Pollution de l’air dans la vallée de l’Arve : l’État reconnu fautif, mais rien ne se passe…

Publié le 4 décembre 2020

Le 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble dans un jugement un peu hypocrite, rejette neuf requêtes demandant la condamnation de l’Etat en raison de la pollution dans la vallée de l’Arve, mais reconnait que l’Etat est fautif.

Les requérants souhaitaient obtenir réparation des préjudices subis du fait de la mauvaise qualité de l’air de la vallée (asthme, dégradation de pathologies ou aggravation de symptômes de maladies déjà existantes).

Le tribunal considère que la persistance d’un dépassement des valeurs limites de trois polluants entre 2011 et 2016 dans la vallée de l’Arve révèle, en dépit de l’adoption et de la mise en œuvre d’un plan de protection de l’atmosphère le 16 février 2012, une carence fautive de l’Etat au regard de ses obligations.
Il a rejeté les neuf requêtes qui lui étaient soumises dès lors que les éléments médicaux et scientifiques produits ne permettaient pas d’établir de lien direct et certain entre les dépassements des valeurs limites de pollution et la contraction ou l’aggravation des pathologies invoquées par les requérants.

Va-t-il falloir attendre encore des dizaines d’années et des milliers de morts pour qu’enfin soit reconnu le lien entre l’augmentation de la pollution et les atteintes directes à la santé ? C’est démontré statistiquement mais la justice refuse de se pencher sur les cas individuels.

Les requérants envisagent de faire appel d’une partie du jugement.

Voici quelques extraits de ce jugement : « En dépit d’une réduction continue des émissions, cette persistance des dépassements des valeurs limites de trois polluants entre 2010 et 2016, sur des périodes d’ailleurs parfois longues sont de nature à établir que le plan de protection de l’atmosphère de la vallée de l’Arve adopté le 16 février 2012 et les moyens dont il prévoit la mise en œuvre sont insuffisants pour empêcher une méconnaissance de ces valeurs limites sur une durée qui serait la plus courte possible. Si le plan de protection de l’atmosphère de la vallée de l’Arve du 29 avril 2019 comporte une série de mesures précises et détaillées ainsi que des modélisations crédibles de leur impact permettant d’escompter un respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 dans cette zone d’ici 2022, ce document et les feuilles de route rendues publiques le 13 avril 2008, qui d’ailleurs ne comportent aucune estimation de l’amélioration de la qualité de l’air qui en est escomptée, ni aucune précision concernant les délais prévus pour la réalisation de ces objectifs, ont été adoptés trop tardivement. Cette situation caractérise une faute de l’Etat dans l’exécution des obligations résultant pour lui des dispositions du code de l’environnement, qui transposent les articles 13 et 23 de la directive du 21 mai 2008…

 L’obligation positive de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie au sens de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales implique avant tout pour les Etats le devoir primordial de mettre en place un cadre législatif et administratif visant une prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la vie. Les Etats doivent également s’acquitter d’une obligation positive de garantir le respect du domicile et de la vie privée et familiale en prenant, avec la diligence requise, les mesures appropriées adaptées à la nature des affaires posant des questions environnementales, en présence d’un risque grave, réel et immédiat pour la vie, la santé ou l’intégrité physique ou encore de nuisances de nature à empêcher de jouir de son domicile

Il résulte des relevés de l’association ATMO Auvergne-Rhône-Alpes, agréée au titre de l’article L. 221-3 du code de l’environnement, que les efforts fournis ont toutefois permis une amélioration constante de la qualité de l’air dans la vallée de l’Arve depuis 2010. Compte tenu des risques écologiques inhérents à la vie dans une zone urbanisée combinés, en particulier, avec la difficulté de lutter contre une pollution d’origine multifactorielle, voire diffuse, le dépassement des valeurs limites constaté entre 2010 et 2016 et l’insuffisance du plan de protection de l’atmosphère adopté en 2012, ne sauraient suffire à caractériser ni une défaillance notoire des pouvoirs publics dans les actions destinées à protéger ou améliorer la vie des habitants de la vallée de l’Arve, ni une atteinte suffisamment grave à leur droit de vivre dans un environnement sain protégé. Dans ces conditions, Mme E… n’est pas fondée à invoquer une carence de l’Etat à exécuter ses obligations découlant des articles 2 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales…

Par ailleurs, s’il résulte de l’instruction, et notamment des études scientifiques produites par la requérante, que l’exposition à une pollution atmosphérique augmente les risques de développement de cancers et de dégradation des fonctions pulmonaires et cardiaques, il n’est toutefois pas établi que le dépassement ponctuel et modéré des seuils de concentration de polluants fixés par l’article R. 221-1 du code de l’environnement est de nature à favoriser la contraction ou l’aggravation de pathologies. A cet égard, l’étude Pollux, réalisée par une équipe de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris, a notamment démontré que si le nombre de diagnostics d’asthme augmentait en fonction de la concentration en particules ultrafines PM2,5 jusqu’au seuil de 25 µg/m3, tel n’était plus le cas au-delà de celui-ci. Ainsi, ni les études scientifiques ni les éléments médicaux produits par la requérante ne permettent d’établir une corrélation entre les dépassements de plus en plus réduits de la valeur limite annuelle de particules fines PM10 fixée à 35 jours de concentration supérieure à 50 µg/m3 et de la valeur annuelle moyenne de 1 mg/m3 fixée pour le Benzo(a)Pyrène enregistrés à Passy, d’une part, et l’apparition et l’évolution de la sinusite de Mme E…, d’autre part.

Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme E… doivent être rejetées.»

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