Fin septembre, le gouvernement a rendu public son projet de loi de finances pour 2016 (PLF2016) avec des motivations fausses comme celle du ministre des finances qui ose déclarer : « compte tenu du dynamisme des assiettes, les ressources des collectivités locales continuent à progresser », ce qui est un gros mensonge, comme le prouve la situation grenobloise, qui voit ses recettes diminuer très fortement. La Cour des comptes vient de rendre un rapport sur les finances locales. La commission d’enquête parlementaire visant à « évaluer les conséquences de la baisse des dotations de l’Etat aux communes et aux EPCI sur l’investissement public et les services publics de proximité » poursuit ses auditions. Les associations d’élus des collectivités territoriales ont réagi dans un communiqué :
« Depuis plusieurs mois nos associations ont alerté sur les conséquences sur la croissance et l’emploi des baisses des dotations qui, rappelons-le, sont des remboursements de fiscalité locale supprimée que l’Etat doit aux collectivités. Pourtant le PLF pour 2016 prévoit une nouvelle baisse de 3,7 milliards qui vient s’ajouter aux 5,2 milliards déjà supprimés en 2014 et 2015. Plutôt que de réduire et d’étaler cette baisse pour permettre aux collectivités d’ajuster leurs budgets en conséquence, comme le demandent toutes les associations d’élus, le PLF prévoit au contraire une réforme de la dotation globale de fonctionnement, correspondant à une nouvelle répartition du solde. Découvrant le contenu dans le projet de loi de finances, les élus du bloc communal regrettent l’absence d’une réelle négociation et l’absence de visibilité des conséquences de la réforme faute de simulation. De plus, certains points devant faire l’objet de décrets d’application, ils s’alarment de ne pouvoir équilibrer leurs budgets locaux, déjà extrêmement difficiles à stabiliser du fait des conséquences des baisses programmées. Nos associations réitèrent donc leur demande d’une réforme réellement étudiée en amont et dans une loi spécifique. Ils proposeront en conséquence des amendements communs visant à atténuer la baisse des dotations et à supprimer la réforme de la DGF dans le PLF 2016. Elles sont prêtes à engager immédiatement avec le gouvernement une réflexion sur un projet de loi spécifique. »
La Cour des Comptes critique la baisse uniforme de la DGF :
« Quoique d’ampleur limitée en 2014, la baisse de la DGF a commencé à exercer une nouvelle contrainte financière sur la gestion locale, de façon différente selon les catégories de collectivités et au sein de chaque catégorie. Face à la baisse programmée de cette dotation de 10,75 Md€ de 2015 à 2017, les collectivités locales disposent de capacités d’adaptation très variables en fonction de la structure de leurs dépenses et de leurs recettes, ou de leur éventuelle fragilité financière. L’application d’une baisse uniforme de la DGF, au prorata des recettes des collectivités, ne paraît donc pas adaptée. Elle devrait être mise en œuvre selon une logique de péréquation plus affirmée, en fonction d’indicateurs représentatifs des niveaux de richesses et de charges des collectivités. » C’est notamment le cas de Grenoble qui est beaucoup plus atteinte que la moyenne des autres grandes villes.
Le rapport de la cour des Comptes est en ligne ici.
La commission d’enquête parlementaire organise de nombreuses auditions pour cerner les conséquences des baisses des dotations de l’Etat aux collectivités :
Par exemple sur les transports publics l’impact est fort et négatif : le directeur général du Groupement des autorités responsables de transports (Gart) déclare que la baisse des dotations « impacte forcément leur capacité d’autofinancement des transports publics et, mécaniquement, leurs investissements à hauteur de 32% en moins ». Le président de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP) d’ajouter : « Nous ne sommes bien évidemment pas la seule compétence du service public pénalisée. Mais comme cela arrive après ces trois autres mauvaises nouvelles pour le secteur que sont la hausse de la TVA, le relèvement du seuil de perception du versement transport de 9 à 11 salariés et l’abandon de l’écotaxe, les conséquences deviennent de plus en plus visibles… Cette pente descendante nous préoccupe. Car non seulement elle réduit l’activité des entreprises et opérateurs, mais risque aussi d’engendrer des répercussions sur l’emploi ».
L’audition de Michel Klopfer, grand spécialiste des finances locales apporte des précisions intéressantes, notamment sur la baisse inéluctable des investissements publics et l’absolue nécessité de faire d’importantes économies dans le fonctionnement pour sauvegarder autant que faire se peut un niveau minimum d’investissement en conservant une épargne brute suffisante.
« Les finances locales vont connaître une période de glaciation dans les années qui viennent… Sans tout ramener à eux, nous privilégions le suivi de deux indicateurs : l’épargne brute et la capacité de désendettement… Nous utilisons l’indicateur d’épargne brute et non celui d’épargne nette, qui, dévoyé, était utilisé par les banquiers vendant aux collectivités des produits toxiques que l’on qualifiait de « structurés ». On présentait alors une amélioration de la situation financière par l’artifice de l’allongement de la dette…
Une collectivité disposant d’un million d’euros d’épargne supplémentaire peut investir dix millions d’euros de plus en quatre ans. Cet effet de levier vient de ce qu’un emprunt de dix millions d’euros génère une annuité d’environ un million d’euros pendant quinze ans, intérêts compris – ce montant étant actuellement inférieur du fait du bas niveau des taux d’intérêt. Cette équation joue dans les deux sens, et la perte d’un million d’euros d’épargne induit une diminution de la capacité à investir de dix millions d’euros.
La baisse des dotations de l’État de 12,5 milliards d’euros représente un tiers de l’épargne brute consolidée du secteur public local au 31 décembre 2013, cette année-là étant la dernière avant le début de la minoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF). L’investissement diminuera d’un tiers, nonobstant les éventuelles augmentations d’impôts ou réductions de dépenses qui ne couvriront jamais la somme de 12,5 milliards d’euros du fait du niveau actuel de la fiscalité locale… Une collectivité doit équilibrer – voire dégager un excédent budgétaire – sa section de fonctionnement pour prendre en charge les dotations aux amortissements des équipements…
Environ 80 % des collectivités se trouvaient, en 2013, dans une zone de sécurité reposant sur un taux d’épargne et une capacité de désendettement satisfaisants ; la situation devrait s’avérer moins favorable pour l’année 2014. Pour les collectivités qui ne situent pas dans cette zone, les temps vont devenir extrêmement durs…
La situation de certaines collectivités est tellement alarmante que nous élaborons parfois des scénarios reposant sur un investissement nul ; pour certaines structures, cette absence totale d’entretien du patrimoine ne suffit même pas à rétablir les comptes. Ces perspectives doivent convaincre les élus que les économies doivent porter sur le fonctionnement de leur collectivité. Les exécutifs locaux ont pu se sortir du surendettement en réduisant les investissements et en augmentant les impôts au début des années 1990, mais aujourd’hui les taux d’imposition sont élevés et les assiettes fiscales étroites, et l’on ne peut pas faire porter l’intégralité de l’effort sur les investissements…
Dans ce cadre, l’investissement représente une contrainte, mais il y a lieu de se pencher en premier lieu sur le fonctionnement. Je connais comme tout le monde le mécanisme du multiplicateur de l’investissement macroéconomique qui repose sur une multitude de décisions microéconomiques, mais il faut en premier lieu assainir la structure en agissant sur ses charges de fonctionnement. »
Pour accéder aux travaux de la commission d’enquête cliquez ici.