Non à la relance d’un programme nucléaire

Publié le 19 novembre 2021

Les exigences de la lutte contre le changement climatique imposent d’agir vite et de manière cohérente. On a maintenant des scénarios précis sur les différents choix pour la France, qui sont compatibles avec la neutralité carbone en 2050, avec ou sans relance du nucléaire : scénarios de RTE et de Négawatt

Tous ces scénarios insistent pour que les décisions soient prises très rapidement, à la fois diminuer la consommation d’énergie carbonée et développer les énergies renouvelables. Même pour les tenants de l’énergie nucléaire, une relance d’un programme nucléaire arrivera trop tard et tout devra être fait avant à base d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables. Une mobilisation de toutes les sources de financements possibles sera nécessaire pour y parvenir, donc pas d’argent pour le nucléaire, sinon ce sera l’échec en 2050. On a pris un tel retard pour décarboner la société, qu’il nous faut mettre les bouchées doubles et surtout cesser de financer un nouveau programme nucléaire qui ne servira à rien pour 2050.

Nous sommes opposés à une relance d’un programme nucléaire pour différentes raisons :

  • C’est une source d’énergie qui pose des problèmes de sûreté très lourds et non résolus. Actuellement quelles que soient les filières qui ont atteint le stade industriel, aucune ne présente une sûreté passive, c’est-à-dire qui ne pourrait pas créer des accidents majeurs du type de Three Mile Island (mars1979), Tchernobyl (avril 1986) et Fukushima (mars 2011) en s’arrêtant automatiquement en cas de perte de réfrigérant ou en cas de perte d’alimentation électrique. D’où le concept de défense en profondeur qui essaye d’éviter au mieux les conséquences d’un accident majeur, mais Fukushima a démontré que cela n’empêchait pas la pollution radioactive de toute une région pour une très longue période. On pourrait concevoir des réacteurs à sûreté passive, mais les choix ont été faits de privilégier une filière (à eau pressurisée) issue des réacteurs mis au point par les militaires américains pour les sous-marins nucléaires.
  • C’est une technologie proliférante, notamment pour l’enrichissement de l’uranium et le retraitement des combustibles pour extraire le plutonium, qui facilite la mise en place de recherches militaires et le développement des armes nucléaires. Il y a des conséquences géopolitiques non négligeables.
  • C’est une source de déchets qui ont la particularité d’être radioactifs et très dangereux pendant des centaines de milliers d’années, ils échappent à une certitude de surveillance de tous les instants à l’avenir. D’ailleurs la loi actuelle indique que le stockage géologique profond doit être réversible, mais la conception même du site de Bure (Cigéo) prévoit qu’il sera, au bout d’environ 150 ans, devenu irréversible (voir l’enquête publique dont on attend les résultats dans quelques semaines).
  • C’est une technologie très lourde, qui exige de réaliser une vaste filière industrielle pour obtenir des effets d’échelle et devenir rentable, tout en gardant le contrôle du cycle du combustible. Donc c’est un programme qui n’a pas vocation à s’arrêter et qui exige le maintien d’un secteur industriel vaste et très coûteux, il absorbe beaucoup d’argent public. C’est un choix énergétique risqué c’est pourquoi les capitaux privés s’y risquent très peu et mondialement le nucléaire pèse très peu dans la fourniture d’électricité. Actuellement les propositions d’un nouveau programme nucléaire sont basées sur des réacteurs dits EPR-2 c’est-à-dire qui ne sont pas de simples copies de l’EPR de Flamanville de Finlande et de Chine, donc de nouveaux réacteurs dont les coûts prévisibles ne sont pas connus mais qui commencent à dériver avant d’être lancés.

S’il y a une décision de relance du nucléaire, les nouveaux réacteurs (EPR 2) ne seraient en activité qu’à partir de 2040 dans le cas le plus optimiste et plutôt autour de 2045, car de nombreux problèmes restent à régler au niveau de la conception même de ces nouveaux réacteurs (voir par exemple ici et ).

Ceci remet en cause les scénarios RTE avec une relance du nucléaire qui pense utiliser l’électricité du nouveau nucléaire dès 2035.

Donc pour l’échéance 2050, ce nouveau nucléaire ne servira à rien et il aura coûté tellement cher, qu’il aura empêché les investissements massifs dans l’isolation thermique des bâtiments, les changements dans les mobilités, les investissements dans la sobriété énergétique… et l’accélération des énergies renouvelables.

Alors qu’il faut être agiles et rapides dans les choix de politique énergétique, le nucléaire n’est pas adapté car il est très rigide dans sa mise en route et sa sécurité exige une gestion extrêmement lourde et coûteuse. Dans un contexte qui doit voir des changements très rapides, il est inutile. Le nucléaire est une énergie du passé. Le scénario Négawatt décrit très bien ce qu’il faut faire maintenant et en urgence.

De plus, comme le changement climatique est mondial, il est essentiel de se positionner pour être compétitifs dans les filières d’avenir maintenant et au-delà de 2050. Or mondialement le nucléaire est et sera négligeable pour la production d’électricité (10 % actuellement essentiellement en France et aux Etats-Unis). En 2020, 256 Gigawatt de capacités renouvelables (solaires et éoliennes essentiellement) ont été ajoutées dans le monde, contre 0,4 Gigawatt de capacités nucléaires.

Même si on ne relance pas de nouveaux programmes nucléaires, nous sommes condamnés à poursuivre de considérables montants financiers pour assurer la sécurité du fonctionnement des centrales jusqu’à la fin de leur vie, la gestion des déchets radioactifs et financer les démantèlements de l’ensemble de la filière nucléaire.

Une proposition surprenante est de vouloir consacrer un milliard d’euros dans la recherche et le développement des SMR, les petits réacteurs modulaires totalement inutiles pour notre pays et dont l’exportation se heurtera à des questions de sécurité non négligeables et des coûts sous-estimés. Cette subvention d’argent public est un scandale, au moment où il y a besoin d’une mobilisation financière pour remplir les exigences fixées par le GIEC et la France a pris beaucoup de retard sur la trajectoire bas-carbone. La justice l’a rappelé récemment (l’ « Affaire du siècle »). Il faut espérer que la prochaine Assemblée Nationale prenne des décisions efficaces, pour que les choix politiques soient à la hauteur des enjeux climatiques et que les décisions échappent aux puissants lobbies qu’ils soient, pétroliers, gaziers, charbonniers ou nucléaires.

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