Pour un habitat de qualité accessible au plus grand nombre

Publié le 1 mai 2015
© Ville de Grenoble

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Lors du Conseil municipal du 27 avril, la majorité a présenté ses aides au logement social et la programmation prévue pour 2015. Actuellement le taux de logements sociaux à Grenoble est de 21,7 % et pour respecter la loi, il devrait progresser fortement pour atteindre les 25 % en 2025. Ceci impose une moyenne d’environ 400 nouveaux logements sociaux par an, soit en logements neufs, soit en transformation de logements existants en logement sociaux. Évidemment dès que le mot social est prononcé la droite et l’extrême droite montent au créneau en attisant les peurs et les fantasmes, car pour ces oppositions il ne faut pas faire trop de logements sociaux, notamment dans les quartiers où il n’y en a pas beaucoup ! Voila la stratégie des ghettos de riches et des ghettos de pauvres qui ressurgit avec une vision d’une ville socialement segmentée alors que la majorité des Grenoblois a clairement exprimé par son vote de mars 2014 son désir d’une ville pour tous. Rappel : les 2/3 des ménages grenoblois ont droit au logement social et il manque cruellement de logements PLAI à loyers les plus bas. Le PLU modifié en décembre 2014 impose la construction de 40 % de logements sociaux dans les quartiers où il en manque. La droite a donc voté contre les propositions de la majorité, mais ce qui est surprenant, c’est l’abstention de l’opposition PS et assimilés sur cette délibération.

Voici une réflexion de Claude Jacquier sur la nécessité d’innover afin de promouvoir cet habitat de qualité, soutenable et accessible que beaucoup espèrent.

«Vers un habitat de qualité, soutenable et accessible ? La route est encore longue ! Défions-nous de la stratégie des petits pas !

La transformation du secteur du logement, notamment sa mise aux normes Energie-Climat est un des défis majeurs pour la Métropole et la commune de Grenoble. Globalement la situation est à considérer sous toutes ses facettes car il ne s’agit pas, en effet, et simplement, de construire de nouveaux logements performants BBC et de les attribuer à des ménages dans le besoin mais bien surtout de restaurer le patrimoine existant, de le recycler, de le rendre économe en énergie, d’assurer son attractivité de manière à en faire un habitat de qualité à l’heure où les opportunités foncières partout se restreignent au fond de la cuvette. L’objectif est aussi de réguler et de maîtriser l’occupation et l’appropriation parfois violente de ces logements et des espaces publics par des braconniers. Tout cela passe par un développement soutenable des territoires : coproduire un environnement vivable, une société équitable, une économie viable en assurant la sécurité collective de toutes et de tous.

Beaucoup de populations et de logements de cette Métropole sont localisés aujourd’hui dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (3 quartiers à Echirolles, 1 à Fontaine, 4 à Grenoble, 1 à Pont de Claix et 1 à St Martin d’Hères). A Grenoble, plus de 50% des logements d’ACTIS (Office Public d’Habitation) sont localisés dans ces quartiers. Au rythme actuel de construction neuve et de restauration des logements dans la Métropole, seulement 1 à 2% du stock sont renouvelés par an. C’est peu et à ce rythme il faudra donc entre… 50 et 100 ans pour parvenir à un résultat tangible… sans compter, entre-temps, la poursuite du processus d’obsolescence au sein du patrimoine restauré. Pas besoin d’en dire beaucoup plus sur l’efficacité des efforts réalisés depuis des décennies. Rappelons aussi que l’objectif officiel retenu par le Plan Energie-Climat en France et en Europe, le 3X20% (20% de Sobriété, 20% d’Efficacité, 20% de Renouvelable, SER) a pour échéance l’année 2020, soit dans moins de 5 ans ! Rappelons aussi que l’objectif Facteur 4, soit la division par 4 des consommations d’énergie et de la pollution est à échéance de 35 ans, une génération (2050) ! Rappelons que ces objectifs sont fixés pour espérer limiter l’augmentation moyenne de température de la planète de 2°C ce qui aura néanmoins des conséquences dramatiques notamment dans la cuvette de la région rurbaine grenobloise qui vit et survit, comme l’Europe d’ailleurs et ses grands fleuves, grâce à la grande machine thermo-hydraulique des glaciers alpins. Rappelons enfin, pour faire bonne mesure, que nos usages plus ou moins précautionneux au quotidien, du patrimoine immobilier, sont responsables de 45% des consommations énergétiques et des pollutions.

Prôner en ce domaine de l’habitat et de l’immobilier, la stratégie des petits pas prudents relève de l’inconscience et de l’irresponsabilité. Les élu-es, et surtout, toutes les institutions (promoteurs publics et privés, bailleurs, aménageurs, entreprises du BTP, fabricants de composants et de matériaux, organismes sociaux, associations d’habitants, etc.) qui souscrivent d’une manière ou d’une autre à l’objectif d’un habitat soutenable et veulent contribuer à ce qu’il soit atteint, doivent se hisser d’un ou de deux crans au moins, au-dessus de ce qu’ils ont fait jusqu’ici. Ils doivent changer rapidement et radicalement leur manière d’envisager le devenir de la ville et de la région rurbaine pour coopérer pleinement à cet objectif. Par-delà leurs antagonismes habituels, et souvent factices, leur intérêt bien compris doit être de coopérer. Il n’a pas d’autre branche à l’alternative hormis celle réservée au suicide collectif.

Tout cela n’est pas une affaire de financements qui seraient devenus rares (les ressources financières de nos territoires rurbains n’ont sans doute, jamais été aussi abondantes rapportées au nombre d’habitants), mais bien une affaire de gaspillage des ressources. C’est aussi et surtout une affaire de réorganisation plus sobre, plus efficace et plus renouvelable de nos institutions bureaucratisées qu’il faut fonder sur des innovations, pas seulement techniques, mais bien environnementales, sociales, économiques, culturelles et politiques, en se nourrissant des riches potentialités de ce territoire. Pour cela, il faut des opérateurs et des chefs de projets éclairés et déterminés ayant bien pris en compte la dimension des enjeux et qui soient capables essentiellement de deux choses :

  1. coordonner et intégrer, dans le temps, toute la chaîne d’élaboration, de production et d’usage de l’habitat (de la rue des sans-abris jusqu’à l’accession à la propriété) en sécurisant les différentes étapes des parcours résidentiels qui ne seront plus jamais linéaires ; la promotion résidentielle de tous, vision idyllique des trente glorieuses, va désormais de pair avec la rétrogradation résidentielle de certains … et même de beaucoup,
  2. coordonner et intégrer, dans l’espace, toute la diversité des compétences, plus que jamais, juxtaposées en silos (voir l’actuelle fragmentation excessive des services tant du côté de l’Etat et des collectivités territoriales que des acteurs privés) ; pour stimuler cela des projets d’envergure doivent être lancés, par exemple sur la Villeneuve d’Echirolles et de Grenoble en intégrant Grand’Place (Nouveau Plan National de Rénovation Urbaine NPNRU), un patrimoine urbain qui est au cœur de la Métropole ou encore dans le secteur Mistral (NPNRU régional) en étendant le périmètre au redéveloppement des territoires allant des berges du Drac au cours de la Libération et du sud du Rondeau, Viscose, aux Grands Boulevards, sans doute une occasion de traiter autrement la saignée polluante de l’A480 et le rapport aux rivières.

Là où se concentrent, pour la Métropole, les principaux défis du développement territorial et de la sécurité collective, là devraient fleurir les perspectives de l’habitat d’aujourd’hui et de demain (objectif 3X20%, objectif facteur 4). Nous devrions le faire en rassemblant tous les acteurs et en «faisant avec» les communautés-territoires existantes (inventer de nouveaux mode d’habiter avec les citoyens). Le principal défi aujourd’hui est surtout d’échapper à des représentations datées de la cité et de la vie en société imposées d’en haut. Qu’on le veuille ou non, la nécessité s’imposera, un jour prochain, à toutes et à tous ! Il serait plus sage, et sans doute plus intelligent, d’anticiper, un art de faire si rare en France et qui pourrait être élevé au rang de spécificité grenobloise !

A Grenoble, dans la Métropole et dans la région rurbaine (massifs et vallées), ces opérateurs et chefs de projets potentiels existent, ce sont en particulier les organismes producteurs et gestionnaires de logement : on en dénombre quatre ou cinq d’importance. C’est, par exemple, ACTIS et Grenoble Habitat qui demain, le 1er janvier 2017, soit dans un an et demi, seront rattachés à la Métropole. Reste à faire prendre conscience à leurs administrateurs, à leurs dirigeants, à leurs collaborateurs et à leurs partenaires que les modèles et les logiciels embarqués dans leurs organisations ne sont plus tout à fait en phase avec ces défis et que c’est de leur intérêt bien compris qu’ils en changent ! Il n’y a pas grand-chose à attendre en la matière d’une impulsion étatique, l’innovation a toujours été locale, elle n’a jamais pu être décrétée d’en haut par la «province parisienne», désormais devenue exsangue. Tout cela se sait, particulièrement à Grenoble, où les partenaires locaux ont créé et inventé en tant de domaines, depuis des décennies, voire des siècles, sans trop attendre, ni espérer de Paris. Les gens d’ici, les femmes et les hommes, «ces gens de peu» aussi dont parlait si bien Pierre Sansot, sont prêts à y contribuer et qui sait, l’Europe, l’Etat, le gouvernement, celui en place ou le prochain, seront à l’affût de ce qui pourra émerger de cette région traditionnellement si créative et si iconoclaste, sans doute parce qu’elle a accueilli, depuis longtemps, tant de gens en provenance de tous les coins de la planète. Ne nous laissons pas entraver par les idées politiques régressives, allons à grandes enjambées dans ces vallées du fond de la cuvette, il sera toujours temps de raccourcir le pas quand nous aborderons les vraies difficultés de la montagne… bureaucratique… »

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