La centrale de Fessenheim fermée suite à un processus de décision chaotique !

Publié le 13 mars 2020

La Cour des Comptes vient de mettre en ligne une communication à la commission des finances du Sénat intitulé « L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires ».

La Cour été saisie (conformément à la loi) par le président de la commission des finances du Sénat, le 11 décembre 2018, d’une demande d’enquête sur l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires civiles. Le rapport final a été approuvé le 28 janvier 2020 par le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes.

Voici un extrait de la synthèse du rapport qui critique le processus de décision de l’Etat dans la préparation de la fermeture de Fessenheim.

« La fermeture de la centrale de Fessenheim, caractérisée par un processus de décision chaotique, risque d’être coûteuse pour l’État.

Cette fermeture avait été annoncée par le Président de la République dès 2012. À la suite de la promulgation de la LTECV en 2015, elle a été liée à la mise en service de la centrale de Flamanville 3 (EPR). En 2016, des négociations se sont engagées entre EDF et l’État autour de l’élaboration d’un protocole d’indemnisation, sur le fondement de la responsabilité sans faute de l’État du fait des lois. L’actuel Président de la République a finalement annoncé, en novembre 2018, que cette fermeture serait dissociée de la mise en service de l’EPR, laquelle n’est plus prévue avant 2023 au plus tôt. EDF n’a confirmé la fermeture de la centrale que le 27 septembre 2019, aussitôt le protocole d’indemnisation signé. 

Jusqu’alors, les annonces de l’État et la communication de l’entreprise avaient entretenu une confusion importante sur leurs responsabilités respectives. En l’absence de la mise en service de l’EPR de Flamanville, le plafond de capacité introduit par la loi ne pouvait effectivement contraindre directement l’entreprise à cette fermeture. Ce constat illustre la difficulté pour l’État de concilier son rôle d’actionnaire majoritaire d’une entreprise publique et de responsable de la politique énergétique.

Le protocole signé comporte deux chefs d’indemnité : une indemnité initiale pour anticipation des dépenses liées à la fermeture et une indemnité pour bénéfice manqué. Ce protocole présente sur de nombreux points des risques de divergence d’appréciation et donc un risque financier pour l’État. Certaines dispositions de mise en œuvre (modalités de calcul, clauses de rendez-vous réguliers, nature et forme des justificatifs, mobilisation d’expertise à l’appui de l’application de certaines clauses, etc.) mériteraient d’être précisées par avenant afin de limiter ce risque.

En outre, bien que les différentes étapes de négociation aient permis de faire évoluer le contenu du protocole, ses dispositions restent favorables à l’entreprise. La période indemnisée s’étend ainsi jusqu’en 2041, soit jusqu’à la sixième visite décennale de la centrale, alors qu’EDF prévoit dès aujourd’hui certains arrêts de centrales à leur cinquième visite décennale (soit après 50 ans de fonctionnement). Le montant relatif au préjudice pour anticipation des dépenses postérieures à la fermeture est aujourd’hui évalué à 370 M€2019, mais pourrait s’avérer plus élevé en cas de paiement différé, compte-tenu des taux d’actualisation retenus. Un paiement le plus rapide possible permettrait à l’État d’économiser plusieurs dizaines de millions d’euros.

Les montants relatifs au préjudice pour bénéfice manqué restent quant à eux très incertains car ils dépendent notamment des futurs prix de l’électricité et du mode de régulation du nucléaire. Les calculs effectués par la Cour, suivant différents scénarios de prix, montrent la forte sensibilité de ces montants aux hypothèses retenues ; elles soulignent l’intérêt pour l’État qu’aurait présenté le plafonnement, non prévu dans le protocole, de cette part d’indemnisation. 

Par ailleurs, les territoires concernés par la fermeture de Fessenheim bénéficient, afin de lisser la perte des recettes fiscales due à la fermeture, à la fois d’efforts budgétaires particuliers et d’un nouveau dispositif de compensation assis sur la solidarité des territoires qui perçoivent l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER). »   

Pour lire le rapport cliquer ici.

Mots-clefs : , ,

Le commentaires sont fermés.