La planification écologique à l’ordre du jour

Publié le 13 mai 2022

Depuis des décennies, les pouvoirs publics se voilent la face et font du surplace concernant la nécessité absolue d’une transition écologique, énergétique et sociale pour construire un avenir vivable pour tous sur notre planète.

La campagne présidentielle, notamment grâce à la campagne dynamique de Mélenchon, a mis à l’ordre du jour la nécessité d’une planification écologique sérieuse. Et voilà que Macron s’en empare mais en manquant sérieusement de crédibilité vu toutes les promesses faites puis oubliées, notamment la Convention citoyenne pour le climat qui a vu tout son travail très sérieux mis aux oubliettes. Que ce soient des avertissements très officiels, du Haut Conseil pour le Climat ou de nombreuses ONG et même de la justice (Affaire du siècle), le pouvoir ne fait rien comme tétanisé devant l’ampleur de la tâche.

France Stratégie organisme de réflexion et de propositions auprès du Premier ministre vient de publier un document intitulé : « Soutenabilités ! Orchestrer et planifier l’action publique » qui sont ses propositions pour mettre en œuvre la planification écologique. Ce rapport est issu de deux ans de travaux et propose un référentiel pour une action publique à la fois durable, systémique et légitime. Construite autour d’une orchestration cohérente des différents domaines de politiques publiques, et d’une planification renouvelée en les inscrivant dans la durée, la « stratégie nationale des soutenabilités » proposée dans ce rapport doit permettre de concilier enjeux environnementaux, sociaux et démocratiques.

Voici quelques extraits du dossier de présentation du rapport :

« L’impact des activités humaines et de la croissance sur les conditions d’habitabilité de la Terre, l’anthropocène, n’est pas un fait nouveau. Ce qui l’est en revanche, c’est l’actualité du péril, l’intrication des enjeux et l’urgence à agir, pour nous et les générations futures. Climat, biodiversité, inégalités sociales, tensions géopolitiques : les dé­s sont interdépendants. « Insoutenables », ces trajectoires accroissent à leur tour les besoins de protection de la population. Notre modèle de développement reposant sur une alliance entre croissance économique et progrès social semble avoir atteint ses limites. La croissance se heurte aujourd’hui à la multiplication des crises et aux limites physiques d’épuisement des ressources. Il semble donc difficile de trouver dans la croissance telle que nous la connaissons le remède au fi­nancement de la transition environnementale et à la résilience de notre système. Nous savons que les coûts de l’inaction ne feront que croître, pourtant nous réagissons trop lentement et insuffisamment.

Déployer d’ici à 2050 une économie zéro carbone exige – même dans les scénarios les plus optimistes – des efforts de sobriété. Alors que les effets des bouleversements environnementaux se font déjà ressentir, les efforts pour les atténuer et s’y adapter auront de profonds impacts sur les modes de vie et de consommation. Ceux-ci ne seront pas acceptables par la population, notamment par les plus modestes, si les efforts ne sont pas équitablement répartis.

Cette imbrication des enjeux économiques, sociaux et environnementaux rend vaine l’idée de politiques publiques conçues du seul point de vue environnemental comme du seul point de vue économique ou social. Transition écologique, transformation de nos modèles de production et de consommation, adaptation de notre modèle social, sont à mener de front et ce, dans un contexte de grande dé­fiance démocratique. Or la puissance publique n’est pas armée pour résoudre ensemble ces « insoutenabilités ». Si les impératifs environnementaux sont progressivement intégrés à toutes les échelles – européenne, nationale, locale – les politiques publiques sont encore trop cloisonnées, peu articulées entre elles. Cela induit une dilution des moyens et une perte d’ef­ficacité pouvant con­finer à l’incapacité : c’est l’État français condamné en justice pour inaction climatique (jurisprudence Affaire du siècle et Grande Synthe).

L’APPROCHE PAR LES SOUTENABILITÉS : DE QUOI PARLE-T-ON ?

Le concept de soutenabilités apparaît le plus adapté pour concevoir une nouvelle grille d’analyse et d’élaboration de l’action publique de long terme. Il permet d’envisager des réponses plurielles et collectives pour répondre aux « besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. » La notion est également pertinente pour penser la prise en compte conjointe et cohérente des questions sociales, économiques, mais aussi démocratiques et institutionnelles. En utilisant le mot au pluriel, on prend au sérieux les interactions entre les crises, entre les défis, entre les risques. On s’oblige aussi à intégrer dans la conception de chaque politique publique des paramètres qui pourraient paraître éloignés de son objectif premier.

Si le climat doit évidemment être au cœur d’un nouveau pacte intergénérationnel – l’Accord de Paris nous y oblige – il ne peut y fi­gurer seul ni en constituer l’unique horizon. Sans justice ni progrès, les crises sociales – aussi, voire plus dures que celles de la ­n des années 2010 – se multiplieront. Sans choix, sans perspective pour les citoyens d’avoir leur mot à dire sur les options qui engagent leur avenir et celui de leurs enfants et petits-enfants, ces crises seront insolubles démocratiquement. L’enjeu, c’est de concilier la lutte pour la préservation de l’environnement avec nos préférences collectives : pas de TINA pour le climat. Les chemins de l’indispensable décarbonation doivent être l’objet de délibérations.

RÉINVENTER LA PLANIFICATION : LA STRATÉGIE NATIONALE DES SOUTENABILITÉS Disposer des bons outils est nécessaire, mais cela ne suffi­ra pas à assurer la réalisation des objectifs de soutenabilité. Il faut une volonté politique et une méthode pour y parvenir. Une plani­fication renouvelée, prenant la forme d’une Stratégie nationale élaborée sur le fondement d’un cadrage politique – de type discours de politique générale – permettrait de lui donner corps. Objet de délibérations citoyennes et parlementaires, la Stratégie nationale des soutenabilités servirait de carte à l’action publique sur le quinquennat. Elle permettrait de construire de nouvelles alliances avec les citoyens, les territoires et les entreprises. Nécessairement large, cette Stratégie pourrait s’articuler autour de l’impératif de décarbonation, dont la nature vitale, mais aussi l’horizon chiffré, daté et partagé justi­fie qu’il en constitue le socle, sans exclusive ni priorisation sur les autres objectifs de moyen terme. Consommer, produire et travailler, se loger, se nourrir, s’éduquer, se soigner, se déplacer pourraient en constituer les principales thématiques. »

Mots-clefs : ,

Le commentaires sont fermés.