Émissions de gaz à effet de serre : le Conseil d’Etat met la pression sur l’Etat

Publié le 20 novembre 2020

Pour la première fois, le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur une affaire portant sur le respect des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La commune de Grande-Synthe a saisi le Conseil d’État à la suite du refus du Gouvernement opposé à sa demande que soient prises des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l’accord de Paris. Elle a été rejointe en intervention par les communes de Grenoble et de Paris et par, les associations Oxfam France, Greenpeace France et Notre Affaire A Tous, et la Fondation pour la Nature et l’Homme.  Ce qui est accepté par le Conseil d’Etat :

« …la Ville de Paris comme celle de Grenoble font notamment valoir, sans être contestées, que le phénomène du réchauffement climatique va conduire à une augmentation importante des pics de chaleur constatés sur leur territoire tant dans leur intensité que dans leur durée, ainsi qu’à une augmentation significative des pluies hivernales renforçant le risque de crue d’ampleur et d’inondations subséquentes. Dans ces conditions, ces deux collectivités justifient d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien de la demande d’annulation des décisions attaquées. »

Le Conseil d’Etat, le 19 novembre 2020, impose au gouvernement de justifier sous 3 mois que la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre à horizon 2030 pourra être respectée. Voici un extrait du communiqué de presse du Conseil d’Etat :

« La haute juridiction juge d’abord que la requête de la commune, commune littorale particulièrement exposée aux effets du changement climatique, est recevable. Sur le fond, le Conseil d’Etat relève que si la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020. Avant de statuer définitivement sur la requête, le Conseil d’État demande donc aujourd’hui au Gouvernement de justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030…

Face à ces nouvelles données, le Conseil d’État estime qu’il ne dispose pas des éléments nécessaires pour juger si le refus de prendre des mesures supplémentaires est compatible avec le respect de la nouvelle trajectoire résultant du décret d’avril dernier pour parvenir à l’objectif de 2030. Il demande donc au Gouvernement, de lui fournir, dans un délai de trois mois, les justifications appropriées, et à la commune requérante ainsi qu’aux intervenantes tous éléments complémentaires.

Si les justifications apportées par le Gouvernement ne sont pas suffisantes, le Conseil d’État pourra alors faire droit à la requête de la commune et annuler le refus de prendre des mesures supplémentaires permettant de respecter la trajectoire prévue pour atteindre l’objectif de – 40 % à horizon 2030. »

Lire les commentaires d’un avocat spécialiste du droit de l’environnement, Arnaud Gossement :

« Il est prématuré de parler de « décision historique » s’agissant d’une décision de sursis à statuer. C’est bien la prochaine décision, qui interviendra après ce supplément d’instruction de trois mois, qui sera à analyser. Pour l’heure, cette décision ne modifie pas la valeur juridique de l’objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre et ne fixe pas une obligation de résultat à la charge de l’Etat. Il ne faut pas confondre objectif et trajectoire. Pour l’heure, le Conseil d’Etat se borne à demander à l’Etat de justifier les mesures prises pour rester sur la trajectoire qu’il a lui-même défini.  

Cette décision n’est toutefois pas dépourvue d’intérêt : l’intérêt à agir de la commune est admis et le constat (points 13 à 15) sur la politique climatique n’est pas nouveau mais intéressant. Reste qu’il ne s’agit que d’un constat, déjà opéré par d’autres institutions comme le Haut conseil pour le climat. »

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