Une répression insuffisante des infractions à la probité

Publié le 16 octobre 2015

HATVPEn ces moments où de nombreuses affaires, à Grenoble et ailleurs, montrent que certains élus oublient le principe élémentaire de probité, c’est l’occasion de lire le rapport 2015 du Président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), au Président de la République intitulé « Renouer la confiance publique ». Il pointe notamment le recours insuffisant à l’article 40 du code de procédure pénale : « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Et la répression insuffisante des infractions à la probité. Voici quelques extraits de ce rapport :

« La défaillance dans la détection des infractions à la probité a été observée au niveau local, précisément là où les risques, liés notamment à la commande publique, sont les plus prégnants, dans la mesure où les autorités locales disposent de larges pouvoirs discrétionnaires […] non compensés par des contrôles suffisants, eu égard aux pourcentages élevés de fonds publics distribués à ce niveau et que, simultanément, les mécanismes de contrôle externes et internes sont faibles ou fragmentés »

La notion de probité est définie dans le code pénal (articles 432-10 et suivants) :

« Parmi les délits applicables en la matière, on relève les infractions suivantes :

Le délit de concussion, protégeant les citoyens contre les abus d’autorité commis par les agents publics chargés de recouvrir ou de gérer l’argent public ;

La corruption, infraction complexe, qui peut se définir, pour le secteur public, « comme l’agissement par lequel une personne investie d’une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite, propose ou agrée, cède à un don, une offre ou une promesse, en vue d’accomplir, retarder ou omettre d’accomplir un acte entrant, d’une façon directe ou indirecte, dans le cadre de ses fonctions ». À la différence des autres infractions en matière de probité, la corruption ne se limite pas à réprimer le comportement des responsables publics mais peut conduire à sanctionner pénalement des entreprises du secteur privé, notamment dans leurs activités à l’étranger. Sur cet aspect, qui déborde toutefois du cadre du présent rapport, le droit français connaît un retard significatif par rapport à d’autres pays de l’Union européenne, notamment le Royaume-Uni ;

Le délit de prise illégale d’intérêts qui réprime la confusion entre les intérêts privés d’un agent public ou d’une personne investie d’un mandat électif public et les intérêts de la collectivité à laquelle il appartient, autrement dit l’intérêt général ;

Le délit de « pantouflage », proche du précédent, qui interdit qu’une personne ayant exercé une fonction publique occupe ensuite, sans respecter un délai de viduité de trois ans, un emploi dans une entreprise privée dont elle a été amenée à traiter des opérations dans le cadre de ses anciennes fonctions ;

Le délit d’octroi d’un avantage injustifié, également appelé délit de favoritisme, conçu pour garantir l’égal accès à la commande publique.

En effet, en dépit d’une « attention particulière à l’égard de ce devoir déontologique », les infractions en matière de probité ne sont que peu mises en œuvre… Il existe ainsi un décalage entre la norme pénale et sa mise en œuvre concrète, « entre la majesté de la règle et la médiocrité de son application ». Chacune de ces incriminations ne donne effectivement lieu qu’à quelques dizaines de condamnations par an, une centaine pour le délit de corruption, et les sanctions prononcées sont souvent limitées : la peine d’emprisonnement n’est presque jamais retenue et le montant des amendes dépasse rarement les quelques milliers d’euros.

Une détection défaillante des infractions en matière de probité Selon certains observateurs, les juridictions souffrent d’un « tarissement des sources d’information, dû notamment à un désengagement des administrations financières sur le terrain, aux insuffisances du contrôle de légalité dans les préfectures et, surtout, au nombre très limité de signalements effectués sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale pour les agents publics ». La détection des infractions à la probité n’est pas aisée. En premier lieu, il existe très rarement des victimes directes susceptibles de saisir la justice et de mettre au jour ces comportements délictueux. En second lieu, la nature même de ces actes, qui demeurent opaques, limite par définition les possibilités de détection. En effet, « la corruption est un pacte secret, un concert frauduleux dissimulé. Il est donc difficile de se faire une idée relativement précise des phénomènes de corruption ». Au-delà, ce manque de visibilité se double de deux difficultés d’ordre structurel : la relative inefficacité de la procédure de signalement prévue à l’article 40 du code de procédure pénale, souvent perçue comme de la délation d’une part, et le défaut de coordination des structures qui luttent contre les infractions en matière de probité, d’autre part.

 

Un recours insuffisant à l’article 40 du code de procédure pénale Il existe dans le secteur public une obligation de signaler les actes délictueux dont une autorité constituée peut avoir connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, aux termes de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale, « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Cette obligation vise également le procureur général près la Cour des comptes et le ministère public près les chambres régionales des comptes, qui en font fréquemment usage, ainsi que les autorités administratives indépendantes, dont les textes constitutifs font généralement un renvoi exprès à l’article 40 alinéa 2 ou comportent une disposition équivalente. En pratique, cette obligation de signalement témoigne d’un « droit en tension », point de contact et parfois de discordance entre les mondes judiciaire et administratif. Ainsi, bien que l’ensemble des institutions « répondent à un même objectif qui est la préservation d’une certaine forme d’intérêt général et [que] les fonctionnaires doivent être les premiers à veiller à la bonne exécution de l’ensemble des textes juridiques », le mécanisme de signalement pénal prend mal en considération les spécificités du fonctionnement interne propre à l’administration. En effet, le statut des agents publics génère une retenue naturelle en la matière. La conciliation de cette obligation de signalement avec le principe d’obéissance hiérarchique, le respect du secret professionnel ou encore le devoir de loyauté soumet parfois l’agent public à des impératifs contradictoires. Ces difficultés sont renforcées par plusieurs facteurs. D’abord, aucune sanction n’est pré- vue en cas de non dénonciation d’une infraction. En outre, la procédure d’alerte de l’article 40 n’est que très peu efficiente et souffre de surcroît d’un déficit pédagogique, voire d’une politique de découragement à l’adresse des personnes qui pourraient en faire usage. Ainsi, le guide de déontologie et de protection du Trésor public insiste sur le fait « qu’il convient d’agir en la matière avec prudence », dans la mesure où « une telle procédure est traumatisante pour la personne qui est en victime ».

Télécharger le rapport complet ici.

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