Réflexions sur les compteurs communicants

Publié le 15 juillet 2016

LinkyDepuis le lancement du compteur Linky par Enedis (ex-ERDF), de nombreuses contestations se font jour. Voici quelques réflexions et propositions de l’ADES sur ce dossier.

En premier lieu il faut rappeler que personne n’est obligé d’accepter un tel compteur. La loi française impose au Gestionnaire de Réseau de Distribution (GDR), c’est à dire Enedis ou GEG pour Grenoble, d’implanter dans les années qui viennent un compteur communicant et des sanctions peuvent être infligées au GDR s’il n’atteint pas ce but. Le GDR n’a pas les moyens de l’imposer à un particulier qui le refuserait, mais dans ce cas le tarif pourrait être différent pour celui qui veut conserver son ancien compteur pour payer la relève manuelle. Par ailleurs, si l’ancien compteur tombe en panne, l’usager sera alors obligé d’accepter le nouveau compteur.

Ce qui est surprenant c’est que la loi française a transposé la directive européenne en un sens beaucoup plus strict.

1) Rappel des obligations par l’Europe et par la France :

C’est la Directive 2009/72/CE du parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 qui lance les systèmes intelligents de mesure des consommations d’électricité, mais en permettant de subordonner leur installation à une évaluation économique : « Les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d’électricité. La mise en place de tels systèmes peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution. »

La loi française n’a pas repris cette possibilité de subordination à une évaluation économique pour l’extension des compteurs dits intelligents.

L’article L341-4 du Code de l’énergie précise : « Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité mettent en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée.

Dans le cadre du déploiement des dispositifs prévus au premier alinéa du présent article et en application de la mission fixée au 7° de l’article L. 322-8, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales.

Dans le cadre de l’article L. 337-3-1, ils garantissent aux fournisseurs la possibilité d’accéder aux données de comptage de consommation, en aval du compteur et en temps réel, sous réserve de l’accord du consommateur…

La structure et le niveau des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité sont fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée au niveau national. Ils peuvent également inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes de pointe au niveau local. A cet effet, la structure et le niveau des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution peuvent, sous réserve d’assurer la couverture de l’ensemble des coûts prévue à l’article L. 341-2 et de manière proportionnée à l’objectif de maîtrise des pointes électriques, s’écarter pour un consommateur de la stricte couverture des coûts de réseau qu’il engendre.

Les cahiers des charges des concessions et les règlements de service des régies de distribution d’électricité doivent être en conformité avec les dispositions du présent article. »

Le Gestionnaire de réseau peut être sanctionné s’il ne met pas en place ces compteurs, comme indiqué dans l’article L. 341-4-1 : « L’autorité administrative peut prononcer à l’encontre des gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité qui ne respectent pas l’obligation prévue à l’article L. 341-4 la sanction pécuniaire mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 142-32, selon la procédure prévue aux articles L. 142-30 à L. 142-36.

Les coûts liés aux nouveaux compteurs « entrent dans les charges à couvrir par les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. »

C’est pourquoi l’Allemagne n’impose le déploiement des compteurs intelligents que pour les gros consommateurs, ayant estimé que le gain n’était pas suffisant pour un petit consommateur. Il est vrai que le coût du nouveau compteur est élevé et pour le rentabiliser il faut sur une longue période arriver à diminuer la consommation de manière significative.

3) Sur la pollution électromagnétique des compteurs Linky

En ce qui concerne les courants porteurs en ligne, vu la fréquence basse des ondes par rapport à celle des téléphones portables et le faible nombre d’informations transmises par jour, la pollution est faible et certainement plus faible que la plupart des autres émetteurs existants dans l’appartement. Pour les concentrateurs qui utilisent les fréquences de la téléphonie mobile, l’impact peut être plus net, mais sans commune mesure par rapport à une antenne de téléphonie mobile vu le faible nombre d’émissions transmises. Des précautions doivent tout de même être prises et les émissions contrôlées. Voir l’analyse de juin 2016 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur « l’exposition aux radiofréquences et santé des enfants »

https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2012SA0091Ra.pdf

3) Protections des données 

« Les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité mettent à la disposition des consommateurs leurs données de comptage, des systèmes d’alerte liés au niveau de leur consommation, ainsi que des éléments de comparaison issus de moyennes statistiques basées sur les données de consommation locales et nationales. »

L’usager doit donner son accord pour autoriser le GDR à transmettre les données au fournisseur d’électricité qui peut être n’importe qui depuis l’ouverture de la fourniture à la concurrence.

« Dans le cadre de l’article L. 337-3-1, ils garantissent aux fournisseurs la possibilité d’accéder aux données de comptage de consommation, en aval du compteur et en temps réel, sous réserve de l’accord du consommateur. »

Il aurait été beaucoup plus pertinent que l’usager puisse choisir lui-même de limiter l’accès au GDR à ses données détaillées sur place avec le risque d’avoir à payer un peu plus cher la relève traditionnelle de son compteur s’il ne voulait pas que ses données soient accessibles à distance.

4) Les insuffisances du compteur Linky

Des études, l’une en Allemagne et l’autre en France ont montré le peu d’intérêt en terme de contrôle supplémentaire de consommation (et donc d’économie) pour les particuliers, à peine supérieur au système des heures pleines-heures creuses actuel. L’impact « éducatif » auprès du public de ce compteur n’est pas encore démontré mais peut se développer car des expériences de meilleure maitrise des consommations ont déjà montré que les citoyens arrivaient à baisser de 11 à 13% leur consommation sans investir, juste en étant attentifs avec une formation rapide et une vigilance au foyer (voir le concours « familles à Energie Positive »). Une condition élémentaire est que ce type de compteur affiche la consommation en euros, car avec le développement prochain de tarifs différenciés en fonction du moment de la consommation, l’usager aura beaucoup de mal à être sensibilisé par la lecture des simples kWh.

Le compteur Linky est un des nombreux éléments de la future « Ville connectée », gisement « fabuleux » de recherche, de production et de profits nouveaux au service de la croissance industrielle et économique. Est-il pour autant le modèle d’avenir écologiquement responsable et généralisable au niveau de la planète ?

Aujourd’hui pas ou peu d’appareils peuvent être pilotés à distance par les protocoles utilisés par Linky. Va t’on encourager un renouvellement anticipé de l’électro-ménager et du chauffage électrique en créant un nouveau besoin ?

A l’avenir vont se développer des compteurs communicants pour l’eau, le gaz, le chauffage urbain et il aurait été beaucoup plus intéressant d’avoir un seul système de collecte de ces diverses informations. Or Linky ne peut pas servir à ce regroupement.

Par contre Linky a un intérêt pour le GDR pour mieux insérer les énergies renouvelables, identifier les problèmes et pertes en ligne du réseau, intervenir plus vite pour les régler… le gain étant estimé par l’ADEME à plusieurs TeraWattsheures/an.

http://www.presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2015/07/MAJ_AvisLinky_Vdef.pdf

5) Conclusion

L’ADES propose que la loi française soit revue en la rapprochant de la directive européenne, qu’une étude juridique soit menée pour savoir si une position à l’allemande est possible en France. L’Etat français devrait prendre appui sur la faculté ouverte par la Directive pour lancer une évaluation économique à long terme de l’implantation de tels compteurs et ensuite faire amender la loi.

En ce qui concerne le territoire de Grenoble, l’ADES demande que GEG s’engage à installer à l’avenir les compteurs en priorité sur les gros consommateurs et qu’une étude soit faite pour voir s’il ne serait pas possible de développer un compteur plus intelligent que Linky, grâce aux compétences technologiques qui existent dans le bassin grenoblois : avec une protection des données efficaces, dont l’usager garde le choix de les transmettre ou pas et sous quelles conditions. Par ailleurs les nouveaux compteurs doivent permettre de proposer aux consommateurs de nouveaux services de maitrise de l’énergie et/ou de priorité aux énergies renouvelables dans le mix énergétique consommé par chacun.

C’est ainsi que l’on pourrait démontrer en continu que les compteurs dits intelligents sont un bon outil, ou un outil indispensable pour assurer la transition énergétique qu’il est urgent de mettre en musique car nos sociétés prennent du retard dans les politiques de maîtrise de l’énergie et dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Rien ne se fera sans une mobilisation et une formation des consommateurs et les solutions technologiques ne fonctionneront que si elles sont prises en main par les utilisateurs eux-mêmes.

 

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