Tribune libre : « Et aujourd’hui j’ai peur »

Publié le 5 mai 2017

J’ai trouvé super l’article d’Akram Belkaïd « La chronique du blédard : voter Macron ? Oui, hélas… » parue dans le quotidien d’Oran le 27 avril. J’aurais voulu écrire un peu de ce qu’il dit car je m’appelle Eveline mais comme beaucoup de Aminata, je suis noire, oui noire de la tête aux pieds et j’ai transmis cette couleur à mes enfants.

En 2002, le soir même de l’annonce des résultats, la mairie de Grenoble était pleine, pleine de gens indignés bien qu’en face de J-M. Le Pen, il y avait J. Chirac qui était loin d’être un modèle de solidarité et de justice sociale, mais malgré ça, tout autour de moi, d’une seule et même voix on a appelé à voter contre. Tout le monde savait bien que J. Chirac était de droite, mais l’indignation était plus forte.

En Mai 2002 je suis partie au Congo entre les 2 tours et ai laissé ici, mes enfants et ma procuration le cœur léger, je savais bien que je reviendrais, j’avais confiance en mes compatriotes, et en cette France vent debout contre le FN.

Entre 2002 et 2017, il y a eu certainement bien des déceptions sur le plan politique et social, mais pour moi il y a eu surtout sur le plan sociétal le mariage pour tous, et la « manif pour tous ». Christiane Taubira insultée de la manière la plus ignoble possible par des hommes, des femmes et même des enfants, la parole raciste s’est libérée, malgré quelques molles indignations, quelques billets dans les journaux, on sent bien que quelque chose a changé, on le voit aux Etats Unis et moi je le pressens en France.

On dit qu’il n’y a pas eu d’indignation le 23 avril parce que M. Le Pen au deuxième tour : c’était prévisible, on ne doit donc pas s’indigner contre le prévisible ?

Je sais bien que l’économie c’est important, que le progrès social c’est capital, mais aujourd’hui je ne peux plus penser et j’écris avec mes tripes, parce que contre les mesures d’injustice sociale, ensemble on peut lutter mais contre le racisme, il faut quelques années pour reculer et des siècles pour avancer de nouveau.

Avec mes tripes parce que je sens bien autour de moi, tous ces Français aux yeux moins bleus, dont mes enfants et leurs ami-e-s qui regardent effarés leurs compatriotes hésiter sur une position qui apparaît juste comme un choix entre l’humanité ou la haine de l’autre.

Alors oui, j’ai peur

Eveline Banguid

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