
Ainsi s’intitule un rapport de la Cour des comptes du 27 janvier 2025 qui critique sans ménagement la politique de l’Etat en annonçant : Des actions ministérielles dispersées, un pilotage interministériel insuffisant ; les limites d’une action publique prise entre incitations parfois incantatoires et sanctions difficiles à mettre en œuvre ».
Pourtant le discours politique était grandiloquent, l’égalité entre les femmes et les hommes a été désignée « grande cause nationale » du quinquennat 2017-2022 par le président de la République, puis renouvelée pour le quinquennat 2022-2027. Mais les actes ne suivent pas.
Le rapport met en lumière les différences de parcours éducatif et professionnel des femmes et des hommes ; les stéréotypes de genre sont influents et l’action publique déployée pour les résorber est limitée. Le constat très classique des inégalités entre les femmes et les hommes de l’école au travail, se résume en un paradoxe : plus diplômées que les hommes, les femmes accèdent moins que les hommes aux postes et aux métiers les mieux considérés et les plus rémunérateurs. Les stéréotypes de genre produisent des effets dès l’orientation des élèves : les filles s’orientent majoritairement vers des métiers considérés comme féminins dans l’éducation, l’action sociale ou la santé et les garçons, davantage dans les métiers des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques. Ils se poursuivent puis se consolident dans le monde du travail.
« Les actions ministérielles, pourtant nombreuses, peinent à porter leurs fruits. La hausse en trompe l’œil des moyens consacrés à cette politique n’a pas compensé les défaillances du pilotage interministériel »
En résumé :
« Des inégalités qui se réduisent lentement mais des différences de parcours genrées qui perdurent
Si depuis plusieurs décennies, l’accès des femmes à l’enseignement scolaire puis supérieur et à l’emploi n’est plus un sujet de discussion, un certain nombre de stéréotypes pèsent encore sur la manière dont les filles et les garçons abordent leur scolarité. Au lycée, les filles abandonnent plus souvent les mathématiques en terminale que les garçons. À l’inverse, ceux – ci choisissent peu les enseignements littéraires et les spécialités liées aux métiers du care. Plus généralement, l’orientation reflète le « passé » scolaire des filles et des garçons et leurs aspirations, conscientes ou résultant de l’intériorisation de stéréotypes de genre, ainsi que les projections de leur entourage, scolaire et familial. En réalité, l’enjeu de la mixité est l’égalité salariale : à niveau de qualification équivalent, la concentration des emplois féminins dans certains secteurs s’accompagne d’une moindre reconnaissance salariale. Le ministère du travail doit s’impliquer davantage pour revaloriser les métiers majoritairement exercés par des femmes. Toutefois, plus d’un tiers des écarts de salaire s’expliquent par les inégalités de volume de travail, renvoyant à la question de la conciliation des vies professionnelle et personnelle, et plus spécifiquement à la parentalité, dont la charge continue de reposer davantage sur les femmes. Les différences de métiers entraînent également des différences de conditions de travail en défaveur des femmes : depuis 2001, les maladies professionnelles progressent en effet deux fois plus rapidement pour les femmes que pour les hommes.
Des actions ministérielles dispersées, un pilotage interministériel insuffisant
L’égalité entre les femmes et les hommes a fait l’objet d’une multitude d’actes réglementaires et législatifs, parfois redondants, en rendant complexe l’application. Les moyens consacrés à cette politique ont connu une augmentation sensible depuis 2017 mais les actions engagées dans les ministères concernés ont souffert de la faiblesse du cadre stratégique, des défaillances du pilotage et d’un manque de coordination des données statistiques. L’index « égalité professionnelle », malgré la logique de résultat qu’il était censé initier, tend à invisibiliser les inégalités réelles entre femmes et hommes et n’implique pas nécessairement des pratiques plus vertueuses en matière d’égalité professionnelle. Les lois imposant des quotas aux entreprises ont une efficacité limitée, par leur champ d’application et par la difficulté à rendre effectives les obligations fixées. Les actions déployées en matière d’égalité professionnelle par le ministère du travail ont souffert d’une discontinuité des stratégies interministérielles, conduisant à un manque de coordination et d’outils de suivi adaptés.
Les limites d’une action publique prise entre incitations parfois incantatoires et sanctions difficiles à mettre en œuvre
Les ministères ont déployé des actions de sensibilisation aux inégalités ou fondées sur des outils de droit souple, comme la labellisation des collèges, lycées et des établissements de l’enseignement supérieur. Ces démarches gagneraient à être mieux pilotées pour porter davantage leurs fruits. Si de nombreuses actions sont conduites dans les établissements en faveur de l’égalité filles-garçons, la famille, premier vecteur de diffusion des stéréotypes de genre, doit en être partie prenante. La formation continue des personnels de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur doit être davantage mobilisée. De même, les parcours exemplaires de femmes (les « role models ») doivent être mieux valorisés. Ainsi, une expérimentation a montré que les filles de terminale S qui avaient pu rencontrer des femmes scientifiques s’orientaient plus souvent vers une telle filière après le lycée. Le foisonnement d’actions ne suffit pas pour autant à définir une politique publique, pour laquelle un portage politique plus fort s’avère nécessaire. Enfin, dans le monde du travail, le système de sanctions et de pénalités n’est pas totalement appliqué et demeure insuffisamment dissuasif : entre 2021 et 2024, 120 pénalités seulement ont été infligées, ce qui est très faible au regard des interventions réalisées sur la période concernant l’égalité professionnelle (plus de 30 000). »
Mots-clefs : droits des femmes, inégalités, travail