Les dégâts de l’austérité gouvernementale, notamment sur la politique de la ville

Publié le 18 mai 2018

En attendant les décisions du Président de la République le 22 mai, suite au rapport Borloo sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), il faut faire le point sur les importants dégâts faits par la politique gouvernementale qui ont et vont avoir des conséquences très dangereuses dans les QPV de l’agglomération et espérer que la politique va évoluer. Au conseil municipal du 14 mai un vœu a été voté en direction du gouvernement pour que les préconisations du rapport Borloo soient toutes appliquées.

Etudions successivement les différentes contraintes mises en route par la nouvelle politique gouvernementale : 1- l’encadrement des dépenses des collectivités locales ; 2- mettre à sec les finances des bailleurs sociaux avec la baisse des loyers des ménages touchant l’APL ; 3- la prochaine loi ELAN sur le logement ; 4 – les menaces du prochain plan Pacte ; 5 – le refus de l’Etat de défendre certains patrimoines immobiliers historiques.

1 – L’encadrement des dépenses des collectivités locales, va limiter leurs capacités d’action notamment en direction du logement social :

La loi de programmation des finances 2018-2022 a décidé un encadrement étroit des finances des collectivités locales sur la durée du mandat présidentiel, par la limitation forte des dépenses de fonctionnement (inférieure à l’inflation !) et par la demande de diminution de la dette. Les conséquences immédiates sur la période de 5 ans seront de limiter drastiquement les capacités de subventions en fonctionnement des communes et de la Métro et de bloquer des subventions d’investissement en direction notamment des bailleurs sociaux. Ni la Métro, ni les communes ne vont pouvoir augmenter sérieusement les subventions aux bailleurs sociaux qui en auraient bien besoin vu ce qui est en train de se passer. Il n’y a pas moyen de contourner cette difficulté (car imposée par la loi) sauf à trouver des finances ailleurs, mais où ? Pas du coté des impôts locaux qui sont déjà très élevés à Grenoble et peu d’espoir des autres collectivités puisqu’elles subissent aussi l’austérité.

2 – La loi de finance 2018 a mis à sec les finances de nombreux bailleurs sociaux dès cette année avec la baisse des loyers des ménages touchant l’APL, avec pour conséquence immédiate de diminuer fortement leurs ressources propres entrainant un moindre entretien du patrimoine et une moindre activité de proximité. Cette situation est particulière, car elle ouvre la voie à une iniquité de traitement entre les locataires du logement social, lorsqu’ils sont ou non bénéficiaires de l’APL. Par cette baisse de loyer (qui va s’amplifier à l’avenir) le gouvernement fait croire à une mesure sociale, ce qui est totalement faux puisque le locataire voit en même temps le loyer baisser ainsi que son APL et de quasiment le même montant. La seconde hypocrisie est d’annoncer à grand renfort de publicité que la baisse de la Taxe d’Habitation sera pour tous une réelle amélioration du pouvoir d’achat. Les bénéficiaires de l’APL en QPV ont très souvent une exonération ou un dégrèvement important de TH, la baisse ne changera pas grand-chose pour eux. Par contre ce sera une réelle amélioration pour les ménages qui ne bénéficient pas de l’APL et qui en général paient la TH sans dégrèvement ou de peu d’importance.

3 – La prochaine loi ELAN sur le logement amplifie l’austérité en direction de bailleurs sociaux en prévoyant une forte augmentation de la TVA sur les activités liées au logement et en bloquant les loyers, ce qui apparait comme positif pour les locataires mais qui coupe encore dans les recettes des bailleurs. La loi obligera les bailleurs à se regrouper ou fusionner pour que les nouveaux ensembles dépassent les 15 000 logements. Pour essayer de desserrer ces étaux financiers, la Métro et la ville de Grenoble vont devoir trouver une bonne solution pour se doter d’un outil qui lui permettra de préserver la gouvernance politique locale du logement social plutôt que de se laisser piloter par des investisseurs désignés par le gouvernement sur un modèle des années d’après-guerre, où il fallait reconstruire le pays, selon des modèles standardisés avec des normes allégées, ce qui entraînera des difficultés de gestion, mais aussi l’enrichissement de quelques grands groupes constructeurs.

L’ADES est favorable à une solution d’économie mixte locale regroupant les bailleurs sociaux qui permettrait de conserver localement la direction politique de l’outil et ouvrirait des possibilités de réaliser des opérations hors logement social qui permettraient de dégager des ressources pour aider le logement social. A condition que les actionnaires privés n’aient pas la minorité de blocage.

Il est essentiel que des fortes pressions soient faites sur les parlementaires pour qu’ils amendent la loi ELAN et arrêtent ces agressions dirigées spécifiquement contre le logement social.

4 – Les menaces du prochain « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises- PACTE ».

Le ministre de l’Economie et des Finances (de droite) a déclaré lors d’une interview récente à propos de la prochaine loi PACTE : « Nous allons supprimer le seuil de 20 salariés et les obligations sociales et fiscales qui y sont liées, à l’exception de celles liées à l’emploi de personnes en situation de handicap ».

Ces suppressions seraient alors entièrement prises en charge par l’Etat, pour un coût de 500 millions d’euros.

Parmi les obligations supprimées : le versement de la Peec (Participation des employeurs à l’effort de construction) et la cotisation au Fnal (Fonds national d’aide au logement), gérés par « Action Logement » qui voyait ses recettes amputées et qui menace alors de ne plus financer l’ANRU, alors qu’elle en est le principal financeur. Et rien n’assure que l’Etat compensera ces financements en totalité.

A force de vouloir tout chambouler, sans avoir estimé l’ensemble des conséquences il y a fort à parier qu’encore une fois ce sont les politiques sociales qui vont trinquer.

5 – Le refus de l’Etat de défendre certains patrimoines immobiliers historiques a des conséquences aussi négatives pour certains quartiers. Par exemple à Grenoble, le quartier de l’Abbaye doit absolument être réhabilité. Mais une réhabilitation conforme aux exigences règlementaires coûte plus cher qu’une reconstruction. Le caractère patrimonial de certains immeubles pousserait à privilégier une réhabilitation qui permettrait de conserver, mais vu l’état des finances des collectivités et des bailleurs sociaux, s’il n’y a pas d’aide de l’Etat pour conserver ce patrimoine, rien ne se fera. Soit le privé interviendra pour réaliser des opérations financièrement intéressantes avec un changement radical dans la composition sociale du quartier, soit les bâtiments resteront à l’abandon ou devront être détruits.

Conclusion sur les quartiers en QPV : soit il y a une mobilisation forte de subventions nationales par l’ANRU ou ce qui la remplacera, soit il y aura un gel de l’activité publique (collectivités et bailleurs) qui n’a plus les capacités financières d’intervenir avec une lente mais inéluctable dégradation de ces quartiers. Il est donc fondamental pour la Métro, les Villes et les bailleurs de trouver d’importantes subventions pour sauver les quartiers en QPV. La donne économique a totalement changé par rapport au programme ANRU précédent où il y avait de nombreuses alternatives possibles. Maintenant, sauf à rêver d’un changement radical dans la politique de la ville, la voie à suivre est extrêmement étroite.

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