Le scandale des emprunts toxiques souscrits à la fin des années 2000 par certaines collectivités n’a pas fini de porter atteinte gravement aux finances locales. Ces emprunts proposés par certaines banques dont la plus fameuse était la banque franco-belge DEXIA, dite « banque des collectivités » ont vu leur taux exploser depuis la chute de l’euro par rapport à d’autres monnaies comme le franc suisse ou le dollar US. En effet les taux d’intérêt, qui semblaient avantageux de quelques dixièmes de % au moment de la souscription par exemple en 2007 pour la Métro, étaient indexés sur le rapport de taux de change entre monnaies. Depuis 2010 le taux des emprunts de la Métro pris pour payer la construction du Grand Stade a dépassé les 10 % l’an, ce qui signifie que pour un prêt de 20 millions d’euros, c’est 2 millions qui s’envolent en fumée vers les comptes du banquier. Quel meilleur usage pourrait-on faire avec de tels montants qui vont perdurer encore 10 ans ?
Certaines collectivités ont alors décidé de porter l’affaire en justice, laquelle a admis la plainte au moins du département de Seine-Saint-Denis pour « absence de mention du TEG (taus effectif global » au moment de la signature du contrat (plus exactement dans la télécopie de confirmation de la proposition de prêt). Or ce taux ne figure jamais avec précision sur les contrats, puisque par nature ces emprunts dits structurés sont basés sur des taux spéculatifs, dont on ne peut savoir à l’avance la valeur finale en fin de remboursement du prêt.
La Métro a alors enfin décidé l’an dernier de se porter aussi en justice et depuis un an met en réserve les intérêts de ces prêts et limite son versement au taux légal aujourd’hui presque nul. Néanmoins si la justice ne donne pas raison finalement à la communauté d’agglomération, ces réserves devraient être versées à la banque.
Entretemps, la banque DEXIA a été au bord de la faillite et les états français et belge (c’est à dire les contribuables) ont dû la renflouer. Une nouvelle banque détenue par l’état français, la SFIL (Société de FInancement Local) a repris les prêts concernant les collectivités locales dont les emprunts toxiques de l’ex-DEXIA. C’est donc l’Etat qui serait perdant si les intérêts des emprunts toxiques n’étaient plus versés. Le premier président de la Cour des Comptes, Didier Migaud, oubliant qu’il avait souscrit de tels emprunts en tant que président de la Métro, ne s’y est pas trompé. Dans un rapport de juillet 20013, il écrivait : « L’enjeu budgétaire lié à ces contentieux pour les entités publiques actionnaires pourrait constituer un motif d’intérêt général suffisant pour justifier des mesures de validation législative. »
Fin 2013, lors de l’adoption de la loi de finances 2014, un article était voté modifiant rétroactivement la loi pour légaliser tous les contrats de prêts souscrits sans mention du TEG dans le but d’éviter à l’Etat un préjudice estimé à 17 milliards d’euros si tous les prêts toxiques voyaient ainsi leur taux abaissé au taux légal. Heureusement pour les collectivités, le conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 a invalidé cet article (voir à ce sujet le communiqué de presse de l’ADES en date du 30 décembre 2013). Mais une nouvelle parade est en cours d’adoption au Parlement. Mardi 13 mai le Sénat a déjà voté une validation législative limitant l’effet de la loi aux seules personnes morales de droit public et aux seuls emprunts structurés et non plus à l’ensemble des emprunts. Cette loi ne permettrait plus d’attaquer un contrat pour défaut ou erreur de mention du taux effectif global (TEG). L’Etat espère ainsi passer l’obstacle principal soulevé par le conseil constitutionnel à savoir la portée trop générale de la loi.
Si le législateur adoptait une telle mesure, il sera difficile pour la Métro de gagner en justice et plusieurs dizaines de millions d’euros seront perdus pour les politiques publiques. Qui en parle aujourd’hui ? Trop peu d’élu-e-s s’emparent de ces dossiers financiers et seules des associations comme ATTAC, le CAC38 (Collectif pour un Audit Citoyen de la dette publique) et le CADTM (Collectif pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde) tentent de mener le débat sur ces questions. A ce sujet, nous vous conseillons la lecture du livre « Les prêts toxiques : une affaire d’état » de Patrick Saurin, ancien banquier ayant refusé de proposer ces prêts toxiques à ses clients, dont l’ouvrage est disponible chez les libraires et auprès des associations citées.