La crise des commerces en centre-ville

Publié le 16 octobre 2015

CCI-GrenobleDans un communiqué du 9 octobre 2015, la Chambre de Commerce de d’Industrie de Grenoble, la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de l’Isère et l’Association des unions commerciales « Label Ville » expliquent pourquoi elles claquent la porte des Assises de Grenoble, en faisant porter la responsabilité de tous leurs maux à la ville. Ils partent de constats pourtant évidents dont la responsabilité n’incombe pas à la ville : baisse de la fréquentation à Grenoble, poursuite de la baisse du chiffre d’affaires global des commerçants, augmentation du nombre de friches commerciales. En fait ils s’élèvent contre la politique en faveur du vélo (notamment l’autoroute à vélo sur Agutte-Sembat) ou du stationnement en cas de pic de pollution. On retrouve les mêmes critiques des commerçants contre la piétonisation des rues de l’hyper-centre, il y a longtemps. Aucune étude sérieuse ne démontre que la diminution de la circulation automobile entraine une baisse de l’activité commerciale, par contre c’est plutôt bon pour la santé.

Ils feraient mieux de résister à l’implantation anarchique des grandes surfaces en périphérie (cf le projet Neyrpic à Saint Martin d’Hères) et comprendre que cette crise du commerce en centre-ville n’est pas propre à Grenoble et qu’elle touche la grande majorité des centres-villes comme l’explique la Fédération pour l’Urbanisme et le Développement du Commerce Spécialisé dans son étude de l’Observatoire de la vacance commerciale PROCOS de juin 2015 sur « Une nouvelle progression de la vacance commerciale en centre-ville en 2014, révélatrice des nouvelles dynamiques du marché de l’immobilier de commerce et de l’étalement du peuplement des villes »

« La vacance commerciale a de nouveau progressé dans les centres-villes, en 2014, pour atteindre en moyenne 8,5 % de leur parc de locaux commerciaux. Elle s’élevait à 7,8 % en 2013 et à 7,2 % en 2012. La progression du phénomène concerne globalement toutes les villes. Quarante centres-villes (soit 20 % des centres-villes observés) bénéficiaient d’une situation très favorable en 2013, avec un taux de vacance commerciale inférieur à 5 %. Ils ne sont plus que 22 dans ce cas en 2014, soit près de deux fois moins. A l’autre extrémité, 45 centres-villes présentaient une situation très défavorable en 2013, avec un taux de vacance commerciale supérieur à 10 %. Ils sont 65 dans ce cas en 2014 (soit un tiers des centres-villes observés) …

Seuls les centres-villes de grandes métropoles apparaissent relativement épargnés par le phénomène (avec un taux de vacance commerciale de 7 % pour les agglomérations de 250.000 à 500.000 habitants et de 6,8 % pour les agglomérations de plus de 500.000 habitants). Il faut reconnaître là une des conséquences des « économies d’agglomération ». Les métropoles résistent davantage à la vacance commerciale parce qu’elles offrent à leur commerce, de par la concentration de leurs activités et la qualité de leurs infrastructures de transport, des débouchés plus que proportionnels à leur poids de population…

Moins de commerces pour satisfaire plus de besoins de consommation

L’origine de la vacance commerciale résulte de multiples facteurs. Sur longue période, celle-ci résulte principalement de l’évolution du peuplement et de l’évolution du modèle de croissance des entreprises de commerce. Rappelons qu’en France, le parc de magasins atteint son apogée à la f n des années 1920. Le pays compte alors près de 1,5 million1 de boutiques. Puis le déclin s’amorce. En moins d’un siècle, la France perd près de la moitié de ses commerces (elle en compte environ 850.0002 aujourd’hui) alors que sa population croît dans le même temps de 50 %.

L’exode rural et la concentration des populations dans les villes (la France compte pour la première fois plus d’urbains que de ruraux précisément en 1930) constituent la première cause de détricotage d’un tissu commercial traditionnel d’abord conçu pour couvrir des marchés de proximité. Le développement, à partir des années 1950- 1960 de nouvelles formes de vente discount (hypermarchés, supermarchés, moyennes surfaces spécialisées) et des chaînes de grande distribution (réseaux succursalistes, de franchises, etc.) accélèrent ensuite le phénomène. La vacance commerciale touche alors en majorité les territoires ruraux.

Il coûte beaucoup plus cher de vendre un peu moins

Sur une période plus récente, la vacance commerciale semble également résulter d’un découplage entre la dynamique du marché de l’immobilier de commerce et celle du marché de la consommation. Depuis une vingtaine d’années en France, le parc de surfaces commerciales croît en effet à un rythme plus rapide que celui de la consommation. Il a progressé de 2,8 % par an, passant de 48 millions à 77 millions de m2 entre 1992 et 20093, alors que dans le même temps, la consommation n’a progressé en moyenne que de 1,8 % par an4. Toujours sur la même période, la performance des magasins a stagné (leur rendement moyen, mesuré par le rapport de leur chiffre d’affaires à leur surface de vente a même légèrement diminué de 0,1 % par an, passant de 4.628 €/m²/ an en 1992 à 4.534 €/m²/an en 20095) alors que leurs coûts d’occupation se sont accrus de + 2,4 % par an du seul fait des mécanismes d’indexation des loyers6. Ainsi, la vacance progresse aussi parce que les commerçants paient des locaux commerciaux plus chers et moins profitables…

Plus d’urbains, mais vivant plus éloignés des centres-villes Enfin, les évolutions récentes de peuplement pourraient également alimenter le phénomène. La grande majorité des Français – 85 % – vit désormais en milieu urbain. Ces urbains se répartissent approximativement à part égale entre les villes centres, leur première couronne et leur seconde couronne – celle du périurbain (voir tableau ci-dessous). Or, depuis une quinzaine d’années, la population de la deuxième couronne croit plus rapidement que les autres. Et c’est aussi dans cette seconde couronne qu’ouvre désormais la majorité des nouvelles surfaces commerciales en France. Ce phénomène d’étalement à la fois urbain et commercial a deux conséquences sur le marché de consommation des centres-villes : n un affaiblissement relatif de leurs zones de chalandise primaire et secondaire (leur cœur de marché) ; n une rétention de leur zone tertiaire (leur marché le plus éloigné). »

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