
Puisqu’Arkema n’a pas proposé de reprendre l’activité « sel » de Vencorex, l’effet domino d’une fin de production tant redoutée, était enclenchée ! De plus l’absence de politique industrielle du gouvernement sur ce secteur chimique laisse les entrepreneurs seuls face à une concurrence asiatique très efficace.
Sans le sel de Vencorex, la direction d’Arkema étudie l’abandon de la production de chlore, soit environ 120 licenciements en fermant la partie sud de la plateforme.
Les personnels des deux entreprises sont en grève illimitée, les salariés d’Arkema ont rejoint ceux de Vencorex
Face à cette destruction de toute une filière les salariés demandent une nationalisation partielle et temporaire de cette branche industrielle de la chimie. Cela coûterait plusieurs centaines de millions d’euros, mais ce serait tellement moins destructeur envers les salarié.es et moins coûteux financièrement que des fermetures et des dépollutions.
Les gouvernements successifs n’ont rien fait pour éviter ce drame et les destructions d’emplois industriels se multiplient dans tout le pays.
Reste à réfléchir à l’avenir à moyen et long terme de la chimie grenobloise, qui n’a pas que des bons côtés. Historiquement elle a beaucoup pollué l’environnement et encore actuellement ses rejets dans la Romanche et le Drac dans le voisinage des champs de captage de Rochefort, ne sont pas acceptables.
Voici des extraits d’un article d’Alternatives économiques intitulé : « Plans sociaux à Michelin, Auchan, Vencorex… le début d’une tempête pour l’emploi ? » d’Audrey Fisné-Koch.
« Les annonces de suppressions de postes se multiplient partout en France, mais elles ne sont que la partie émergée de l’iceberg car un retournement durable du marché de l’emploi est en cours…
Comme souvent en économie, l’explication n’est pas liée qu’à un seul facteur… Le premier remonte à 2020 et la pandémie de Covid-19. Dans l’urgence, l’Etat avait octroyé aux entreprises des aides sans conditionnalité. L’heure était au « quoi qu’il en coûte ». Les firmes pouvaient bénéficier de prêts garantis par l’Etat (PGE), dont le remboursement était décalé dans le temps.
« Tout ça a permis à beaucoup d’entreprises de traverser la crise alors qu’en temps normal, un certain nombre d’entre elles auraient fait faillite [Celles que l’on a pu appeler les « entreprises zombies », NDLR], note Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Les pouvoirs publics ont mis une cloche sur l’économie pour éviter qu’il y ait un affaissement du tissu productif. Mais probablement, pour certaines, les aides ont été surdimensionnées. »
Quatre ans plus tard, le réveil est difficile pour un certain nombre de sociétés. Elles doivent rembourser les PGE, ce qui crée un effet de rattrapage en matière de défaillances… et de licenciements. Car si, pendant le Covid, « les entreprises ont eu tendance à conserver leurs salariés, même en période de ralentissement de l’activité », complète Xavier Ragot, de l’OFCE, cette « rétention de main-d’œuvre » devient aujourd’hui intenable.
Effet d’aubaine et difficultés sectorielles
A cela s’ajoutent des difficultés auxquelles certains secteurs sont particulièrement exposés : le coût de l’énergie, la concurrence accrue étrangère, la baisse de la consommation… Difficile ici de ne pas citer Michelin ou Auchan.
« Mais il y a aussi un effet d’aubaine, note Hélène Cavat, maîtresse de conférences en droit privé à l’Institut du travail de l’université de Strasbourg. Une fois que la vague de suppressions d’emplois est annoncée, on peut d’autant plus facilement s’engouffrer dans la brèche. Comme en 2008, pour certaines entreprises, c’est un peu “l’occasion” de licencier. »
… la politique de l’offre menée depuis dix ans est un échec. « Une illusion vole en éclat. Celle selon laquelle si on choie les entreprises et que l’on fait en sorte que leur santé économique soit optimale, les salariés seront protégés. La situation montre bien que la politique patronale ne permet pas de conserver les emplois. »
Un rapport, publié en mai par l’institut La Boétie, abondait déjà dans ce sens. Après avoir étudié les comptes de l’Etat, les auteurs montraient à quel point la politique budgétaire a profité aux entreprises. Les subventions et transferts en capital qui leur ont été octroyés représentaient 120 milliards d’euros en 2022, soit trois fois plus qu’en 2000. L’efficacité de ces aides, en revanche, n’a pas vraiment fait ses preuves, comme nous l’évoquions déjà dans cet article.
Droit du travail pro-licenciement
En parallèle de ces aides financières, les dix dernières années ont été marquées par « une destruction méthodique de nombreuses digues qui encadraient la liberté de licencier en France », ajoute Hélène Cavat. Ainsi, si les destructions d’emplois sont si nombreuses aujourd’hui, « c’est aussi que le législateur est responsable, au moins autant que les multinationales, car il a créé un droit sur mesure qui permet au patronat de licencier plus facilement ».
Les exemples sont nombreux. De la loi de sécurisation de l’emploi de 2013 à la loi travail de 2016 en passant par les ordonnances Macron, « on a assisté à la fois la prolifération d’accords collectifs (types ruptures conventionnelles collectives ou accords de performance collective) qui facilitent les suppressions d’emplois et dégradent les conditions de travail. Et en même temps, à des attaques sur le droit de licenciement pour motif économique ». En d’autres termes, les entreprises ont de moins en moins besoin de justification à fournir pour licencier.
La mauvaise nouvelle, c’est que l’hémorragie ne devrait pas s’arrêter là. Du côté du droit du travail, il est difficile d’imaginer le gouvernement faire marche arrière pour réintroduire des protections qui encadreraient davantage les licenciements.
La responsabilité de l’Etat
Du côté socio-économique, d’autres difficultés vont venir s’ajouter aux remboursements difficiles des PGE. Le ralentissement de la croissance d’abord. Elle ne serait que de 0,8 % l’an prochain, contre 1,1 % en 2024.
« Lorsque la croissance est modeste, les entreprises embauchent moins et ont même du mal à maintenir l’emploi », rappelle ainsi Mathieu Plane.
Les employeurs ne pourront pas, non plus, compter sur la générosité des politiques de l’emploi, comme ce fut le cas ces dernières années. Plusieurs mesures sont encore en discussion dans le cadre du projet de loi de finances 2025, mais les aides versées aux entreprises pour l’embauche des apprentis devraient être revues à la baisse. Or, on sait que ces aides ont largement participé à augmenter le nombre d’apprentis et ont permis de faire grimper le taux d’emploi, non sans susciter d’importants effets d’aubaine du côté des entreprises.
Le marché du travail devrait commencer à être percuté par la montée en charge l’an prochain de la réforme des retraites…
Les plans sociaux, partie émergée de l’iceberg
Au final, en prenant en compte tous ces éléments, « il est clair que l’on est face à une situation de retournement du marché du travail », indique l’économiste de l’OFCE. N’en déplaise à la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui ne veut y voir que de simples « tensions ».
Après 7,3 % cette année, l’OFCE prévoit un taux de chômage aux alentours de 8 % pour 2025 et 150 000 destructions d’emploi. Déjà, les analystes scrutent les premiers indices pour juger de la précision de leurs estimations. Mais les thermomètres à disposition sont imparfaits. Ainsi, les statistiques des défaillances d’entreprise, qui ne concernent par définition que celles en redressement ou liquidation judiciaire, n’intègrent pas les plans sociaux.
La CGT a déjà dénombré 180 plans sociaux. Mais d’autres licenciements, plus modestes, échappent aux radars…
Entre 2015 et 2022, dans un contexte de croissance économique, plusieurs indicateurs de l’emploi et du travail avaient viré au vert en France, comme ailleurs en Europe : plus d’emplois, moins de chômage, plus de recrutements en CDI et à temps plein, une hausse du taux d’activité et du taux d’emploi, des salariés plus mobiles qui hésitaient moins à changer d’employeur pour améliorer leurs conditions de travail…
Ce cercle vertueux pour les salariés risque hélas de devenir vicieux et de contaminer à la fois les personnes qui ont un emploi et celles qui en sont privées : « Ces vagues de licenciement vont instaurer un climat de menace, conclut ainsi Hélène Cavat. Une pression à ne pas changer d’emploi, à ne pas trop revendiquer et à accepter des conditions de travail dégradées. » Voilà qui promet un futur bien noir pour l’emploi comme pour le travail…
Mots-clefs : chimie, métropole, Mobilisations