société est en droit d’attendre au regard de sa protection face aux risques nucléaires et radiologiques.
Dans son avis n°11 du 8 octobre 2024, la CED exprime son avis quant à la place de l’éthique et de la déontologie dans la réforme en cours de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Cette réforme vise à réunir ASN et IRSN en une seule entité, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). La CED propose plusieurs pistes de réflexion sur les principes et le fonctionnement de la Commission d’éthique et déontologie de l’ASNR :
Objet : Place de l’éthique et des principes déontologiques dans les missions et l’organisation de la
Commission d’éthique et de déontologie (CED) de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Conformément à la loi n°2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire, la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) devra être mise en place au 1er janvier 2025. La Commission d’éthique et de déontologie (CED) de l’IRSN, forte de ses huit années d’expérience de fonctionnement, souhaite partager les principes d’éthique et de déontologie qui l’ont animée, lesquels doivent également être au cœur de la gouvernance de la future CED de l’ASNR.
La loi donne toute latitude à la nouvelle entité pour définir ses ambitions en matière d’éthique et de déontologie.
Le respect d’une nécessaire transparence sur les fondements des décisions de l’ASNR, la pérennisation de la confiance sociale héritée du système dual précédent, la garantie du maintien du plus haut niveau de compétence scientifique et la nécessité de préserver la nouvelle Autorité de tout conflit d’intérêts devront être fondés notamment sur des principes clairs traduits explicitement dans son futur règlement intérieur.
La CED de l’IRSN rappelle que les enjeux de transparence, de compétence, de probité, d’indépendance de l’expertise et de partage de l’information constituent les piliers essentiels du développement d’une utilisation sûre de l’énergie nucléaire, de la protection de l’environnement et de la confiance des citoyens vis-à-vis de l’ensemble des acteurs de la filière. Ils constituent le socle de la charte d’éthique et de déontologie de l’IRSN dont la CED est à la fois acteur et garant de la mise en œuvre.
La CED de l’IRSN a précisé dans son avis n°9 de janvier 2024 sa vision de la place de l’éthique et de la déontologie dans la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection 1. Les positions exprimées dans cet avis doivent être également portées par la future CED ASNR. Cette dernière ne peut en aucun cas consister en une transposition de l’approche actuelle de l’ASN et ainsi réduire le champ d’intervention d’une future CED- ASNR à celui d’un référent déontologue.
Au contraire, la CED de l’IRSN considère que la CED-ASNR doit avoir un champ d’action qui porte à la fois sur l’éthique et la déontologie, couvrant l’ensemble des missions de la nouvelle Autorité. Au-delà des sujets de déontologie opérationnels (prestations, ressources humaines, liens avec les opérateurs…) qui ont été débattus au sein d’un des groupes de travail liés à la préfiguration de la nouvelle Autorité, la CED de l’IRSN insiste sur l’indispensable prise en compte, dans le futur règlement intérieur de l’Autorité, de la question centrale des conflits d’intérêts et sur la nécessité d’une prise de conscience des sujets d’éthique y compris sur le long terme.
La CED-ASNR ne pourra se cantonner à un rôle d’examen de situations individuelles alors que la fusion IRSN-ASN pose à l’évidence de délicates questions d’indépendance entre son rôle de décideur et son activité d’expertise technique et scientifique ainsi que de maintien de compétences grâce notamment à son activité de recherche.
La première des vertus d’une réflexion éthique est d’afficher les valeurs à défendre en toute transparence. C’est ce premier travail qui devrait être fait, comme il a pu être mené par l’IRSN dans l’élaboration de sa Charte d’éthique et de déontologie et son actualisation. Il en va de la crédibilité de la future CED-ASNR.
Le tableau en annexe n°1 propose une esquisse des points qui doivent figurer parmi les dispositions du règlement intérieur de l’ASNR relatives à sa commission d’éthique et de déontologie. L’élaboration de ce règlement intérieur devrait être faite dans un climat de transparence et de dialogue avec les acteurs en charge de la conduite de la transition, favorisant la reprise de l’acquis de la CED-IRSN2, permettant d’exprimer la vision de l’ASNR et de manifester l’intérêt qu’elle porte à ces sujets. Ce travail doit bien évidemment s’appuyer sur le respect des textes porteurs d’exigences en matière d’éthique et de déontologie (directives européennes, Constitution, textes législatifs et règlementaires) mais aussi capitaliser sur le travail accompli au sein de l’IRSN et de sa CED sur la prise en compte de l’éthique et de la déontologie.
Cette expérience a montré qu’un élément fondamental pour faire d’une commission d’éthique et de déontologie un réel outil au service d’une organisation repose sur l’implication au plus haut niveau des dirigeants de celle-ci en la matière. Alors qu’une approche strictement déontologique peut être vue au mieux comme un élément de contrôle, au même titre que des fonctions d’audit. Une véritable approche éthique s’inscrit dans une perspective stratégique de l’organisation : l’éthique devient alors une dimension de l’identité et de l’action de l’organisation qui se manifeste par l’adoption d’une Charte et la mise en place d’une Commission chargée de son suivi, incluant l’ouverture à la société et rapportant au plus haut niveau de l’institution.
Délibéré et adopté à l’unanimité le 8 octobre 2024
Mots-clefs : nucléaire, risques majeurs, Sécurité