Une campagne du ministère de l’éducation nationale sur la laïcité : zéro pointé

Publié le 3 septembre 2021

Le ministre de l’éducation nationale a présenté, le 30 août, une campagne intitulée « C’est ça la laïcité ».
Elle est déployée tout le mois de septembre par affichage, sur internet et sur les réseaux sociaux, ainsi que dans les écoles et les établissements scolaires. Elle présente une série de 8 affiches (voir plus loin).

Ces affiches ont fait fortement réagir car leur contenu n’a rien à voir avec la définition de la laïcité qui est d’abord la séparation des religions et de l’Etat et donc l’affirmation de la liberté de conscience et de la neutralité des services publics.

Voici l’analyse de cette campagne faite par l’association « La Vigie de la laïcité »

« QUE PENSER DE LA CAMPAGNE LAÏCITÉ LANCÉE PAR LE MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ?

La Vigie de la laïcité a pris connaissance de la campagne d’affichage lancée par le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, à propos de la laïcité. Force est de constater une profonde confusion sur le sens de ce qu’est la laïcité. D’autant plus qu’à aucun moment ne sont rappelés ni même évoqués les fondements de la laïcité. À savoir la liberté de conscience et sa manifestation dans les limites de l’ordre public, la neutralité de l’État (découlant de la séparation) et l’égalité de tou.te.s devant la loi sans distinction de religion ou conviction.

La laïcité, ce n’est pas « permettre à Sacha et Neissa d’être dans le même bain », ni « permettre à Milhan et Aliyah de rire des mêmes histoires » comme l’indiquent pourtant certaines affiches officielles qui, toutes, mettent en avant quasi-exclusivement des enfants issus de la diversité. Derrière un a priori jovial et tolérant, le message porté par ces affiches réassigne les élèves à leurs identités. Celles-ci devant, selon cette campagne, être gommées au profit d’une homogénéisation normée (une illustration en est la récurrence du terme « même »).

Ainsi, ces affiches confondent la laïcité avec les idées de coexistence et d’assimilation. Surtout, de par le choix des prénoms et des caractéristiques phénotypiques, ces affiches entretiennent une lourde ambiguïté : implicitement, est diffusée l’idée que la laïcité concernerait en premier lieu les personnes issues de l’immigration.

Un autre sous-entendu est tout aussi lourd de sens : le fait que ce serait parce que l’école de la République accueille des enfants issus de la diversité qu’il faut réaffirmer la laïcité. Or, les débats sur la laïcité à l’école sont aussi anciens que ceux sur la laïcité tout-court.

Sur le fond, une seule affiche (sur laquelle il est écrit : « Donner le même enseignement à Romane, Elyjah et Alex, quelles que soient leurs croyances) correspond à une définition de la laïcité. Mais même cette affiche fait fausse route, en réduisant les enfants à leur appartenance religieuse qui serait implicitement devinée par leurs prénoms et/ou couleurs de peau.

Ainsi, si la Vigie de la laïcité soutient l’idée d’une campagne d’affichage sur la laïcité (à ce propos, elle rappelle la proposition, alors non-appliquée, portée en son temps par l’Observatoire de la laïcité et qui s’appuyait sur des affiches dépourvues d’ambiguïté), elle regrette les choix ici opérés. Ils ne pourront qu’alimenter les polémiques et entretiendront, tant chez les élèves que chez leurs parents, les confusions autour de ce grand principe de la République.

La course pour savoir lequel des ministres serait le plus « laïque » ne doit pas mener au détournement profond de la laïcité, notion qui refuse toute idéologisation. » Jean-Louis Bianco Président de la Vigie de la laïcité, déclare dans l’Humanité (31/08) : « Ces images sont hors sujet. Nulle part il n’est question de ce qu’est la laïcité, à savoir la neutralité des services et des institutions publics, la séparation des Églises et de l’État et la liberté de conscience. Nager ensemble dans la piscine ou lire ensemble le même livre, comme le font les enfants dans cette campagne, ça n’a rien à voir avec la laïcité, dont la définition n’est donnée nulle part. Par ailleurs, c’est le ministère de l’Éducation qui lance cette opération, et on ne comprend pas pourquoi on ne nous montre que des enfants, alors que c’est aussi aux enseignants que s’imposent des obligations en matière de laïcité, en particulier le devoir de neutralité. On ne les voit pas alors que ce sont eux, avec l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, qui transmettent les principes et les valeurs. »

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