Politique de la ville : si Mistral, Alma Très-Cloîtres Chenoise, Teisseire et surtout VO-VN, m’étaient contés…

Publié le 14 avril 2017

Si nous évaluions la politique de santé uniquement à l’aune du nombre de morts à l’hôpital, nul doute que nous y mettrions fin, séance tenante. Il en est ainsi de la politique de la ville, elle est évaluée seulement au nombre de chômeurs dénombrés dans les quartiers.

Que sait-on de la politique de la ville ? A vrai dire pas grand-chose, ce qui fait qu’elle est prétexte à torrents d’idéologie, un mal qui n’est pas que français mais qui évite d’aborder la réalité de la ville et de ses quartiers, territoires-refuges et territoires-tremplins pourtant tout à fait remarquables. Par exemple, le territoire du Village Olympique-Villeneuve (VO-VN) a le même âge que la génération des mères et des pères de 30-40 ans qui y est née mais on ne sait pas grand-chose d’elle, caricatures mises à part ! C’est aussi une histoire courte qui est peu de chose à l’échelle du temps des villes.  Et, quarante ans après la construction de ces quartiers, les populations ont changé, certaines ont réussi dans leurs études et dans leur travail et sont parties ailleurs, d’autres sont arrivées après des échecs dans leur parcours familial, professionnel et résidentiel, contents de trouver-là des logements et des services accessibles, d’autres sont venues de loin car la France et Grenoble surtout ont été de tout temps des territoires d’immigration comme le souhaitaient tous les gouvernements depuis 1945. Debré, premier ministre de de Gaulle voulait une France de 100 millions d’habitants et c’est sans doute pour cela qu’il militait pour garder l’Algérie française.

Nos villes sont inégalitaires dans leur développement, ce n’est pas un scoop, et certains quartiers de la Métropole sont plus égaux que d’autres au point de bénéficier non seulement de crédits publics, mais d’avantages fiscaux (cf. la réforme des impôts locaux sans cesse différée depuis 30 ans au moins) qui font que les quartiers de la politique de la ville sont plus taxés que les quartiers du centre-ville et bénéficient de moins de moyens dits de droit commun.

La politique de la ville avait pour ambition explicite, avec des ressources particulières (les crédits spécifiques) de rattraper ces inégalités de traitement : quatre quartiers prioritaires sont aujourd’hui concernés à Grenoble (au total 23 000 habitants, 15% des Grenobloises et des Grenoblois). Malheureusement l’écart des budgets de droit commun consacrés à ces quartiers est allé se creusant avec d’autres mieux achalandés et les crédits spécifiques additionnels sont devenus substitutifs quand ils n’ont pas baissé laissant s’aggraver les fossés et les frontières au sein de la ville. Personne, au niveau de l’Etat et des collectivités locales n’a voulu dresser un état analytique des ressources et des dépenses selon les quartiers. Il est vrai que la potion aurait été amère pour les quartiers les mieux achalandés et le coût électoral bien trop grand. En quelque sorte, en 1983, Dubedout en a été empêché à Grenoble alors que son rapport national «Ensemble, refaire la ville» préconisait cette mesure.

La politique de la ville avait une autre ambition, implicite celle-là, mais sans doute beaucoup plus importante quand on sait que les difficultés que connaissent ces quartiers proviennent essentiellement de dysfonctionnements politiques et administratifs. Il s’agissait de réformer nos institutions et nos pratiques politiques d’un autre temps, non pas par décret (un pays ne se réforme pas par décret dixit Michel Crozier) mais en lançant des projets nouveaux obligeant les services publics et les intervenants privés à se réorganiser autrement. Chez Citroën on ne construit pas la DS nouvelle sur les lignes de production et avec l’organisation utilisées pour la DS du Grand Charles. La nouvelle DS a obligé de tout repenser dans l’organisation de l’entreprise. Il devait en être ainsi dans les quartiers de la politique de la ville en recrutant, comme dans les entreprises, de vrais chefs de projet habilités à faire appel aux éléments les plus motivés dans chacun des services et reconfigurer ceux-ci en conséquence. C’était là-encore l’option majeure du rapport Dubedout. Là où cette politique de la ville a réussi (Lyon, Chambéry pour en rester à la région), c’est là où le maire ou le président de la métropole a pris la responsabilité de cette politique et en a fait, avec la direction générale des services, une stratégie de transformation de l’appareil administratif communal, métropolitain et leurs satellites. L’objectif était bien de faire des services publics au service du public en imaginant et en mettant en œuvre de nouveaux projets auxquels seraient associés « ces gens de peu », chers à Pierre Sansot, forces vives de la cité ! Bref, c’était le plan de sauvegarde des services. Il aurait dû être mis en œuvre depuis longtemps et de cette manière-là.

Au cours du dernier conseil municipal, Maryvonne Boileau conseillère déléguée à la Politique de la ville a fait état des engagements de la commune en ce domaine. Elle a souligné que la commune de Grenoble s’engageait pour 160 00 euros en 2017 sur des crédits spécifiques (budget total de la politique de la ville pour la Métro de 680 000 € dont 380 000 € apportés par la Métropole). Ces 160 000 euros viennent en complément des 900 000 euros apportés par la commune aux associations et aux projets. Bel effort convenons-en en ces temps de disette ! Ce sera parfait si ces ressources supplémentaires ont un effet-levier sur l’ensemble des budgets municipaux dans les différents services et dans les associations, en provoquant les changements nécessaires dans les manières de gérer la commune et ces quartiers, en faisant appel aux compétences communautaires des gens, et notamment des femmes, celles que dans les quartiers les jeunes appellent, avec respect,  les daronnes ou les potomitans (le poteau du mitan qui soutient la charpente de la maison). Elles au moins savent ce que veut dire gouverner et gérer au quotidien. Bref, ce serait mettre en place un vrai plan de sauvegarde soutenable, démocratique, écologique et solidaire.

Point n’est peut-être besoin de beaucoup plus d’argent, mais faudrait-il bien redistribuer celui que nous avons et faire en sorte que les chefs de projet suscitent plus efficacement cette transition vers cette ville soutenable dont le VO-VN, par exemple, présente toutes les potentialités. Il suffit de faire avec ! Il y a du potentiel et de la créativité dans ces communautés-territoires pour faire de cette métropole, ce qu’elle a toujours été, une ville métissée, connectée sur le monde, gage de son succès. Les quartiers de la politique de la ville ne sont pas « enclavés » comme certains se plaisent à le dire, ce sont sans doute les seuls de cette Métropole à être pleinement branchés sur la planète, et notamment sur l’Afrique, ce continent d’excellence de la francophonie en train d’émerger économiquement. Là est sans doute l’avenir de cette ville porté par la politique de la ville.

Conte pascal !

En 1974, de jeunes diplômés, sans un sous vaillant, ont acheté une vieille ganterie de 110 m2 pour l’équivalent de 6 000 € pour établir des bureaux, place aux Herbes à Grenoble. Les professionnels de l’immobilier leur ont dit alors qu’ils avaient perdu 6 000 €. C’était juste le début du processus de restauration immobilière des quartiers anciens lancé par Dubedout. En 1995, ils ont revendu 180 000 € (30 fois le prix d’achat). Si vous avez de l’argent à placer pour vos enfants, achetez au VO-VN, les prix sont bas et avec les universités et les écoles supérieures et d’apprentissage, le centre commercial, les équipements sportifs, culturels et de santé, la parfaite accessibilité de ce territoire en transport en commun, c’est le vrai centre de la région rurbaine d’aujourd’hui et de demain. Bientôt, compte tenu des espaces disponibles, il y aura des commerces, des bistrots et des restaurants dans les rez-de-chaussée vacants des immeubles avec des terrasses donnant sur le grand lac que nous appelons de nos vœux dans le parc Jean Verlhac ! Tous les gens, aujourd’hui vieillissants, partis dans la lointaine ruralité, bientôt dépourvue de ses services publics et privés, vont faire leur retour vers la ville. La seule qui pourrait leur être accessible, ne serait-ce pas le VO-VN ?

Vous en rêvez, cette majorité est en train d’engager ce processus de développement soutenable dans quatre territoires de la commune construits après 1960 ! Personne ne croyait en 1965 à la restauration, à la piétonisation et à la revalorisation du centre ancien proposées par Dubedout ! Les villes obéissent à des cycles d’une quarantaine d’années, temps d’une génération arrivée à maturité. Ne suffirait-il pas que les politiques soient en phase avec ces cycles générationnels ?

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