Reconnaissance faciale : la CNIL veut fixer des lignes rouges

Publié le 22 novembre 2019

La reconnaissance faciale est de plus en plus présente dans le débat public au niveau national, européen et mondial et soulève en effet des questions nouvelles touchant à un choix de société. C’est pourquoi la CNIL souhaite aujourd’hui contribuer au débat, en présentant les éléments techniques, juridiques et éthiques qui doivent selon elle être pris en compte dans l’approche de cette question complexe.

Voici ce qu’elle écrit dans l’introduction de son document intitulé : « Reconnaissance faciale, pour un débat à la hauteur des enjeux » :

« Il y a plus d’un an, la CNIL appelait à la tenue d’un débat démocratique sur les nouveaux usages des caméras vidéo, et en particulier sur les dispositifs de reconnaissance faciale. Le recours croissant à ces systèmes, ainsi que la prise de conscience par les pouvoirs publics des opportunités et des risques qu’ils soulèvent, placent aujourd’hui cette technologie au centre du débat public.

Ce débat est essentiel, car, derrière les aspects techniques, il s’agit de procéder à des choix politiques et de dessiner certains contours du monde de demain : face à la puissance de cette technologie, comment concilier la protection des libertés et droits fondamentaux avec des impératifs de sécurité ou des enjeux économiques ? Comment préserver l’anonymat dans l’espace public ? Quelles sont les formes de surveillance acceptables en démocratie ? 

De tels choix ne peuvent être opérés à l’abri des regards ou du contrôle démocratique, par à-coups ou par accumulation, sans vision d’ensemble, d’initiatives ponctuelles et localisées. Sinon, le risque est grand que ces choix nous échappent, que des glissements progressifs conduisent à un changement de société non anticipé et non souhaité, que nous soyons, un jour, devant un fait accompli. Le choix politique ne doit pas être dicté purement et simplement par les possibilités techniques. De même, le débat politique ne doit pas se résumer à la question de savoir comment rendre « acceptables » certaines transformations numériques. Bien au contraire, le rôle du « politique » est de déterminer, parmi les usages possibles de ces technologies, lesquels sont réellement souhaitables, et de ne traiter l’enjeu de l’acceptabilité qu’à la fin du raisonnement, comme ultime étape et non comme postulat.

Tenir ce débat en France, c’est aussi permettre à notre pays de contribuer, en position de force, à un débat qui se joue aux niveaux européen et international, et de choisir librement son modèle de société numérique. Nous devons bâtir un véritable modèle européen, face aux usages parfois débridés ou déraisonnables de la reconnaissance faciale à travers le monde. Le moratoire décidé à San Francisco, au cœur d’une Californie en pointe sur la transformation numérique, symbolise au moins une chose : la vigilance, en matière de reconnaissance faciale, n’est pas d’arrière-garde.  

Ce débat, proactif et prospectif, doit être à la hauteur des enjeux. La CNIL entend y verser aujourd’hui une première contribution, essentiellement de méthode. 

Pour un débat éclairé, les termes du débat doivent eux-mêmes être clairs, en sachant ce que recouvre la notion de reconnaissance faciale, afin d’éviter tout amalgame entre des cas d’usage de cette technologie qui ne soulèvent pas tous les mêmes difficultés, ou avec des technologies voisines de nature différente (I). Ensuite, les risques liés à cette technologie doivent être mesurés pour que notre démocratie décide, avec lucidité, lesquels de ces risques elle refuse et lesquels elle assume moyennant des garanties appropriées (II). Ce débat s’inscrit par ailleurs dans un cadre juridique bien précis, dans lequel devra également s’inscrire tout usage, même expérimental, de la reconnaissance faciale : le cadre européen protégeant les données personnelles de nos concitoyens, modernisé par le Règlement général sur la protection des données (RGPD) et la directive dite « police-justice » du 27 avril 2016 (III). Enfin, la CNIL entend rappeler le rôle, de conseil et de contrôle, qu’elle joue et continuera pleinement à jouer, en toute indépendance, dans la mise en œuvre de ces technologies (IV). »

Pour lire l’avis de la CNIL, cliquer ici.

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