A 480, la DUP est attaquée. Les travaux ne pourront peut-être pas démarrer !

Publié le 7 décembre 2018

Des habitants de l’agglomération ont déposé fin septembre un recours au tribunal administratif de Grenoble contre l’arrêté de la DUP (déclaration d’utilité publique) signé le 23 juillet 2018 par le préfet de l’Isère. Ils annoncent qu’ils déposeront dans les semaines qui viennent un référé suspension pour bloquer les travaux qui sont annoncés pour début 2019.

Ils soulèvent des irrégularités lourdes dans la préparation de la DUP, notamment l’absence de concertation préalable obligatoire imposée par l’article L 103-2 du code de l’urbanisme, qui exige que la concertation associe « pendant toute la durée de l’élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées ». La concertation sur laquelle s’appuie l’AREA s’est terminée en 2012 et n’a été reprise qu’avec les administrations mais pas les habitants et les associations.

Si cette absence est reconnue par le tribunal, cela entrainera l’annulation de la DUP et l’obligation pour les maitres d’ouvrages de tout recommencer depuis le début ! Mais laissons la justice faire son travail.

En tous cas le préfet a eu tort de ne pas écouter les habitant et certains avertissements de la ville de Grenoble qui ont insisté sur un changement de projet moins impactant pour l’environnement notamment le passage à 70 km/h avec un changement de géométrie des voies et aller vers une voirie apaisée et non avec un gabarit autoroutier standard qui n’empêcherait pas un jour la poursuite de l’autoroute A 51.

Voici le texte diffusé par les requérants lors de leur conférence de presse du 7 décembre :

Un recours contre la DUP du 23 juillet 2018 a été déposé par des habitants

Nous sommes 4 habitants de l’agglomération grenobloise, venant d’horizons divers, qui avons décidé d’en appeler à la justice contre le projet d’élargissement de l’A480 souhaité par AREA. Ce projet est un très mauvais signe au moment où l’urgence climatique et sociale exige de toutes autres solutions. Faire croire que les bouchons vont disparaître par l’élargissement des routes est une illusion : partout dans le monde, les faits démontrent l’inverse. Depuis des années les habitants et de nombreuses collectivités et associations militent pour transformer cette autoroute en boulevard urbain apaisé. Mais, en 2015, en échange de travaux supposés améliorer le trafic, le gouvernement Valls (appuyé par E. Macron, alors ministre de l’Economie, et S. Royal, ministre de l’Ecologie) prolonge la concession d’AREA sur son réseau autoroutier dans des conditions opaques. Un feu vert politique au plus haut niveau de l’Etat est ainsi donné au projet d’élargissement, lequel ne correspond pas du tout au bilan de la concertation publique organisée localement en 2011 sur la question de l’aménagement de l’A480. Qu’importe, devant les 300 M€ placés sur la table par AREA, tout le monde cède et les pouvoirs publics abandonnent les solutions qui auraient permis de diminuer l’utilisation de la voiture dans les déplacements notamment périurbains.

En tant que parents d’enfants fréquentant des établissements situés à moins de 200 m de cet axe où transitent quotidiennement plus de 110 000 véhicules, mais aussi en tant que citoyens révoltés de nous voir imposé un tel projet dont nous doutons de la réalité de l’intérêt collectif, nous ne nous résignons pas. Nous avons ainsi décidé d’utiliser les moyens légaux à notre disposition pour bloquer ce projet d’un autre âge, qui ne règlera rien sur la question des déplacements dans l’agglomération et la région urbaine. Nous ne nous résignons pas à subir toujours plus les pollutions dues aux déplacements automobiles qui atteignent la santé des populations, en premier lieu les personnes âgées et les enfants, et qui ne sont ni bonnes pour le climat au niveau global ni favorables à l’amélioration de notre environnement.

Si nous ne doutons pas qu’il faut faciliter la mobilité sous toutes ses formes, nous pensons que la congestion de l’A480 pourra se résoudre en favorisant un report massif vers les modes de transports collectifs et/ou actifs, et notamment des nombreux déplacements locaux et de courte distance. Par ailleurs, nous n’oublions pas que ce projet porté par l’Etat et par l’entreprise AREA, filiale du géant du BTP Eiffage, et soutenu par la Métropole et le Département risque de constituer, à terme, un nouveau “barreau” permettant de poursuivre la réalisation de l’autoroute A51 vers la vallée de la Durance en doublant l’autoroute de la vallée du Rhône. Comment croire que le petit « verrou nord » l’empêchera, puisque le pont sur l’Isère sera élargi. La puissance des logiques autoroutières et de leurs lobbies est bien connue, nous n’avons aucune confiance dans leur prétendue prise en compte de l’intérêt public, alors même que le coût du chantier sera largement remboursé à AREA par l’augmentation des tarifs et l’allongement de la durée de la concession.

Nous ne sommes pas opposés à la restructuration de l’échangeur du Rondeau qui, à lui seul, aurait permis d’atteindre les objectifs de fluidité, tout en permettant d’améliorer le cadre de vie de nombreux habitants par une meilleure insertion urbaine de cette voirie. Nous regrettons que les deux aménagements, échangeur du Rondeau et A480, aient été liés dans une même demande de DUP, le tout aboutissant à un dossier terriblement complexe et quasiment impossible à saisir totalement pour un citoyen moyen.

Nous avons déposé le 21 septembre 2018 un recours au tribunal administratif de Grenoble contre l’arrêté de Déclaration d’Utilité Publique signé par le Préfet de l’Isère le 23 juillet 2018.

Nous estimons que ce projet n’a pas été mené dans les règles, notamment que la concertation préalable obligatoire pour ce type de travaux n’a pas été faite. La concertation de 2011 portait sur un projet très différent, beaucoup moins cher (130 M€), transformant l’A480 en route plus apaisée à 70 km/h, diminuant ainsi les pollutions et les nuisances environnementales : en jouant sur la géométrie des voies et en utilisant la bande d’arrêt d’urgence dans le tronçon central aux heures de pointe pour améliorer la circulation, ce projet ne fragilisait pas la digue et conservait la végétation et la biodiversité.

Cette concertation n’a pas été reprise pour le nouveau projet.

Le seul point positif de la dernière enquête publique, que beaucoup jugent bâclée, voire honteuse, est précisément qu’elle reconnaît que la concertation obligatoire n’a pas été reprise après 2012 avec les habitants, comme l’impose la loi.

Nous soulevons de nombreuses autres irrégularités dans la préparation de la DUP :

  • la faiblesse de l’analyse des solutions alternatives au projet d’élargissement, lesquelles sont noyées en 2 pages dans un dossier qui en compte 1500;
  • l’absence de demande d’avis au SMTC en préalable à l’ouverture de l’enquête publique ;
  • la non-levée des recommandations de la commission d’enquête qui étaient en fait de vraies réserves, transformant l’avis de la commission en avis défavorable;
  • la non prise en compte des recommandations de l’autorité environnementale concernant notamment  les impacts de la limitation à 70km/h, l’évolution de la périurbanisation et ses effets sur le trafic, le trafic induit
  • et l’insuffisance d’informations sur la tenue de la digue protégeant une grande partie de la ville de Grenoble des inondations.

Nous déposerons dans les semaines qui viennent un référé suspension auprès du tribunal pour faire suspendre les travaux en attendant que le recours soit jugé au fond.

Xavier Bodin, Christine Bollaert, Serge Bouyssi , Jean Jonot

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