La Cour des Comptes rend public un rapport très sévère sur l’Institut d’Études Politiques de Grenoble

Publié le 17 mars 2017

L’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, avec son centre de préparation à l’administration générale prépare les étudiants mais aussi les fonctionnaires aux concours des cadres de la fonction publique, et prépare aux concours de la haute fonction publique avec son centre de préparation aux concours de l’École nationale d’administration (Prep/ENA), dirigé par un conseiller d’Etat, et composé de membres du Conseil d’État, inspecteurs des finances, magistrats de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes, diplomates, hauts fonctionnaires des directions du Trésor, de la législation fiscale, du budget, etc… L’IEP a été dirigé de 2005-2012 par M. Ihl, professeur de science politique et depuis 2012 par M. Froment, professeur de droit public.

L’Institut d’Études Politiques a bénéficié d’un nouveau bâtiment, dont le coût prévu de 9 000 000 M€ en 2011 est passé à 10 322 000 M€ en 2012, qui est construit par La Métro, financé à hauteur de 5,322 M€ par La Métro (M. Baïetto), sur délibérations présentées en 2011 par Mme Fioraso puis en 2012 M. Noblecourt, (ancien élève de l’IEP, devenu directeur de cabinet de la ministre de l’Éducation), et financé à hauteur de 2 M€ par la ville de Grenoble (M. Destot), sur décisions présentées en 2011 par Mme Fioraso (devenue députée puis ministre de l’Enseignement supérieur puis secrétaire d’État chargée de l’Enseignement supérieur) et M. Safar (ancien élève de l’IEP).

La Cour des Comptes vient de rendre public des observations très sévères sur son contrôle des comptes et de la gestion de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Grenoble pour les exercices 2011 à 2014, dont voici des extraits formateurs pour les futurs cadres de la fonction publique :

« 1. DANS LES IEP À STATUT D’EPA CONTRÔLÉS PAR LA COUR, LA QUALITÉ DE GESTION N’EST PAS À LA HAUTEUR DE LEURS AMBITIONS

La Cour a contrôlé de manière approfondie trois des sept IEP ayant un statut d’EPA : Aix-en-Provence, Bordeaux et Grenoble. Elle considère que sur leur périmètre de gestion, pourtant réduit, ces établissements n’ont pas atteint le niveau de qualité qui est désormais, globalement, celui des universités en situation d’autonomie.

1.1. Des déficiences dans la gestion financière et comptable de deux des trois IEP contrôlés

Pour l’IEP de Grenoble, compte tenu de l’importance et de la récurrence des désordres comptables et financiers constatés, la Cour n’a pas pu procéder à l’analyse financière des comptes. Cet IEP a connu successivement cinq exercices déficitaires. Sa situation financière s’est tellement dégradée, au cours de la période examinée, que le paiement des fournisseurs a connu de nombreux et importants retards.

Dans cet institut, comme dans celui d’Aix-en-Provence, le processus d’encaissement des droits d’inscription a connu de graves dysfonctionnements. Le rapprochement entre les sommes encaissées dans les régies et les inscriptions enregistrées dans les systèmes d’information n’a pas été effectué. Des anomalies ont été constatées concernant les conditions de mise en place et de fonctionnement de ces mêmes régies.

La qualité comptable de ces deux établissements est médiocre : opérations d’inventaire physique et comptable inachevées, comptabilisation des passifs sociaux incomplète, procédure de rattachement des produits et charges à l’exercice non appliquée. La qualité de l’information financière y est insuffisante (annexes manquantes au compte financier, transmission tardive des documents au conseil d’administration, etc.). Au demeurant leurs comptes ne sont pas soumis à certification.

1.2. Une gestion défaillante des achats et de l’immobilier

Les IEP d’Aix-en-Provence, Bordeaux et Grenoble ont tous méconnu les grands principes de la commande publique, en réalisant une part significative de leurs achats sans recourir à une procédure de mise en concurrence adaptée au seuil des achats réalisés. Enfin, la gestion de leurs locaux est peu efficiente, comme l’atteste le coût exorbitant de la fonction d’entretien et de nettoyage constaté à Grenoble et à Bordeaux. Alors qu’ils sont tous engagés dans des travaux immobiliers importants, ils ne disposent que d’une évaluation partielle du coût de fonctionnement futur de leurs locaux.

1.3. Une gestion mal maîtrisée des ressources humaines

Malgré l’existence de conventions de paie à façon, conduisant les services locaux de la direction générale des finances publiques (DGFiP) à réaliser la paie pour le compte des établissements, le processus de paie n’est pas fiabilisé, en l’absence de contrôle interne. En s’assimilant aux universités, qui appartiennent à une catégorie juridique d’établissements publics différente, les IEP-EPA ont versé à leur personnel administratif une part significative de leurs primes sur le fondement de textes qui ne leur étaient pas applicables. Diverses autres anomalies ont été relevées en matière indemnitaire […]

Les processus de recrutement sont souvent mal maîtrisés, qu’ils concernent le personnel contractuel (recrutement sur des postes d’agents titulaires à Aix-en-Provence) ou de chargés d’enseignement vacataires (absence de vérification préalable des conditions de recrutement, absence de contrat, à Grenoble et Aix-en-Provence).

1.4. Les dérives des IEP d’Aix-en-Provence et de Grenoble n’ont pas été sanctionnées par les autorités de tutelle

Au-delà des difficultés rencontrées dans la gestion des établissements, d’importantes dérives ont été constatées : […]

– instauration de droits d’inscription complémentaires indus pour la préparation aux diplômes nationaux de master, à Grenoble ;

– […] absence de délégations de signature et de mise à jour du règlement intérieur (Grenoble).

Ces manquements n’ont pas suscité de réaction des autorités de tutelle, qu’il s’agisse du rectorat ou du contrôle financier. […] À l’IEP de Grenoble, les importants déficits successifs n’ont appelé aucune observation ou réponse de l’État, si ce n’est celle consistant, pour le ministère de tutelle, à accorder des financements exceptionnels, sans contreparties, à cet établissement.

2. DES ANOMALIES CONCERNANT L’ENSEMBLE DES INSTITUTS À STATUT D’EPA

Au-delà des IEP ayant fait l’objet d’un contrôle spécifique, l’enquête de la Cour fait apparaître des anomalies concernant l’ensemble des instituts à statut d’EPA.

Aucun IEP à statut d’EPA n’a respecté, jusqu’en 2013, les dispositions réglementaires imposant de soumettre au président de l’université de rattachement les conventions conclues avec des organismes publics ou privés, français ou étrangers […] Des anomalies en matière de gestion des ressources humaines ont été relevées à plusieurs reprises […]

[…] Les importants projets de développement des IEP apparaissent dès lors en décalage avec la qualité de gestion de ces établissements, qui s’exposent à d’importants risques juridiques et financiers.

Cette situation de gestion est d’autant plus regrettable que l’essentiel de l’augmentation, entre 2011 et 2015, du résultat d’exploitation agrégé des IEP en région est imputable à la forte hausse des droits d’inscription, dont le rendement s’est accru de plus de 68 %*. …

Le développement des IEP en région paraît désormais se fonder en priorité sur leur coopération avec les acteurs locaux.

* Ces droits font désormais l’objet d’une modulation en fonction des capacités contributives des familles dans l’ensemble des IEP en région, à l’exception de ceux d’Aix-en-Provence et de Grenoble. »

Lire le rapport ici.

 

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