Comprendre les impôts locaux métropolitains

Publié le 18 février 2022

Les ménages métropolitains reçoivent en tant qu’habitants un avis concernant la taxe d’habitation (avant qu’elle ne disparaisse) et en tant que propriétaires un avis concernant la taxe sur le foncier bâti. Sur ces avis il y a les taxes locales perçues par les communes et celles perçues par la Métro, sachant qu’il y a aussi des taxes locales spécifiques revenant à la Métro, une contribution à la Gemapi et sur l’avis de taxe foncière la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères).

Les montants appelés dans ces avis dépendent de la valeur locative du logement et des taux votés par le conseil métropolitain chaque année.

Le budget de la Métro recevait 8,8 M€ de taxe foncière bâti (taux de 1,29%), 54 M€ de TEOM (taux de 8,3%), 3 M€ de taxe Gemapi et jusqu’en 2021 environ 58 M€ de taxe d’habitation (taux de 8,57%).

Le produit de la taxe d’habitation des 49 communes est de 105,24 M€ et celui des taxes foncières communales sur le bâti de 227,76 M€ (hors taxe foncière départementale qui est maintenant reçue par les communes et qui se monte à 106,42 M€).

Sur les avis de taxe foncière bâtie, la part Métro est très faible, elle représente seulement 2,2% du total.

Depuis 2021 la Métro ne touche plus de taxe d’habitation, c’est désormais l’Etat qui, pour compenser cette perte, reverse un petit pourcentage fixe de la TVA en compensation. Il ne reste plus à la Métro que la taxe foncière sur le bâti (TFB), comme paramètre pour faire évoluer si nécessaire la fiscalité locale (la taxe foncière sur le non bâti ayant un rapport très faible, 0,7 M€, et le pouvoir de la Métro sur la fiscalité des entreprises est presque inexistant

 2 stratégies sont actuellement débattues dans la majorité métropolitaine, lors des discussions préparatoires du budget 2022, concernant la programmation pluriannuelle des investissements de la Métropole. Pour la programmation pluriannuelle du fonctionnement, des efforts de maitrise des dépenses de fonctionnement ont fait consensus, les dépenses courantes ne devant augmenter que de 1% annuellement jusqu’en 2026 (voir débat d’orientation budgétaire).

  • La première entend maintenir montant actuel de taxe foncière métropolitaine et limiter les investissements du mandat pour ne pas trop déséquilibrer les budgets et contenir la dette.
  • La deuxième estimant que les investissements prévus sont insuffisants actuellement pour assurer une diminution significative des émissions de gaz à effet de serre (investissements prévus dans le PDU pour diminuer l’utilisation des automobiles) et le soutien à la politique du logement, tant aux constructions qu’aux réhabilitations. Il faudrait alors une légère augmentation du taux de taxe foncière de La Métro qui permettrait ces investissements nouveaux, nécessaires et d’avenir, pour répondre aux exigences du GIEC dans les 10 prochaines années et suivre la trajectoire prévue par les documents de planification métropolitaine.

Pour trancher ce débat, quelles seraient les conséquences d’une légère augmentation de l’impôt foncier métropolitain sur les budgets des ménages ? Pour cela, il est important de connaitre le mode de calcul de cet impôt et quel est l’impact dans le budget des ménages propriétaires, dont les propriétaires occupants.

Comment est calculée la valeur locative d’un logement ?

La taxe foncière métropolitaine est le produit de la moitié de la valeur locative multipliée par le taux intercommunal décidé par la Métro.

La valeur locative cadastrale est un loyer annuel théorique que chaque propriétaire pourrait tirer de son bien s’il était loué. 

Les taxes locales assises sur les locaux d’habitation, notamment la taxe foncière, sont calculées à partir de valeurs locatives cadastrales issues d’une évaluation du marché locatif datant de… 1970 (!). Ces valeurs locatives n’ont depuis pas fait l’objet d’une réelle révision, et n’ont donc pas suivi l’évolution des valeurs locatives locales. Les logements des quartiers davantage valorisés qu’il y a 50 ans, sont donc actuellement sous-imposés, contrairement aux logements situés dans des zones où les loyers ont relativement diminué depuis 1970.

La loi de finances pour 2020 a décidé d’une révision complète de ces valeurs locatives, à partir des loyers réels de l’année 2023. La réforme sera mise en application en 2026.

Rappel : un peu plus d’un tiers des propriétaires occupent eux-mêmes leur résidence principale à Grenoble et la moitié dans l’agglomération.

Une étude de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) sur les conséquences de la révision des valeurs locatives, concluait en décembre 2020, qu’il y aurait une meilleure justice fiscale par cette réforme, ce qui rendrait la taxe foncière plus acceptable socialement :

« D’après nos résultats, la date de construction est un facteur important dans la compréhension de l’impact de la révision. Les logements les plus anciens, construits avant 1950, verraient leur valeur locative augmenter de plus de 15 % en moyenne, et de 20 % pour ceux construits avant 1920, alors que les logements construits dans les années 1960 et 1970 verraient leur valeur locative baisser de 16 % en moyenne suite à la révision. Selon nos estimations, environ les deux tiers de ces effets ne sont pas dus à une corrélation entre la date du logement et les autres facteurs observables, notamment l’IRIS d’appartenance. Cet effet serait donc principalement la conséquence d’améliorations de la qualité des logements les plus anciens par rapport aux autres (ex : rénovations) et non le résultat d’une corrélation avec des facteurs spatiaux, comme par exemple les phénomènes de gentrification.

L’analyse de la redistribution des valeurs locatives en fonction du niveau de vie des ménages occupants montre une redistribution des ménages les plus aisés vers les ménages les plus modestes. Ainsi, les 10 % des ménages les plus aisés verraient la valeur locative du logement qu’ils occupent augmenter en moyenne de plus de 9 % tandis que la valeur locative des 10 % des ménages les plus modestes diminuerait de 5,6 % en moyenne. Ce résultat provient principalement d’un effet de composition : les ménages situés en haut dans la distribution des niveaux de vie habitent en moyenne dans des logements plus spacieux, qui sont globalement sous-valorisés par les valeurs locatives non-révisées. »

Révision des valeurs locatives sur les locaux d’habitation : une évaluation sur grandes agglomérations | Institut des Politiques Publiques – IPP

Par exemple pour la ville de Grenoble on observe clairement dans la figure ci-dessous, la restructuration des valeurs locatives entre les quartiers Nord et Sud.

La figure représente pour chaque quartier IRIS (terminologie de l’INSEE pour délimiter les quartiers) la variation moyenne des valeurs locatives révisées (le rapport entre, d’une part la différence entre la somme des valeurs locatives révisées et la somme des valeurs locatives avant révision, et d’autre part la somme des valeurs locatives avant révision).

De même pour la Métro où l’évolution par commune permettra de rendre les valeurs locatives plus conformes aux réalités de leurs valeurs.

Quel serait l’impact d’une légère augmentation de la taxe foncière de la Métro ?

Actuellement la seule taxe foncière de la Métro représente une dépense de 20 € par habitant (8,8 M€ pour 445 000 habitants), soit annuellement 40 € par ménage propriétaire car en moyenne dans la Métro il y a 2 personnes par ménage. Il y a 50 % de ménages propriétaires occupants leur logement et 50 % de locataires (d’un logement de bailleur public ou de propriétaire privé).

Parmi les arguments avancés contre une augmentation de la taxe foncière de la Métro, il y a d’une part que les ménages propriétaires auraient des revenus assez faibles et d’autre part le fait qu’elle concerne des ménages occupants qui ne sont pas obligatoirement fortunés ; pour les occupants locataires tout dépend du bail de location qui fixe les règles d’augmentation du loyer.

Le président de la Métro a avancé, lors du dernier conseil de métropole, que 70 % des ménages propriétaires auraient moins de 2000 € par mois de revenu.

Cette information est erronée

L’INSEE fournit la variation des revenus des ménages métropolitains par unité de consommation (UC) pour les locataires et les propriétaires en 2019. Voici comment est calculé le nombre d’UC par ménage :

1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, puis 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.

Comme il y a en moyenne 2 personnes par ménage, le ménage moyen a environ 1,5 UC.

Important : le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend tous les revenus et les prestations sociales reçues. Les impôts (impôt sur le revenu et locaux) sont déduits ainsi que les prélèvements sociaux : Contribution Sociale Généralisée (CSG), Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS).

La médiane des revenus par UC sur la Métro pour les propriétaires est de 27 090 € et seulement de 17 350 € pour les locataires. On peut alors estimer que le ménage propriétaire moyen a 3000 € par mois de disponible, alors que le locataire moyen seulement 2000 € par mois. Dans le graphique ci-dessous sont représentés les revenus disponibles en 2019 par UC.

Pour avoir une estimation raisonnable des revenus des propriétaires par ménage, il faut multiplier les valeurs qui apparaissent dans le graphique par 1,5.

Il y a seulement 10 % (1er décile) des ménages propriétaires qui ont moins de 2000 € par mois de revenu disponible (valeurs 2019, soit 24 000 euros par an). Il y a seulement 5% des ménages propriétaires en dessous du seuil de pauvreté 1100 € par mois par UC (soit 1650 € par mois pour 1,5 UC).

En conséquence : une augmentation mesurée du montant de la taxe foncière métropolitaine n’impactera que très faiblement les ménages propriétaires dans l’agglomération, alors qu’ils auront bénéficié d’une forte diminution de la Taxe d’Habitation de la Métro et des communes.

Si l’utilisation de cette légère augmentation est d’intérêt général, à condition d’être réellement utilisée dans l’intérêt général pour mieux préparer l’avenir de la population dans l’agglomération, elle serait alors fondée et la majorité métropolitaine serait bien inspirée de la décider. D’autant plus que les difficultés budgétaires de l’Etat auront pour conséquences dans les futures lois de finances, de « sur-solliciter » les collectivités, comme cela a toujours été fait par le passé (et dernièrement en transférant par exemple à la Métro les charges de prévention des inondations GEMAPI). Redonner des moyens aux politiques publiques de compétence de la Métro pour mieux renforcer les priorités sociales et écologiques, est une orientation politique responsable pour toutes et tous dans la Métro. Cela n’empêche pas que la Métro réoriente sérieusement ses priorités et organise l’efficacité et le contrôle des services publics qu’elle gère en direct et ceux qu’elle délègue encore au privé, et évite des dépenses peu utiles ou des décisions sans analyse des coûts de fonctionnement.

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