Le bilan du crédit d’impôt recherche : pas reluisant

Publié le 25 juin 2021

Avec une enveloppe annuelle de plus de 6 milliards d’euros par an, le crédit d’impôt recherche est devenu la deuxième plus grande niche fiscale. Un rapport de France Stratégie tente d’évaluer son efficacité.

La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) a réalisé en juin une étude intitulée : « Évaluation du crédit d’impôt recherche ».

Voici l’analyse qu’en fait Alternatives Économiques :

« Estimer précisément les effets d’une politique publique est un exercice délicat, mais concernant le crédit d’impôt recherche (CIR), c’est déjà trouver son effet qui s’avère complexe. Le CIR est devenu au fil des années un outil de politique publique majeur et coûteux. Depuis qu’il a été renforcé en 2008, il n’a cessé de faire l’objet de critiques régulières. Les rapports se sont succédé sans que l’on puisse pousser de cocoricos en matière de recherche et développement (R&D).

Dernier en date, le rapport de France Stratégie a mobilisé quantité de données pour essayer d’en évaluer à son tour l’efficacité. Et pour cause, quelque 26 000 entreprises dans le pays ont recours à ce dispositif fiscal qui leur permet de bénéficier d’une ristourne fiscale équivalente à 30 % de leurs dépenses de R&D jusqu’à 100 millions d’euros et de 5 % au-delà de ce seuil. Une sorte de subvention à l’innovation.

Et ce n’est pas qu’un coup de pouce. Le coût de cette mesure pour les finances publiques atteint aujourd’hui près de 6,3 milliards d’euros. Il s’agit de « la deuxième dépense fiscale du budget de l’Etat », souligne le rapport, l’appellation technocratique des niches fiscales.

Les principaux objectifs qui lui sont fixés sont d’accroître les dépenses de R&D des entreprises situées dans l’Hexagone, afin qu’elles innovent, montent en gamme et gagnent des parts de marché. Il s’agit aussi de rendre le pays plus attractif pour que les multinationales françaises ou étrangères y localisent leurs activités de recherche.

« Pas d’impact significatif »

Le rapport passe au crible plusieurs paramètres pour évaluer son efficacité, depuis l’embauche d’ingénieurs, l’évolution des heures travaillées par ces derniers, jusqu’à l’augmentation des dépôts de brevets. S’il y a bien eu une hausse du recours aux ingénieurs dans les entreprises bénéficiant du CIR, celle-ci est équivalente à l’augmentation de la masse salariale.

« L’étude n’observe pas d’effet supplémentaire sur la probabilité de déposer un brevet

Autrement dit, les efforts des entreprises en matière de R&D ont simplement suivi la croissance de leur activité, ni plus, ni moins. « L’étude n’observe pas d’effet supplémentaire sur la probabilité de déposer un brevet », indiquent les auteurs. Plus globalement, ils notent des « effets positifs mais modérés sur les activités de R&D, mais pas d’impact significatif sur la valeur ajoutée et l’investissement ».

Ainsi, les dépenses de R&D des entreprises françaises ont bien augmenté, passant de 1,27 % à 1,44 % du PIB entre 2007 et 2019. Mais cette hausse est inférieure à celle de la moyenne des pays de l’OCDE sur la même période. Surtout, elles sont en proportion du PIB inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE. Un classement médiocre, alors que la France est le pays qui affiche un soutien public à la R&D privée le plus important au regard de sa richesse produite.

Pas d’effet sur les multinationales

Les quelques effets positifs « sont identifiés pour les petites et moyennes entreprises », ajoute le rapport. « En revanche, l’étude ne trouve pas d’effet significatif pour les relativement plus grandes entreprises », y compris celles de taille intermédiaire.

Ceci est problématique, car les PME ne touchent que 34 % du total des sommes allouées. Les bénéficiaires du CIR sont très concentrés parmi les grandes entreprises. Sur les 26 000 bénéficiaires, les 50 plus grandes reçoivent 50 % de l’enveloppe totale. Quelques grands champions nationaux, principalement Sanofi, Airbus ou STMicroelectronics perçoivent des sommes très conséquentes.

Cette politique a-t-elle tout de même permis à nos grandes entreprises nationales d’être les plus dépensières en R&D ? Globalement, non. L’effort des multinationales françaises stagne. Alors que les dépenses en R&D des grands groupes français représentaient 6,8 % de l’effort mondial en 2005, elles ne pèsent plus que 4,6 % en 2019.

Ainsi, conclut le rapport, « la générosité des aides françaises, qu’elles soient directes ou indirectes, n’a ainsi pas empêché les multinationales françaises de perdre globalement du terrain au niveau mondial ».

Dernière tentative pour trouver un effet au CIR : l’attractivité de la France. Là encore, le bât blesse. Les dépenses en R&D des entreprises étrangères en France ont augmenté de manière moins importante que les efforts mondiaux de ces mêmes groupes en la matière. Autrement dit, la France a enregistré une relative perte d’attractivité pour les firmes étrangères.

Malgré quelques effets positifs de soutien à la recherche dans les PME, le bilan du crédit d’impôt recherche apparaît très médiocre, surtout au regard de l’effort financier qu’il représente. »

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