Le Conseil municipal du 25 septembre 2017 a pris des engagements importants concernant l’évolution du réseau de lecture publique notamment il a confirmé le maintien de la bibliothèque Alliance et l’ouverture prochaine de relais lecture au Musée et au Village Olympique. Il s’est engagé à associer les usagers et les habitants à la vie et à l’évolution du réseau de lecture publique grenoblois et à l’élaboration du plan lecture 2018-2025.
Du 18 avril au 5 mai 2018, la ville a mené une grande enquête quantitative et qualitative sur les pratiques et attentes des habitants du bassin grenoblois (Grenoblois, non Grenoblois, usagers et non usagers du réseau) en matière de lecture publique.
Le plan lecture est le projet de développement du réseau de la bibliothèque municipale de Grenoble sera proposé au conseil municipal au début de l’année 2019, après débat public.
Le livre de propositions est une étape essentielle de ce plan il est écrit par les professionnels et nourri de plusieurs mois d’un travail interne constitué de différentes étapes (formations, journées d’études, voyages, ateliers…) favorisant les échanges. Il a pour objet de formaliser les réflexions et de les rendre publiques. Il présente 58 propositions « des bibliothèques pour tous les publics et toutes les lectures du monde » qui seront présentées en débat public durant la semaine du 12 novembre 2018.
Voici le texte de présentation du livre de propositions par la directrice du service de la bibliothèque municipale Mme Westeel.
« Le réseau de lecture publique de Grenoble
Le réseau de lecture publique de Grenoble est un « grand réseau », un réseau mythique par son histoire riche et forte d’innovations. La symbolique très marquée de ce réseau subsiste à l’extérieur d’où une attente à la hauteur de sa réputation.
Son modèle, créé par des professionnels pionniers, est fondé sur un développement ayant accompagné l’extension de la ville, sur le maillage du territoire et sur la proximité.
Son essor dans les années 1970-1980 lui a permis de bénéficier de moyens importants encore existants aujourd’hui en termes de budget documentaire, de personnel et d’équipements. C’est un des réseaux les mieux dotés de France. Le personnel est très qualifié, investi et militant au sens professionnel du terme.
L’importance des collections patrimoniales est majeure. Le souvenir d’un âge d’or qui correspond à un autre temps, celui des pionniers, est véhiculé même par les plus jeunes collègues qui ne l’ont jamais connu.
Cela en fait un réseau engagé qui défend les valeurs de la lecture, qui réfléchit à ses missions, qui travaille avec de nombreux partenaires et qui sait répondre aux sollicitations. Les personnels sont mobilisés et ont envie d’aller de l’avant.
Les pionniers des années 1980 ont défendu le modèle d’un réseau décentralisé qui le reste encore aujourd’hui. Les bibliothèques de proximité maillent et s’intègrent dans le territoire. Ce sont les publics qui circulent et non les documents. Dans le cadre de ce réseau, chaque bibliothèque peut présenter des spécificités quant à ses horaires, son organisation, ses collections ou sa relation avec les publics. Gage de pluralité, cela peut entraîner aussi une certaine iniquité dans le service rendu selon les territoires et gêner la visibilité de l’offre globale du réseau.
La faiblesse structurelle du réseau est identifiée depuis 20 ans par l’absence notamment d’un grand équipement tête de réseau qui aurait proposé une offre de services diversifiée pour tous les publics et qui aurait permis de faire levier pour aller vers une organisation du travail plus cohérente et plus efficace… Une rupture forte dans l’histoire du réseau a été l’abandon, au début des années 2000, du projet de restructuration du réseau des bibliothèques ou projet « Grande bibliothèque Lyautey-Verdun » à deux pôles prévoyant une dimension patrimoniale pour le site Lyautey et une dimension de lecture publique pour le site Verdun et les bibliothèques des quartiers1. Le réseau a encore en mémoire ce projet très avancé mais abandonné.
L’absence actuelle d’outils de structuration du réseau empêche son unité et sa pleine mesure : absence de charte documentaire, de charte des publics, de programmation culturelle anticipée et structurée, de liens formalisés avec les partenaires. Cela fragilise l’organisation et surtout rend le réseau peu visible malgré un foisonnement d’activités (plus de 600 animations culturelles en 2017 dont un tiers pour le public jeunesse). C’est un réseau qui a perdu de sa capacité initiale d’innovation. Le livre est la valeur sûre et la prise en compte du numérique par exemple prend des formes assez traditionnelles. C’est un réseau qui peine réellement sur la question des bâtiments et des espaces sur lesquels les investissements ont été insuffisants dans les dernières décennies au-delà d’une maintenance curative. L’organisation doit être repensée en termes de priorités. Malgré ces freins une majorité d’agents a envie que les choses bougent.
Le réseau avait entrepris en 2015 la construction collective d’un projet d’établissement pour lequel les personnels s’étaient fortement investis et mobilisés. Les décisions relatives au plan de sauvegarde et de refondation des services publics prises par la municipalité en 2016 et mettant fin à ce projet ont provoqué des blessures. Les réflexions pour un plan de développement de la lecture publique interviennent dans un moment d’actualité ressenti comme négatif par une partie des agents et d’une façon générale très chargé dans le service. C’est un réseau qui est au creux d’une vague, qui s’interroge beaucoup et qui n’a pas encore retrouvé toute sa capacité à être force de propositions.
Comment bâtir le réseau d’un autre futur ? Comment redevenir des pionniers ? Une réflexion est en cours pour redire ensemble ce que sont les valeurs du réseau et pour retrouver un équilibre entre les bibliothèques définies actuellement en interne comme plus grandes et celles des quartiers. Comment faire circuler les compétences et les idées et les mettre en œuvre ?
Aujourd’hui le modèle grenoblois arrive en bout de course. Des indicateurs clairs montrent une baisse du nombre d’inscrits et de la fréquentation depuis plusieurs années. Le maillage territorial est daté et ne correspond plus à l’évolution de la cité. Certains équipements sont vieillissants (Eaux-Claires Mistral, Saint Bruno) et deux bibliothèques (Centre-Ville, Kateb Yacine) jouent le rôle d’équipements structurants sans en avoir les capacités (espaces, localisation…).
Ce réseau est vivant. Il peut redevenir un « laboratoire » par le Plan Lecture, réponse apportée par la municipalité à la mesure de l’importance et de la réputation de ce grand réseau de lecture publique.
Le plan lecture est l’occasion – non pas de « rafistoler » le modèle existant – mais d’évoluer vers un nouveau modèle respectueux de l’histoire de la lecture publique à Grenoble, de l’esprit d’origine attaché à la proximité et plus adapté aux évolutions des territoires et aux pratiques des publics. Fort de son histoire, le réseau emblématique de Grenoble est appelé à se réinventer un destin.
1 – Dans l’introduction historique de l’ouvrage Mille ans d’écrits, René Favier conclut son texte en ces termes : « Depuis deux siècles pourtant, la bibliothèque de Grenoble a souvent précédé son temps. Les réflexions en cours sur la restructuration de son réseau et sur la création d’une grande bibliothèque municipale à vocation régionale devraient lui permettre de garder cette avance ». Dans ce même ouvrage, Catherine Pouyet, directrice des bibliothèques de 1994 à 2007, établit ce même constat, Catherine Pouyet, « De nouveaux enjeux pour la bibliothèque municipale de Grenoble » dans Mille ans d’écrits, Grenoble, 2000, p. 18-19.
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