Élection du président de la métropole, une manœuvre menée de longue date

Publié le 25 juillet 2020

Le 17 juillet 2020, à minuit passé, après le deuxième tour de l’élection du président, l’assemblée des 119 élu-es métropolitains a laissé face à face deux candidats soi-disant du même bord politique mais en fait recherchant des majorités très différentes. C’était très clairement indiqué dans la profession de foi de chaque candidat.

Yann Mongaburu a été précis, le périmètre de la majorité avec laquelle il entendait présider la métropole était de gauche, écologiste et citoyen, ce qui excluait les progouvernementaux LREM, la droite et l’extrême droite. Cette clarté politique s’est retrouvée dans l’urne, pas de voix LREM, ni LR, ni pro-Carignon, ni RN.

Par contre C. Ferrari a pris grand soin de ne jamais spécifier son périmètre politique car il savait très bien qu’il ne pouvait pas se contenter des petites communes, du PS et même de LREM ; il lui fallait absolument des voix de droite pour l’emporter. D’où la candidature pour la droite de D. Escaron durant deux tours qui disparait au moment du tour décisif.

C. Ferrari avait été très clair dans ses déclarations publiques, il admettait être minoritaire dans la majorité à quatre groupes (écologiste, PC, PS et petites communes) et il a fait appel aux voix des oppositions à cette majorité sortante pour sauver son poste, en déclarant qu’il n’était pas envisageable que ce soit un élu grenoblois qui devienne président de la métropole.

Quatre élu.es PS qui ont marché dans la combine jusqu’au deuxième tour ont compris que l’affaire sentait le roussi lorsque le candidat de droite s’est retiré et ont choisi de voter blanc, ou, pour le seul Guillaume LISSY qui a assumé publiquement de voter pour Yann Mongaburu.

Ce troisième tour a permis de mesurer quels étaient les vrais rapports de force politique dans la nouvelle assemblée : il y a 57 élu-es qui se reconnaissent dans une majorité de gauche écologiste et citoyenne et 62 qui représentent un conglomérat qui mélange des centristes, quelques sociaux-démocrates nostalgiques, des « En Marche » patentés ou cachés, de la droite bien à droite, des adeptes de la corruption dans les services publics et un représentant de l’extrême droite.

C. Ferrari était très conscient de ce qu’il faisait. Après son élection au forceps, il ne voulait pas risquer de se faire désavouer lors de l’élection des vice-présidents et recommencer 20 fois le même vote que celui qui l’a élu. D’où la décision de ne pas élire les vice-présidents, croyant qu’il était possible de reporter ce vote à une autre réunion du conseil communautaire qui avait été programmée le vendredi 24 juillet, mais les déchirures politiques étaient trop profondes, il a donc reporté ces décisions à la rentrée.

Après avoir annoncé que la désignation des vice-présidents était reportée à fin août, début septembre, il a présenté 3 délibérations pour faire face à l’urgence : 

  • Le vote sur les indemnités des élu-es.
  • Le maintien des salaires des employés des groupes représentés pour assurer le maintien de leur fonctionnement.
  • La délégation de pouvoirs par l’assemblée délibérante pour assurer la continuité du fonctionnement des services.

Il s’est ainsi donné les moyens de passer l’été et de prendre son temps pour compléter le bureau, en délivrant des délégations à ses soutiens pour l’aider à gérer provisoirement la métropole. Il a nommé le 24 juillet, 8 conseillers délégués. Mais sans vice-président, la loi interdit de créer des conseillers délégués. Plus grave, il est interdit d’élire un président sans au moins un vice-président, comme il est interdit d’élire un maire sans au moins un adjoint. L’élection du président dans ces conditions est irrégulière et s’il y a des contestations elles devraient prospérer auprès du tribunal administratif qui a trois mois pour se prononcer.

On attend toujours la composition exacte des différents groupes politiques afin de pouvoir faire une analyse plus fine de leur composition politique. On ne trouve sur le site de la Métro que le nom des élu-es et leur commune, mais pas dans quel groupe ils sont inscrits.

Dès que les élections municipales se sont déroulées, le 28 juin, des élus LREM, dont des maires, ont adhéré au groupe des petites communes (groupe NMC ex ADIS) pour se glisser dans un groupe appartenant à la majorité de gauche et écologiste et citoyenne durant le précédent mandat. De même le groupe PS et apparentés a vu fondre les adhérents au PS et certains apparentés sont loin de suivre les consignes du PS et sont proches de LREM.

Le positionnement politique de ces deux groupes d’élus est devenu beaucoup moins clair et permettait à Ferrari de pouvoir compter sur leurs votes, surtout après le chantage au blocage, au chaos si Yann Mongaburu était élu. Mais ils ne représentent qu’à peine 40 personnes.

Pour décrédibiliser la candidature de Yann Mongaburu, tout a été utilisé, l’appel à d’anciens élus (qui n’avaient rien à perdre) pour des critiques sur la personne, puis l’utilisation du chiffon rouge du représentant de la grosse ville centre qui allait asphyxier les petites communes si elle prenait le pouvoir à la Métro.

L’opération qui a conduit à l’élection de C. Ferrari comme président a été menée depuis de longues semaines et le résultat est exactement le chaos que certains voulaient éviter : un président seul, sans majorité, sans projet politique cohérent (sauf si« tout sauf Grenoble » en est un…), ayant piétiné les règles de droit pour se maintenir. Il faut souhaiter que le président se rende compte des dégâts que sa candidature a provoqué et qu’il se retire avant que l’institution sombre dans un chaos que personne ne souhaite ou qu’il soit démis par la justice ou le préfet.

Il faut revenir à des règles simples et saines que l’ADES avait rappelées le 11 juillet : que la majorité de gauche écologiste et citoyenne se réunisse et définisse ses axes des priorités politiques pour le mandat et détermine l’exécutif qu’il faut pour que la Métro puisse affronter les lourds défis qui sont devant elle. Le plus tôt sera le mieux.

Voici un extrait de ce qu’écrivait l’ADES le 11 juillet :

« Il n’est pas démocratique que la construction de la majorité métropolitaine se passe uniquement dans les médias et que des exclusions soient prononcées par certains élus contre des personnes ou des communes. L’ADES demande à ce que les quatre groupes politiques de gauche écologiste et citoyens se réunissent rapidement et travaillent sans exclusive sur un projet majoritaire fixant les priorités pour mettre en œuvre les transitions, renforcer les services publics essentiels qui ont permis de tenir durant le confinement, accélérer les politiques solidaires dans toutes les compétences et revoir la relation entre la Métro et les communes. Un enjeu important pour la majorité est de revoir les questions de proximité et les propositions faites par le groupe Métropole en transition sur des délégations de compétences aux communes sont pertinentes.

L’exécutif de la métropole (présidence et vice-présidences soit 21 personnes) doit être choisi ensuite sur la base de ce projet partagé, écologiste, solidaire et citoyen, par la majorité à la proportionnelle des quatre groupes afin de respecter au mieux les équilibres politiques et territoriaux. »

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