Le rapport 2018 de l’Observatoire des territoires du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) analyse les impacts des mobilités résidentielles en France. Fin de l’exode rural, périurbanisation, attrait pour le Sud et les littoraux, déménagements d’une métropole à l’autre, effets de la mobilité sur l’accès à l’emploi et sur la mixité sociale. Ce rapport est illustré de cartes et de graphiques, il explore de nombreux sujets et pointe leurs enjeux pour la cohésion sociale et territoriale.
« D’après l’Insee, 7,3 millions de personnes ont changé de logement en France en 2014, soit 11 % de la population : c’est un peu plus que la moyenne européenne (9 %). La majorité d’entre elles ont déménagé dans un périmètre proche : près des trois quarts des mobilités résidentielles ont conduit les individus à rester dans le même département, dont la moitié d’entre eux au sein de la même commune (soit respectivement 8 et 4 % de l’ensemble de la population). Seuls un peu plus du quart des individus qui ont déménagé ont changé de département (3 % de l’ensemble de la population), et 18 % de région ou de pays (respectivement 2 et 0,4 % de l’ensemble de la population). En somme, la mobilité résidentielle concerne chaque année une petite minorité de la population et est avant tout une affaire de proximité. »
« Ce rapport montre aussi comment les mobilités résidentielles ont profondément recomposé et influencé les dynamiques territoriales au cours du demi-siècle dernier. Les déménagements successifs de la population ont, en effet, peu à peu construit la géographie française actuelle, fortement structurée par le dynamisme du Sud et de l’Ouest et, à l’échelle plus locale, des espaces périurbains. Les mouvements résidentiels continuent aujourd’hui de recomposer les territoires, notamment en accroissant la séparation spatiale entre les différents groupes sociaux, principalement dans et autour des plus grands pôles urbains. Ces effets sont particulièrement préoccupants. Aux échelles régionales et départementales, les mobilités résidentielles accroissent les disparités de dynamisme (démographique, économique) entre les territoires. Dans le Nord et l’Est et dans les départements d’outre-mer, le déficit d’attractivité perdurant modifie même la structure de la population (vieillissement, départ des plus diplômés). À l’échelle locale aussi, ce rapport souligne avec force comment les mobilités résidentielles, du fait de leur caractère extrêmement segmenté selon le profil des individus, creusent les contrastes socio-économiques entre les territoires. Cet accroissement des disparités territoriales par les mobilités résidentielles présente un risque pour la cohésion sociale et territoriale du pays. Il appartient alors à la puissance publique, dans toutes ses composantes, de lutter contre ces effets ségrégatifs qui, notamment, alimentent le sentiment de mise à l’écart de certaines catégories de la population. »
Une autre étude intitulée « la France en morceaux » analyse aussi les mobilités et les choix de vie et montre que les fractures sociales sont plus déterminantes que les fractures territoriales.
« Pour de nombreux Français, il existe simultanément un sentiment d’enfermement territorial ou d’entrave à la mobilité spatiale et un choix de lieu de vie motivé par des raisons familiales ou professionnelles. Cette ambivalence s’exprime dans le rapport que les Français entretiennent avec le territoire dans lequel ils vivent et ce qui les a conduits à s’y installer : 44 % se sentent « coincés » là où ils habitent, mais dans le même temps plus de la moitié d’entre eux déclarent avoir fait le choix de vivre dans ce territoire qui les enferment (19 % vivent là où ils avaient envie de vivre et 38 % y sont venus travailler ou étudier).
Si la mobilité n’est ni bonne, ni mauvaise en soi, elle peut être perçue de manière radicalement différente en fonction des circonstances dans lesquelles elle se réalise, et surtout du fait d’être choisie ou non. Des mobilités personnelles, professionnelles et spatiales voulues et recherchées peuvent être un facteur d’épanouissement personnel et professionnel pour certains groupes favorisés, alors qu’elles peuvent être un facteur de précarité pour les groupes défavorisés, notamment si elles sont subies. Tout comme une absence de mobilité peut donner lieu à un enracinement assumé et choisi ou à un enfermement contraint sur un territoire. »