Les risques du prolongement de la durée de fonctionnement des centrales nucléaires de 900 MW d’EDF

Publié le 19 mars 2021

10 ans après la catastrophe de Fukushima, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a statué sur les conditions de la poursuite de fonctionnement des réacteurs de 900 MWe d’EDF au-delà de 40 ans de fonctionnement.  

L’association Global Chance a fait réaliser une étude à l’attention de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), intitulée « Les risques du prolongement de la durée de fonctionnement des réacteurs de 900 MW d’EDF ». Bernard Laponche, spécialiste de la physique des réacteurs, ancien du CEA a piloté cette étude qui indique que sur un certain nombre de thèmes, les analyses présentées dans le rapport d’instruction de l’ASN paraissent insuffisantes.

« Sur le risque de rupture brutale de la cuve d’un réacteur : analyse des positions de l’IRSN ; nécessité de compléments d’études ; un point de vue critique sur l’évolution de la qualité de l’acier des cuves du fait du bombardement neutronique ; faut-il des mesures compensatoires ?

Sur le risque sismique : vulnérabilité historique de certains sites, notamment la centrale du Tricastin ; la succession des risques au séisme pour les diesels de secours et d’autres équipements ; l’évolution de l’appréciation du risque.

Sur le dispositif de stabilisation du corium : la prise en compte de l’accident grave ; le récupérateur de corium de l’EPR ; le stabilisateur de corium dans la VD4-900 ; les travaux à risque ; le refroidissement de l’eau de noyage du corium ; le recours à la FARN.

Sur la piscine d’entreposage du combustible : insuffisance des prescriptions de l’ASN ; écart important par rapport à l’EPR ; non prise en compte des actes de malveillance dans la sûreté passive ; absence de prescription sur le tube de transfert entre le bâtiment réacteur et le bâtiment combustible.

La conclusion de l’étude met l’accent sur le lien et les contradictions entre le respect de la sûreté nucléaire dans l’hypothèse d’un prolongement de la durée de fonctionnement des réacteurs de 900 MW et la politique nucléaire définie par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

En effet, la période des VD4 s’inscrit dans la « Programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028, publiée par décret en avril 2020. Le Gouvernement y fixe les orientations concernant le parc nucléaire jusqu’à 2035, date à laquelle la part de la production d’électricité d’origine nucléaire ne devrait pas dépasser 50% de la production totale d’électricité en France, ce qui le conduit à demander à EDF de prévoir la fermeture de 12 réacteurs sur la période 2029-2035 (à l’échéance de leur 5ème visite décennale), le choix d’EDF se portant sur une paire de réacteurs sur six des centrales suivantes : Blayais, Chinon, Cruas, Dampierre, Gravelines et Tricastin. Tout se passe dans ce texte comme si le prolongement au-delà de 40 ans était acquis et il n’y a qu’une brève allusion au fait que l’ASN pourrait arrêter « d’autres réacteurs » pour des raisons de sûreté, voire l’ensemble des réacteurs d’une même centrale du fait de risques particuliers liés au site de cette centrale.

Aucun Plan B n’est sérieusement envisagé, ce qui constitue une pression implicite sur l’ASN et comporte des risques industriels et économiques si celle-ci sait se monter impartiale et rigoureuse. Le Gouvernement devrait, dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, prendre en compte des scénarios intégrant des évènements accidentels ou de fortes exigences de sûreté sur l’arrêt de réacteurs et veiller à en assurer, sinon la parade, du moins le meilleur traitement.

En termes de sûreté nucléaire et au vu de la situation inquiétante du parc nucléaire constatée quotidiennement dans la période actuelle, également soulignée à maintes reprises dans ce rapport de l’ASN, la solution de loin préférable serait l’arrêt du fonctionnement des réacteurs à l’âge initialement prévu de 40 ans. Aller au-delà est s’engager dans une zone de fortes incertitudes, aggravées par les conditions dans lesquelles se ferait ce passage, décrites dans ce rapport. A minima, l’arrêt à 40 ans de 12 réacteurs prévu par la PPE à leur 5ème visite décennale, ceux-ci étant choisis sur des critères de sûreté, allègerait l’importance des travaux à réaliser.

En tout état de cause, une révision profonde de la politique électronucléaire de la France, et donc de la PPE, est urgente »

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