Tarification progressive, attention aux illusions

Publié le 8 septembre 2012

Un de nos lecteurs impliqué dans la lutte contre la précarité énergétique nous signale que la tarification progressive n’est pas toujours, loin de là, synonyme de tarification sociale. Il serait regrettable que le projet de loi de F. Brottes, qui part d’une bonne intention, devienne une usine à gaz et passe à côté de son véritable objectif. En ce sens, la notion même de « service public industriel et commercial » qui empêche la mise en place de vrais tarifs sociaux, est sûrement à revoir.

Voici un extrait de la note qu’il a écrite sur ce sujet :

« La tarification progressive qui consiste à moduler le prix de l’énergie en fonction de la quantité consommée peut s’appliquer sur l’ensemble de la facture ou être modulée sur chacune des composantes du prix de l’énergie. Les gros consommateurs paient donc le kWh plus cher que le coût réel pour que les petits consommateurs puissent bénéficier d’un kWh moins cher. Une telle tarification peut être envisagée selon différents critères qui en rendront l’application intéressante selon les catégories de consommateurs.

  • Le but le plus souvent avancé est d’encourager les consommateurs à diminuer leur consommation, ce qui est parfaitement louable lorsque le consommateur est maître de sa consommation mais l’est beaucoup moins dans le cas de dépenses contraintes. Dans le cas du logement par exemple, très peu de locataires et peu de propriétaires à revenu modeste ont la maîtrise effective des performances thermiques de leur logement : imposer une tarification progressive les amènera rapidement en situation de précarité énergétique ce qui veut dire soit qu’ils paieront trop (en particulier vis-à-vis de ceux qui ont eu des aides pour obtenir des logements performants et qui seront dès lors aidés deux fois) soit qu’ils ne se chaufferont pas ou mal. Des études montrent que la consommation énergétique augmente avec les revenus mais ces études ne sont pas en état de dire si cette situation résulte des privations que s’imposent les ménages modestes ou du laxisme des ménages aisés. Par contre, il est avéré que les ménages à faible revenus, donc sans capacité d’endettement, n’ont pas les moyens financiers d’investir pour réduire significativement leur consommation ou pour changer de type d’énergie de chauffage.
  • Un autre but est de prétendre faire de cette tarification un tarif social qui aiderait donc en priorité les ménages à faibles revenus. L’Allemagne a fait étudier en 2008 la mise en place d’un tel tarif à visée sociale et ne l’a pas adopté car il ne répond en fait, pour les raisons citées ci-dessus, à aucun des critères intéressants pour un tarif social. Il est bien adapté pour ce qui concerne la tarification de l’eau, généralement prise en exemple pour justifier un tel tarif, mais la consommation d’énergie, qui conjugue l’état du logement et son énergie de chauffage, la cuisine, le mode de vie, la qualité des équipements, … a une structure beaucoup trop complexe pour répondre correctement aux critères d’un tarif progressif et social efficace. Mettre sur pied en même temps les deux tarifs serait très compliqué mais indispensable si on ne veut pas une fois de plus désavantager les plus modestes. Vouloir adapter le tarif progressif aux qualités thermiques du logement occupé par le consommateur risque en plus de n’être pas plus simple car il n’existe pas de moyen efficace de mesurer les qualités énergétiques des logements sans étude précise. Les DPE (diagnostics de performance énergétique) ne sont pas suffisamment fiables, n’étant basés sur les consommations réelles que dans le cas de logements collectifs; il faudrait sérieusement les améliorer et tester leur validité avant de les utiliser dans des tarifications progressives. De plus, ces diagnostics représentent un coût supplémentaire ; à la charge de qui ?

La tarification progressive de l’électricité avec des tranches est appliquée dans un pays, le Japon et dans l’état de Californie qui sont deux endroits où la pointe de consommation se situe en été avec la climatisation et où le but était de diminuer les consommations. En Flandre, une tranche d’électricité est gratuite mais le lien entre bas revenu et faible consommation n’a pas été démontré et l’Allemagne a abandonné l’idée de l’utiliser comme tarif social.

Si l’on veut un vrai tarif progressif, la première et la plus simple manière de le réaliser est de faire payer à coût réel la facture uniquement en proportion de la consommation sans aucune part fixe, cela évitera de voir le coût unitaire diminuer quand la consommation augmente, et de mettre à coté des aides sociales automatisées basées sur les revenus. Pour finir, il faut remarquer que ce type de tarif est souvent considéré comme incompatible avec les règles de la concurrence et demande une manipulation compliquée des tarifs pour que l’ensemble puisse fonctionner sans subventions. »

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