L’avenir d’ACTIS : la Société de coordination, une fausse bonne idée

Publié le 28 juin 2019

Des opposants à la fusion ACTIS/Grenoble-Habitat, proposent comme alternative la création d’une société anonyme de coordination (SAC) suivant les préconisations de la loi Elan. Mais, avant de se lancer dans une telle aventure il faut examiner exactement ce que le gouvernement a mis derrière cette nouvelle société.

Contrairement à la loi précédente, la nouvelle SAC devient un opérateur HLM; il ne s’agit donc pas d’une simple coordination vite montée entre les deux bailleurs. Il faut qu’elle obtienne l’agrément de l’Etat pour exister et donc qu’elle réponde aux exigences de la loi qui sont nombreuses et complexes et il faudrait que Grenoble Habitat et ACTIS en soient d’accord. Or les tenants de la SAC ne se sont pas assurés de cet accord. Et il faut attendre un décret d’application qui précisera les clauses types qui devront respecter les statuts de la SAC.

Un inconvénient majeur : le nouvel organisme HLM voit disparaitre dans son actionnariat les collectivités locales, qui perdront tout pouvoir direct de décision sur cet organisme. Les représentants des collectivités seront simplement présents à l’assemblée générale et au conseil d’administration, mais exclus des décisions stratégiques. Dans les sociétés anonymes ce sont les actionnaires qui décident et le code général des collectivités territoriale interdit aux collectivités d’être actionnaires de société anonyme, sauf des exceptions, notamment des SEM et des SPL.

En effet la loi ELAN impose que ce sont les membres autres que les collectivités territoriales qui définissent l’objet de la SAC qui est d’élaborer le cadre stratégique patrimonial et le cadre stratégique d’utilité sociale qui comprend « des orientations générales et des objectifs chiffrés pour les engagements sur la qualité de service rendu aux locataires, la politique patrimoniale, la gestion sociale, la concertation locative avec les locataires et, le cas échéant, la politique en faveur de l’hébergement et la politique d’accession. » Concrètement ce sont les organismes actionnaires de la SAC, sans intervention directe des élus, qui définiront dans le détail tous les aspects de la gestion financière, sociale et patrimoniale des logements sociaux. Cet éloignement des élus est une préparation cachée de la privatisation de la politique du logement social.

L’USH (Union sociale pour l’habitat) qui regroupe les bailleurs sociaux (dont la Fédération des OPH) a fait une analyse approfondie de la loi ELAN et à propos de la SAC elle écrit : « les objectifs assignés par le législateur au plan de la restructuration du secteur font porter à cette forme de groupe des obligations identiques à celles pesant sur les groupes dits capitalistiques : orientations stratégiques, objectifs chiffrés sur les divers champs d’action du service d’intérêt général. Afin d’assurer l’efficacité du dispositif, la loi confère à la société de coordination des pouvoirs et des responsabilités parfois exorbitantes du droit commun…

La loi Elan impose à la société de coordination la réalisation d’un certain nombre de missions ainsi que des actions directives à caractère parfois coercitif envers les membres de son groupe. A cet égard, le législateur a pris soin d’écarter les collectivités territoriales et leurs groupements du champ d’action imparti à la société de coordination. »

La fédération des OPH a rappelé que son ADN était :« l’ancrage territorial et la gouvernance démocratique garantie par la présence des élus dans les Conseils d’administration. » La SAC ne répond pas à ces exigences.

Une fois que le mariage aura été consommé, la loi donne des pouvoirs très étendus à la SAC qui peuvent conduire jusqu’à la disparition d’un des actionnaires qui serait défaillant économiquement. La loi impose à la SAC : « De prendre les mesures nécessaires pour garantir la soutenabilité financière du groupe ainsi que de chacun des organismes qui le constituent, autres que les collectivités territoriales et leurs groupements. Elle peut notamment décider d’interdire ou de limiter la distribution du résultat ou la réalisation d’un investissement. Lorsque la situation financière d’un organisme le justifie, elle peut le mettre en demeure de lui présenter les mesures qu’il s’engage à prendre en vue de remédier à sa situation dans un délai raisonnable. A défaut de rétablissement de la situation, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, elle peut, après avoir au préalable consulté les organes dirigeants de l’organisme concerné, décider la cession totale ou partielle du patrimoine de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe… »

Autre question primordiale : lorsqu’on veut organiser une coopération entre deux structures il faut que les deux y trouvent leur compte et ne se trouvent pas entravés dans leurs activités. Pour ACTIS on peut imaginer l’intérêt d’aller en ce sens car il y en va de son existence locale. Au 1er janvier 2021 il faut qu’il ait rejoint un autre bailleur, mais il devra abandonner une partie de son autonomie de gestion à la SAC. Et la loi n’impose pas d’obligation de solidarité entre les organismes membres de la SAC contrairement à ce qui existe dans un GIE. Donc ce n’est pas une protection pour ACTIS contre l’asphyxie financière organisée par les décisions présidentielle et gouvernementale.

Pour Grenoble Habitat, il n’y a aucun intérêt à participer à une telle opération puisque la SEM y perdra beaucoup de sa souplesse de gestion qui fait sa force qui lui permet de décider dans l’immédiat de participer à une opération de construction dans le secteur concurrentiel afin d’aider la construction de logements sociaux. La SAC ne lui apportera rien sauf à lui compliquer la vie et la freiner dans son activité. Aucun des ses actionnaires ne pourrait l’accepter puisque qu’elle serait bridée dans son évolution. De plus les fonds propres dégagés dans la SEM par ses activités dans le secteur concurrentiel ne pourront pas aider ACTIS à équilibrer ses comptes.

Enfin, cette proposition de SAC ne répond à aucune des exigences politiques de la Métropole arrêtées dans la délibération de juillet 2018 et elle est complètement irréaliste. Refuser la fusion en faisant croire qu’il y a une autre solution, signifie que la seule solution pour ACTIS sera de disparaitre dans l’OPH du département ou de vendre ses logements et donc une perte évidente de la capacité pour la métropole de construire un service public local du logement social.

L’absorption par l’OPAC38 aurait pour conséquence que la Métro perdrait sans aucune compensation financière tout l’actif représenté par les logements et n’aura plus la main sur la gestion des logements cédés puisque dans le conseil d’administration ce sera le département qui sera représenté. Alors que dans la fusion avec GH, la Métro valorise sous forme de capital l’ensemble des actifs d’ACTIS et elle garde la main sur la gestion de ce patrimoine.

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