De très nombreuses colonnes montantes d’électricité ne sont pas entretenues par les concessionnaires du réseau de distribution public (GEG à Grenoble et ENEDIS, ex ERDF ailleurs), considérant qu’elles appartiennent aux copropriétés, alors que certaines ont été intégrées dans la concession. A Grenoble une grande partie des colonnes montantes ne fait pas partie de la concession faite à GEG d’après le contrat voté en 2012. Or, d’après la loi, le périmètre du service public va jusqu’au compteur, compteur compris, donc la colonne montante en fait partie. D’où l’interrogation suivante : qui doit entretenir ces colonnes qui sont pour un grand nombre en mauvais état ? Il s’agit de sommes considérables ! On parle de plusieurs milliards d’euros pour la France entière et de dizaines de millions d’euros pour Grenoble. De très nombreux procès sont en cours !
Pour essayer d’avancer dans ce dossier, une loi d’août 2015 a demandé au gouvernement de faire le point sur ce dossier. On attend toujours le rapport imposé par la loi de transition énergétique que le gouvernement aurait dû déposer au Parlement avant la mi-août 2016 sur la question des colonnes montantes d’électricité des immeubles d’habitation. En effet la loi du 17 août 2015 impose en son article 33 : « Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation. Ce rapport estime notamment le nombre de telles colonnes nécessitant, au regard des normes en vigueur et des besoins des immeubles concernés, des travaux de rénovation, de renouvellement ou de renforcement, et le coût des travaux y afférents. Il propose des solutions pour en assurer le financement. Il propose toutes modifications législatives et réglementaires pertinentes pour préciser le régime juridique de ces colonnes. »
Dans un rapport parlementaire sur l’application de la loi du 17 août 2015, un paragraphe est consacré à cette absence de rapport sur les colonnes montantes : « Ce rapport, un temps annoncé, est toujours attendu. En dépit de l’insistance de vos Rapporteurs, il n’est toujours pas disponible, même sous une forme provisoire, alors que les consultations à son sujet ont plusieurs fois été mentionnées. Pourtant, au cours de son audition par votre commission des affaires économiques, M. Philippe Monloubou, à l’époque président du directoire d’ERDF avait eu avec la Présidente Frédérique Massat un échange laissant apparaître l’importance de ce document et l’existence d’un pré-rapport :
Philippe Monloubou : « J’attire, par ailleurs, votre attention sur l’article 33, qui prévoit l’élaboration par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation. Sans préjuger des conclusions du pré-rapport dont je n’ai pu prendre connaissance, je veux rappeler que c’est un sujet à enjeu financier se chiffrant à plusieurs milliards d’euros, qu’il n’y a pas d’enjeu lié à la sécurité des personnes et des biens, et que la question de l’estimation exacte des besoins de renouvellement est centrale. En effet, pour la partie du parc déjà en concession, les colonnes montantes sont renouvelées et correctement maintenues en l’état. Mais si se posait la question de la reprise en concession des colonnes électriques particulières par ERDF, elle ne pourrait être réglée qu’à certaines conditions : soit après renouvellement ou remise en état par les propriétaires de leurs colonnes, dans le cadre d’une mise aux normes ; soit avec la garantie qu’ERDF bénéficiera des ressources suffisantes pour engager les travaux de renouvellement ou de remise en état ».
Mme la Présidente Frédérique Massat : « Dois-je comprendre que vous nous demandez de l’argent pour mettre en application les dispositions prévues par la loi ? Nous entendons votre appel, mais nous verrons les conclusions du rapport dans sa version définitive. La mission d’information sur l’application de la loi fera le point sur la question. La commission des affaires économiques examinera son rapport. Depuis cette date, les choses n’ont pas évolué, en dépit des nombreuses relances de vos Rapporteurs. Avant même l’adoption définitive de la loi, la ministre en charge de l’énergie a confié à deux membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable la rédaction de ce rapport. La lettre de mission de la ministre exclut la question centrale de la propriété des colonnes, en excluant les aspects juridiques « des instances judiciaires étant en cours ». Les deux rapporteurs ont procédé à de nombreuses investigations et auditions et ont remis, en février, un document préparatoire audit rapport en vue d’une remise définitive en juin ou juillet. Mais le gouvernement n’a pas transmis de rapport, ni même ce document préparatoire. Ceci est lié à la complexité et aux incidences financières de la question. En effet ENEDIS, chargée de la gestion du réseau de distribution d’électricité, persiste à refuser l’intégration à ses frais des colonnes qui appartiendraient selon cet opérateur, toujours aux propriétaires et copropriétaires des immeubles concernés, lesquels sont dans l’incapacité de faire face à des coûts élevés (10 000 € à 20 000 € par colonne) alors même que se posent d’évidentes questions de sécurité dans les immeubles collectifs. Le médiateur de l’énergie a été saisi à 13 reprises en 2013, 59 en 2015, et ce chiffre sera sans doute dépassé cette année. Les contentieux, qui se multiplient également, n’ont apporté aucune solution compte tenu des positions divergentes adoptées par les juridictions. Ainsi, le tribunal administratif d’Amiens a rendu, le 17 février 2015, une décision favorable à un Office public d’habitation et le tribunal de grande instance de Limoges a fait de même, le 27 août. Mais, par deux arrêts des 7 septembre et 5 octobre 2015, la Cour d’appel de Toulouse a tranché en faveur d’ENEDIS et il a en été de même d’un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 14 décembre 2015. En 2016, la Cour d’appel de Versailles a donné raison à une copropriété par un arrêt du 29 mars 2016 mais, par un arrêt du 25 mai 2016, celle de Paris a tranché en faveur d’ENEDIS. Or, il semblerait que la décision de la Cour de cassation, attendue en 2016 sur le sujet, ne voie pas le jour. À qui appartiennent les colonnes montantes ? Qui doit les entretenir ?
Confrontés à des décisions de justice contradictoires, les copropriétaires et les concessionnaires sont donc dans des situations de forte incertitude, alors qu’au plan matériel, les questions posées sont d’une importance considérable. Les éléments positifs de ce dossier semblent faibles. Toutefois, votre Rapporteure note que le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité (SIPPEREC) et ENEDIS ont signé, le 14 avril 2016, un accord prorogeant pour les dix prochaines années la concession de distribution d’électricité sur le territoire des 82 communes du ressort de ce syndicat et il a été convenu, à cette occasion, que le SIPPEREC et ENEDIS prendraient conjointement en charge la rénovation, chaque année, de 500 colonnes montantes d’électricité sous maîtrise d’ouvrage du SIPPEREC. Il y a probablement là l’amorce d’une solution dont l’extension ou la généralisation pourrait être examinée par le Parlement. La FNCCR, en particulier, doit élaborer un nouveau modèle de cahier des charges de concession avant 2017, en même temps que le rapport demandé au Gouvernement, et dont la remise s’impose donc sans plus tarder.
Il est regrettable que des hésitations, voire des blocages fassent obstacle à la parution d’un document qui en lui-même n’est nullement décisionnel mais constitue une indispensable base d’information ».
Pour lire le rapport parlementaire cliquez ici.
Mots-clefs : état, GEG, public-privé