Révélations sur des informations cachées par le conseil général de l’Isère sur ses projets de «rocade-nord»

Publié le 29 septembre 2010

Conférence de presse du mardi 28 septembre 2010

L’ADES a tenu une conférence de presse le 28 septembre en dévoilant des études cachées qui indiquaient que si le péage était fixé à 2 €, valeur défendue par le Conseil général (CGI) en réponse à la commission d’enquête, alors le trafic chutait tellement aux heures de pointe qu’il suffisait d’une rocade à une seule voie dans chaque sens ! Donc la rocade ne répondait plus aux exigences posées au départ par le CGI. Ces études étaient connues des services du CGI avant d’arrêter le dossier d’enquête publique. Les commissaires enquêteurs et les habitants ont demandé des précisions à ce sujet, le CGI leur a caché ces informations pourtant stratégiques.

Il y a vraiment des choses à changer dans la manière dont les décisions publiques se prennent au mépris de la démocratie la plus élémentaire. Pour chaque projet les avantages comme les inconvénients doivent être étudiés avec la même rigueur. Ce projet a coûté au moins 30 M€ aux contribuables pour rien. Il aurait suffit de faire ces études de trafic en fonction du coût d’un péage pour s’apercevoir qu’il ne tenait pas la route. Toute rocade gratuite n’est pas finançable, toute rocade finançable n’a pas assez de trafic pour avoir un impact significatif sur le trafic dans l’agglomération. Nous attendons de MM. Vallini et Destot qu’ils en tirent les conclusions claires en faisant ce qu’a fait de manière respectable M. Baïetto qui a reconnu s’être trompé sur ce dossier.

Rappels utiles pour comprendre

Le Conseil général de l’Isère (CGI) arrête le 28 juin 2009 le dossier définitif du projet de «rocade-nord» de l’agglomération grenobloise (RNG) et le dossier d’enquête publique.

Dès la fin 2008 apparaissent des études (peu détaillées) du maître d’œuvre des études (EGIS, filiale de la Caisse des dépôts) sur différents scénarios de la RNG à l’horizon 2014. Deux scénarios d’organisation des déplacements sont proposés, le scénario dit «de référence» et un scénario dit «volontariste» dont on n’obtiendra des détails que plus tard. Le scénario «de référence» est calé sur les investissements et choix prévus par le SMTC et les différentes collectivités à cet horizon, c’est le scénario choisi par le CGI (voir annexe page 1). Par contre le scénario «volontariste» est très irréaliste puisqu’il suppose des investissements supplémentaires très importants notamment en transports en commun non financés ; il impose aussi des contraintes de circulation très fortes au centre de l’agglomération, ceci pour induire un trafic plus important sur la «rocade-nord». C’est pourtant ce scénario qui sera utilisé pour démontrer les avantages de la rocade (bilan économique, bilan carbone…).

Le Conseil général dépose le dossier d’enquête publique avec une hypothèse de péage de la «rocade-nord» à seulement 1 €, ce qui est curieux puisque dans le même temps il indiquait que le péage devrait être plutôt de 2 € sinon plus. Malgré cette contradiction, tous les calculs économiques du scénario «volontariste» l’étaient avec un péage à 1 €.

Or le 29 mai 2009, le Conseil général indique dans le rapport qui accompagne la décision de concéder à un groupe privé la réalisation et l’exploitation de la rocade, que seul le scénario «volontariste» avec un péage à 2 € permettrait d’éviter que le CGI soit obligé de verser au concessionnaire en plus de la subvention d’investissement (couvrant les 2/3 de l’investissement), une subvention de fonctionnement chaque année durant environ 40 ans !

Donc il est très curieux que ce soit le péage à 1 € qui apparaisse seul dans l’enquête publique. De nombreuses associations et habitants sont d’ailleurs intervenus sur ce point auprès des commissaires enquêteurs, et la réponse du CGI aux commissaires enquêteurs faite en décembre 2009 sur ce point est des plus empruntée, voire gênée (voir annexe page 1 réponses 11.4 et 11.5).

Des informations inédites :

1. Une étude cachée au public

L’étude faite par EGIS (étude commandée par le CGI) sur la sensibilité du trafic en fonction du prix du péage a été terminée le 31 mai 2009 soit bien avant que le conseil général dépose le dossier d’enquête publique.

Le CGI connaissait donc bien avant l’ouverture de l’enquête publique le sens des conclusions de l’étude d’EGIS, mais il ne les a pas rendues publiques, il les a même cachées aux citoyens et aux commissaires enquêteurs (voir annexe page 1, réponse 11.5).

2. Une étude qui démonte la rocade

Cette étude EGIS démontre que pour une valeur de péage de 2 € pour le scénario «de référence» il y a une telle perte de trafic dans la rocade qu’un ouvrage à 2 fois 2 voies ne se justifie pas, il suffirait d’une voie dans chaque sens ! Même conclusion pour un péage à 3 € pour le scénario «volontariste» (voir annexe page 2). Le scénario de référence étant le scénario qui représente le projet mis à enquête publique.

Il faut préciser que ces simulations sont pourtant très optimistes en faveur de la rocade puisqu’elles supposent que le comportement des automobilistes serait identique vis-à-vis de la rocade pendant les heures creuses et les heures de pointe, ce qui est évidemment faux.

A noter en plus que, d’après les études EGIS dans l’enquête publique, le trafic dans la rocade n’augmenterait pas à l’avenir puisque les simulations indiquent pour 2025 un trafic du même niveau qu’en 2014 pour un péage à 1 €.

Ces informations qui ont été cachées par le conseil général de l’Isère condamnaient d’entrée le projet si elles avaient été divulguées. Tous les avantages de la rocade exposés dans le dossier d’enquête publique sont très fortement diminués avec un niveau de péage réaliste.

On comprend mieux pourquoi le scénario dit «volontariste» a été inventé et pris comme référence pour les calculs économiques. C’est le seul qui pourrait peut être justifier deux voies dans chaque sens dans la rocade.

On comprend mieux la non résistance du CGI et de ceux qui connaissaient ces données, suite à l’avis défavorable de la commission d’enquête. En effet vouloir relancer ce projet avec les vraies données aurait été désastreux lors d’un recours contre une déclaration d’utilité publique.

3. Une autre information cachée :

La réalisation de la gare de péage dans la tranchée ouverte près du CHU posait d’importants problèmes car les contraintes dues au manque de place sont très sévères. Le maître d’œuvre des études émet des réserves sur l’aspect sécurité routière au sujet du péage dans sa configuration “ Télépéage rapide ”, la seule possible ! (voir annexe page 2).

Le dossier «rocade-nord» : une série de manipulations de l’information

Depuis le début de cette affaire le Conseil général de l’Isère avec ses «partenaires publics et privés », n’a pas arrêté de manipuler l’information en rendant public des chiffres ou des documents qu’il savait pertinemment faux ou orientés dans le sens qu’il voulait, un sens unique…

1) Cela a commencé par l’annonce du chiffrage de la «rocade-nord» à 580 M€ (valeur avril 2006) qui paraissait étrangement faible puisque fondé sur un coût de l’ouvrage fonctionnel de seulement 410 M€. Nous nous sommes trouvés confrontés à des refus systématiques et répétés d’ouvrir les dossiers permettant de vérifier cette annonce.

Contraint et forcé suite à un recours en tribunal administratif, le CGI déclare qu’il n’y a pas de documents fondant ce coût ! Mais il maintiendra ce coût contre vents et marées.

2) Cela a continué par la consultation bidon de l’été 2007 qui cherchait à avoir un soutien de l’opinion en trafiquant les questions. Puis par la découverte que les études de l’AURG sur les trafics entre scénarios avec et sans rocade avaient été expurgés des informations qui auraient mis à mal le projet.

3) Lors de la concertation suivant l’article L 300-2 du code de l’urbanisme, le CGI poursuit ses mensonges en affirmant que le coût de 580 M€ (valeur avril 2006) est validé par des bureaux d’études, ce qui s’avère faux après l’obtention, suite à un recours en tribunal administratif, de certains éléments des bureaux d’études.

4) Le conseil général a refusé systématiquement de donner des documents sur les scénarios économiques, alors que ceux-ci démontraient la grande difficulté du financement de la rocade.

Conclusion : la mort programmée de tout projet de «rocade-nord»

Quelle perte de temps et d’argent. Les études préalables ont coûté au moins 30 M€ au CGI. Lorsqu’il a décidé d’étudier le projet «Cumin» (qui n’était qu’une illusion), le CGI avait indiqué qu’il y consacrerait 1 M€.

S’il avait fait un travail correct avec des gens compétents, ces éléments stratégiques complémentaires révélés aujourd’hui auraient été connus et le projet aurait été immédiatement abandonné.

L’exigence de la gratuité de la rocade était une exigence première de ses promoteurs (cf les études menées pour le feu PDU 2000). Mais dès cette époque la machine à mensonge s’était mise en route, le PDU était fondé sur une rocade à 300 M€, toute souterraine, avec traitement des gaz d’échappement et gratuite… Evidemment c’était du pur rêve (en fait un cauchemar).

Tout projet de rocade à péage, si il voulait être financé (par les contribuables et les usagers) n’apporterait aucune amélioration significative pour les déplacements et toute rocade gratuite ne serait pas finançable. Fermez le ban, ouvrez les dossiers et les yeux !

La leçon est chèrement payée par les contribuables, il faudrait que les leçons politiques soient bien tirées par les habitants, les contribuables et les électeurs. On peut estimer à plus de 40 M€ l’argent public engagé dans ces études en impasse (rocade «DDE» et rocade «CGI»).

Des leçons à tirer

Pour tout projet, l’étude doit expertiser les avantages et les inconvénients et toujours présenter plusieurs scénarios équilibrés, en rendant publiques toutes les informations :

Dans ce dossier les inconvénients de la rocade ont toujours été cachés.

Le dossier a été piloté par un véritable cabinet noir, les élus ayant accepté de se voir dépossédé des décisions.

A part les écologistes qui étaient vigilants et qui s’opposaient à juste titre à ce projet, les autres élus ont soit démissionné de leur fonction soit accepté pour des raisons purement idéologiques de soutenir l’insoutenable.

Il faut réintroduire de l’esprit critique dans les assemblées délibérantes qui ne sont plus que des chambres d’enregistrement des décisions prises ailleurs. La démocratie dans la décision publique est à reconstruire complètement.

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