L’illettrisme ne s’améliore pas en France et les difficultés scolaires existent aussi à Grenoble…

Publié le 3 juin 2022

Un rapport récent de l’Inspection Générale de l’éducation du sport et de la recherche (IGESR) sur l’illettrisme demande une vraie mobilisation de l’éducation nationale. Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît désormais au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et convergents. Au-delà des données statistiques, il correspond à une réalité contrastée et complexe que l’on observe y compris dans des formes très contemporaines.

La prise en charge de l’illettrisme, retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment au sein de l’éducation nationale, demeure un sujet brûlant.

Sur la base d’un état des lieux, le rapport propose des stratégies pour une meilleure coordination des modalités de prise en charge déjà existantes.

Ce texte de la « mission prospective sur l’illettrisme » est éclairant sur les raisons de cette situation que nous connaissons à Grenoble principalement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficiant des réseaux d’éducation prioritaire.

Peu de réelles études ont été réalisées sur les dédoublements de classes grandes sections, CP, CE1, censés faciliter les apprentissages élémentaires en lecture et écriture et les connaissances indispensables en calcul.

Lorsqu’on participe à des ateliers de soutien scolaire, on observe que certains enfants, filles et garçons, n’éprouvent pas beaucoup d’intérêt pour les apprentissages scolaires et n’ont pas un goût prononcé pour les livres ou la culture en général. Les enseignant.es s’investissent beaucoup pour que les enfants puissent suivre les programmes et développent des outils pour qu’ils puissent acquérir des connaissances essentielles avant l’entrée en 6ème. Le redoublement n’existe plus, donc les enfants passent automatiquement en classe supérieure et parfois certain.es ont du mal à comprendre les textes à lire ou les poésies à connaître par cœur, car les mots n’ont pas réellement de sens pour eux.

Comment retenir des mots ou une poésie quand les mots n’ont aucun sens ? Comment s’intéresser et progresser si on ne comprend pas ce qui est écrit ?

Ce rapport sur l’illettrisme rappelle quelques données essentielles : les apprentissages se réalisent si l’enfant entend depuis sa naissance des mots qui lui apporteront le goût d’en découvrir beaucoup d’autres, mais aussi par la lecture, comme la petite histoire lue chaque soir au coucher. Cette histoire qui n’apporte pas seulement des mots, mais aussi la tendresse nécessaire à l’équilibre et à un sommeil apaisé d’un enfant.

Ce rapport démontre que les difficultés ne sont pas essentiellement dues à des règles scolaires inadaptées dans certains quartiers. D’autres actions pour favoriser les apprentissages devraient être mises en place par les collectivités territoriales comme diverses initiatives associatives, socio-éducatives, culturelles dès les premiers jours de la vie des enfants. Par exemple, développer comme le fait ATD QUART MONDE, un soutien scolaire en présence des parents, ce qui permet de rendre la scolarisation essentielle dans tous les milieux familiaux. Des initiatives sont également prises en France pour la maîtrise des outils numériques qui peuvent être la meilleure ou la pire des choses comme lorsque certains enfants qui ont accès au numérique sont livrés à eux-mêmes quant à l’accès à certains sites peu éducatifs.

A côté des dédoublements de classes, il existe aussi les vacances apprenantes, et quelques autres dispositifs proposés par la politique de la ville, mais le niveau de développement de ces propositions n’est pas à la hauteur des besoins.

Nous approchons des grandes vacances. Avons-nous une idée assez précise de tous les enfants qui resteront chez eux durant cet été qui pourrait être très chaud dans les appartements ce qui ne rend pas la situation des familles toujours agréable.

Les collectivités territoriales sont confrontées à la rareté de l’argent public et l’Etat ne cesse de diminuer ses aides. Les choix prioritaires sont difficiles à arbitrer. Cependant n’est-il pas ultra prioritaire de faciliter les apprentissages scolaires pour chaque enfant ? N’est-ce pas essentiellement cela qui permet l’égalité des chances, tant par l’école que par l’accès à la culture, aux loisirs, aux activités socio-culturelles, comme aux soins de santé physique et psychique et à l’équilibre alimentaire depuis le plus jeune âge ?

Voici la présentation du rapport fait par Le café pédagogique :

 « C’est plus de 10 % de nos élèves, « qui ont toujours été en retard sur les compétences affichées », qui empruntent « ce couloir de l’illettrisme ». Un tel scénario a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé pédagogique », estime le rapport des inspecteurs généraux Renaud Ferreira de Oliveira et Catherine Mottet. « De la maternelle – voire avant – jusqu’en 3e, des alertes sont ignorées, des seuils mal négociés, des apprentissages essentiels manqués, creusant d’année en année des écarts devenus irréversibles. Cet échec programmé est souvent vécu par les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité, chacun s’habituant à ce qu’une partie des élèves reste au bord du chemin ».

Le rapport décrit en détail comment l’illettrisme est mal pris en charge au collège et reste « un impensé pédagogique ». « Des mesures structurelles, des dispositifs et des outils existent déjà à la main de l’institution, de ses acteurs et partenaires pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt. Ils restent diversement mis en œuvre et insuffisamment partagés », estime le rapport. « S’attaquer efficacement à ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques, passe par la coordination et la cristallisation des ressources et énergies (en matière de pilotage national et académique) afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées tout au long de la scolarité des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les difficultés pour y remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation massive d’outils nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des acteurs, en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue un rôle déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de la méconnaissance ». Le rapport préconise de créer un Conseil scientifique et pédagogique et de renforcer le pilotage national et académique de façon à permettre « une prise en charge adéquate  » dans l’instant. »

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