Pour un revenu minimum sans contreparties comme filet de sécurité

Publié le 30 octobre 2020

Le 1er octobre, le Secours Catholique et l’association grenobloise Aequitaz publient « Sans contreparties- Pour un revenu minimum garanti« , un rapport qui plaide pour la mise en place d’un revenu minimum garanti inconditionnel. Ce serait un filet de sécurité qui jouerait pleinement son rôle en évitant de plonger dans la grande pauvreté et l’exclusion totale.

Ce rapport ne fera pas l’unanimité, considèrent le Secours Catholique et l’association Aequitaz. Car les deux associations mesurent combien des années de discours rendant les pauvres responsables de leur situation ont pu légitimer dans l’opinion l’idée qu’on leur demande toujours plus de preuves de leur volonté́ de s’en sortir en échange d’une aide sociale. Ce travail d’enquête et de réflexion, avec des personnes allocataires du RSA, prend à contrepied cette logique de contrepartie qui régit nos politiques publiques depuis 30 ans. Ces personnes racontent l’obligation de se justifier en permanence, l’insécurité́ que fait peser sur elles le risque de voir leur seule ressource réduite ou suspendue pour un justificatif manquant, un rendez-vous raté. Elles racontent le stress constant, les sentiments d’humiliation, d’injustice et enfin l’abysse dans laquelle les plonge la perte brutale du RSA.

 Résumé :

« Permettre à chacune et chacun d’être protégé, reconnu, et de contribuer : voilà le leitmotiv que nos associations ont forgé, au contact de personnes en précarité. Autrement dit, l’affirmation du droit à un travail décent est intimement liée à la défense, pour les personnes privées d’emploi, d’un droit à l’accompagnement et d’un revenu minimum garanti. Cette garantie de revenu ne saurait en aucun cas signifier un quelconque renoncement de la collectivité envers les personnes privées d’emploi : tout doit être mis en œuvre pour permettre et reconnaître l’accès à un travail et, au-delà, à la reconnaissance de la manière dont chacun contribue à la société. Cet objectif n’est pas antinomique avec une garantie de revenu. Se projeter vers l’avenir relève de la gageure quand le minimum vital n’est pas assuré.

Revenu minimum garanti : de quoi parle-t-on ? Nos associations soulignent avec constance le besoin de relever le niveau des minima sociaux, à commencer par le RSA, d’en élargir l’accès aux jeunes majeurs de moins de 25 ans et à toute personne en situation régulière, et d’en automatiser le versement pour éviter le non–recours. Ces demandes sont justes et nécessaires et nous continuerons de les porter jusqu’à emporter la décision des autorités. Mais il est une dimension que, jusqu’ici, nous n’avions guère approfondie : c’est la garantie du revenu, sans contreparties. C’est sur ce volet que ce rapport entend apporter une contribution nouvelle et, nous l’espérons, décisive.

Ce rapport ne fera pas l’unanimité. Nous mesurons combien des années de discours faisant des pauvres les principaux responsables de leur situation, voire des profiteurs, ont pu légitimer dans l’opinion le fait qu’on leur demande toujours plus de preuves de leur volonté de s’en sortir en échange d’une « aide sociale ». L’idée qu’il puisse y avoir de « l’argent gratuit », tandis que d’autres s’échinent au travail pour des salaires de misère, est insupportable aux yeux de beaucoup. D’autres encore considèrent que ce serait un message d’abandon envoyé aux plus pauvres si on ne leur demandait rien en échange d’une allocation. Tous ces arguments sont connus, ils sont même partagés chez certains de nos soutiens. Mais celles et ceux qui les avancent ont-ils mesuré toutes les conséquences pour les personnes concernées ? Nous faisons l’hypothèse que non.

Nous avons nous-mêmes pris conscience, au contact d’allocataires du RSA, de la violence des pratiques de l’administration auxquelles aboutit la logique des contreparties et des sanctions. Car les sanctions ne sont pas seulement un épouvantail qui serait brandi pour inciter les allocataires à retourner dans le « droit chemin ». Elles sont réelles : diminution de moitié, et jusqu’à 80%, de l’allocation et parfois radiation alors qu’il n’y a pas de fraude délibérée, mais uniquement « non présentation à un rendez-vous » ou « non-respect des termes du contrat ». Un contrat type qui ne s’amende pas et qui ne fait pas mention des obstacles au retour à l’emploi liés à l’organisation de notre société. De surcroît, la sanction est collective et touche l’ensemble du ménage concerné : les enfants, indirectement, mais aussi le conjoint, dès lors qu’une faute d’un membre du couple mène également à la radiation du conjoint. Dans une économie de marché, se voir privé de ses seuls moyens financiers a des répercussions très concrètes : sauter des repas, ne plus payer son loyer ou son chauffage, arrêter de se soigner, priver ses enfants de vêtements, s’isoler faute de ne pouvoir se déplacer ou participer aux activités locales…

Nous voulons croire que cette pratique des sanctions à l’encontre de citoyens parmi les plus pauvres de notre pays constitue un impensé de notre société. Et qu’en exposant ces pratiques et leurs conséquences au grand jour, notre société choisira de tourner le dos à cette forme de violence. Avec ce rapport, nous cherchons d’abord à documenter la situation (part. I) et à en comprendre les racines (part. II), avant de débattre des arguments avancés pour ou contre un revenu minimum garanti (part. III) et de proposer des solutions (part. IV). »


Un dossier détaillé d’Alternatives Economiques du 17 octobre 2020 :

Comment lutter efficacement contre la pauvreté

Reporté une première fois, puis une seconde fois en raison de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire géographie, le plan pauvreté qui devait être annoncé ce samedi en cette journée internationale pour l’élimination de la pauvreté sera présenté par le Premier ministre dans les prochains jours. Jean Castex parviendra-t-il à rassurer les 700 000 jeunes qui entrent cette année sur le marché du travail, les ménages modestes qui ne parviennent plus à boucler leurs fins de mois, ou encore les acteurs associatifs qui luttent contre ce fléau revigoré par la pandémie ?

Depuis l’interview d’Emmanuel Macron mercredi, beaucoup d’entre eux ont vu leurs espoirs douchés. Non seulement le chef de l’Etat n’a pas annoncé de revalorisation des prestations sociales, ni l’ouverture tant attendue du RSA aux moins de 25 ans particulièrement frappés par la crise, mais il s’est pris les pieds dans le tapis. Non, les 18-25 ans qui touchent des APL ne bénéficieront pas de la prime exceptionnelle de 150 euros, sauf s’ils sont eux-mêmes parents.

Fidèle à son idée qu’augmenter les aides sociales désincite à la recherche d’emploi, le gouvernement refuse d’emprunter cette voie. Il lui préfère le plan de relance ou le plan « un jeune, une solution » qui consiste à subventionner les entreprises qui accepteront de recruter un salarié de moins de 26 ans.

Les prestations sociales, le fameux « pognon de dingue » continuent pourtant, et plus que jamais, d’assurer leur rôle d’amortisseur. Et de se montrer efficaces, même si elles ne sont plus suffisantes, face au tsunami du Covid-19. Les pauvres s’appauvrissent et les riches s’enrichissent. C’est le constat que rappelle ce dossier spécial. Analyses, data, chroniques… Alternatives économiques vous a compilé les derniers articles sur la question.

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