A89 : Vinci s’assoit sur ses promesses environnementales

Publié le 24 avril 2020

Alors qu’une zone industrielle doit voir le jour entre Tarare et L’Arbresle, près de Lyon, « Mediacités Lyon » révèle que les terres de ce projet ont été initialement vendues par Vinci. Avec cette opération Vinci fait fi de son obligation légale de compenser les dégâts occasionnés par son autoroute A89, en permettant le bétonnage de parcelles et de mares qu’elle était censée protéger. Mais l’Etat ne dit rien, ni le maire de Sarcey, seule la FNE du Rhône a déposé un référé suspension pour suspendre le permis de construire  délivré par le maire en notant que ce projet va détruire le corridor écologique censé être remis en état selon le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) et que « plusieurs zones humides, dont des mares, sont en butte directe du projet de construction, alors même que certaines sont issues d’une compensation déjà antérieure, opérée à l’occasion de la création de l’A89 » 

Il n’est pas inutile de rappeler que depuis la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, tout aménagement nécessite une étude d’impact, laquelle comprend au minimum un état initial du site, l’étude des modifications engendrées par le projet et les mesures prises pour éviter, réduire ou compenser ses effets. Suite au Grenelle de l’environnement en 2008, cette séquence Eviter‐Réduire‐Compenser a été renforcée, rendant obligatoire un suivi environnemental des mesures compensatoires ainsi qu’un cadre (exemple : un hectare de zone humide détruite = restauration d’une surface au moins équivalente). La loi de reconquête de la biodiversité du 8 août 2016 a introduit en plus la notion de “zéro perte nette” de biodiversité. En clair : ce qu’on a détruit (habitat, espèces) doit être intégralement “reconstruit” ailleurs. Un objectif impossible à obtenir, pointent de nombreux scientifiques et experts, lesquels dénoncent la compensation comme un “droit à détruire” bien commode…

Voici des extraits de l’article de Mediacités :

« L’amnésie de « la plus écolo des autoroutes »

Rappelons qu’à l’époque, le réseau Autoroutes du Sud de la France (ASF), filiale de Vinci, n’avait pas lésiné sur ses obligations de compensation : creusement de mares de substitution pour les grenouilles, réalisation de grottes pour les chauves‐souris, 245 000 végétaux replantés le long du bitume… « A89, la plus écolo des autoroutes », titraient carrément nos confrères de Lyon Capitale en 2008.

A Sarcey, les habitants n’ont pas oublié les engagements de Vinci. Ils l’ont fait savoir dans l’enquête publique menée du 5 avril au 6 mai 2019, qui portait sur l’implantation de cette zone logistique en lieu et place des terres agricoles, où nichent des espèces protégées. « Avant on disait qu’il fallait préserver cette parcelle en friche pour sauver l’œdicnème criard [un oiseau]. Et maintenant on nous dit que cette espèce peut aller voir ailleurs ? » s’est ainsi étonné un riverain. Quand d’autres se sont offusqués de n’avoir jamais vu Vinci enlever les gravats des lieux, pensant « que ces terres reviendraient à l’agriculture ». Ont‐ils mal compris ?

Oui, affirme Vinci à Mediacités : « Ces terres n’ont jamais été acquises dans le cadre de la compensation mais il y a quelques mètres carrés dans lesquels il y a un suivi environnemental. Ces terrains‐là n’ont pas vocation à être gardés. On a été contacté par le Smadeor (le Syndicat mixte de l’aménagement et du développement économique de l’Ouest lyonnais) pour faire des activités. »

Protocole entre Vinci et une zone industrielle

Dans le rapport de l’enquête publique, le Smadeor, porteur du projet de zone industrielle, se montre moins catégorique : « A notre connaissance, une convention prévoyait en effet la restitution des terrains concernés à l’activité agricole. Néanmoins un protocole d’accord entre Vinci construction terrassement, le propriétaire du terrain, l’exploitant agricole et le Smadeor, signé le 30 mai 2018, a rendu caduque cette convention ».

D’un trait de plume, Vinci se lave ainsi les mains de ses engagements envers l’environnement… Pratique ! Mais qu’on se rassure : « Les impacts du projet sur le milieu naturel (notamment concernant l’œdicnème criard) feront l’objet, conformément à la législation nationale et européenne en vigueur, d’un vaste programme de compensation et de restauration des habitats », promet le Smadeor. Et voilà l’œdicnème condamné à refaire ses bagages…

Reste un détail financier : Vinci a revendu ces fameux six hectares au Smadeor 1,10 euros le mètre carré alors que le prix de terres agricoles oscille entre 0,30 et 0,50 euros le mètre carré dans le secteur, selon la Safer, qui veille sur le foncier agraire. Vinci en aurait‐il profité, au passage, pour s’octroyer une jolie plus‐value ? Le géant du BTP réfute fermement : « Ce n’est pas du tout une vente pour faire du bénéfice, très clairement. On rétrocède une fois qu’on n’a plus besoin d’un certain nombre de parcelles. »

La collectivité paiera la facture

Gilles Vignon, du collectif Quicury qui lutte contre ce projet de zone, se montre sceptique : « Vu que les terrains étaient dégradés et plein de gravats, le Smadeor aurait dû payer moins cher ! » D’autant plus que le coût environnemental, lui, n’est pas compris dedans. Selon le collectif, le projet nécessitera près de 500 000 euros d’achats et d’aménagements de terres, situées cette fois au nord du projet, pour compenser les dégâts causés à la nature.

La facture reviendra in fine à la collectivité, en l’occurrence la communauté de communes du Pays de L’Arbresle (CCPA), présidée par le maire de L’Arbresle. La CCPA compte racheter les terrains à 1,10 euros le mètre carré au Smadeor, puis les revendre au promoteur de la SMAD‐Fresenius à 20 euros le mètre carré, après avoir réalisé assainissement et mise en conformité. Et c’est à la communauté de communes et à elle seule que reviendra la charge d’acheter et d’entretenir les terrains prévus pour la compensation. Contacté par Mediacités, le maire Pierre‐Jean Zannettacci n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. 

Bref, non seulement Vinci ne sortira pas un centime pour réparer les dégâts de son autoroute à Sarcey – voire même récupérera un peu d’argent – mais les dégâts supplémentaires occasionnés par ses reniements seront payés par les contribuables ! Elle est belle, l’autoroute verte… »

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