Macron et l’inévitable privatisation de l’Ecole de la République

Publié le 10 juin 2022

Les élues et élus des villes éducatrices s’inquiètent du démantèlement de l’Éducation Nationale dans un communiqué du 7 juin. « À la suite de nombreux acteurs de l’éducation (si ce n’est l’ensemble), les élues et élus du Réseau français des villes éducatrices s’alarment une nouvelle fois du démantèlement en cours de l’Éducation Nationale. Cette destruction a atteint son paroxysme avec le triste symbole du job-dating organisé par l’Académie de Versailles : recruter en trente minutes des contractuels pour « boucher les trous » là où les professeurs et enseignants formés manquent…

La fourniture de services publics fonctionnels nécessite une vraie volonté politique. Tous les enfants du territoire méritent d’avoir accès à une éducation publique de qualité. Cela passe par des enseignants formés, rémunérés correctement et non précaires. »

Suite à la visite de Macron à Marseille, le 2 juin, le Café pédagogique analyse les dangers de la nouvelle politique prônée par le président de la République. « Pour Emmanuel Macron, l’évolution de l’Ecole est visiblement une priorité. Après sa visite marseillaise du 2 juin, il est revenu sur la question scolaire dans un entretien publié par la presse régionale le 3 juin. Présentée comme une « révolution culturelle » pour l’Ecole à l’aide d’une « réorganisation nationale », la réforme macronienne devrait être de plus grande ampleur que ce qui semblait. Avec la réélection d’E Macron, sauf surprise aux législatives, la France va entrer dans le mouvement qui emporte les pays occidentaux dans une privatisation accélérée des systèmes éducatifs…

Contractualisation générale et fin de l’éducation prioritaire

Mais la réforme pourrait être de plus grande ampleur encore. Si l’on suit les propos d’E Macron, on passerait d’une gestion nationale des écoles et établissements à une gestion locale, chaque école ou établissement étant sous contrat. C’est la généralisation des contrats locaux (CLA) qui se prépare. C’est à dire la fin de l’éducation prioritaire.

On comprend que la formule de la « révolution culturelle » n’est pas usurpée. Pour un système éducatif national et centralisé comme le système français ce que propose E Macron est une vraie rupture.

L’inévitable privatisation

Mais ce n’est pas une surprise. Le programme d’Emmanuel Macron ne tombe pas du ciel. Dans l’espace français c’est celui que JM Blanquer a présenté dans « L’école de la vie » puis dans « L’école de demain ». Si on les situe dans le discours mondial sur l’Ecole on reconnaitra les principes du nouveau management public.

C’est ce qui m’amène à « l’inévitable » privatisation.  En 2020, la Revue internationale d’éducation de Sèvres a consacré un numéro à la privatisation de l’éducation (n°82), coordonné par X Pons et T Chevallier. Pour les directeurs de ce numéro la privatisation de l’Ecole est déjà bien avancée dans les pays occidentaux. On peut citer les Etats-Unis, la Suède, les Pays Bas, l’Angleterre (où le gouvernement actuel veut en finir avec ce qui reste d’écoles publiques), la Finlande, l’Australie, le Chili.

En France depuis 2017 le gouvernement a laissé l’Institut Montaigne et sa branche pédagogique Le choix de l’Ecole multiplier les initiatives avec le soutien du ministère. A travers elles, c’est bien une autre vision de la carrière d’un enseignant qui s’est banalisée. Et maintenant le gouvernement a merveilleusement cassé les concours de recrutement et l’attractivité du métier enseignant, donnant un nouvel élan à la multiplication des contractuels.

Quels freins ?

La Revue de Sèvres soulignait deux freins à cette « inévitable  » privatisation. D’abord les mauvais résultats scolaires. Le nouveau système tente de camoufler avec des batteries de tests. Mais ils sont bien là. Dans la mise en concurrence généralisée des écoles, les écarts se creusent. Partout l’application des nouvelles règles entrainent une crise du recrutement et la généralisation de l’auxiliariat. Et les perdants sont les élèves des milieux populaires. En Angleterre les écoles privées n’hésitent pas à fermer là où les écoles ne sont pas rentables, laissant à la rue les enfants des quartiers. En Suède, là ou le nouveau management est allé le plus loin, les résultats ont été si catastrophiques que même l’OCDE a recommandé un aménagement du système.

L’autre frein à cette « révolution culturelle » va bientôt être mesuré. Xavier Pons le citait dans la Revue de Sèvres. « Les Français sont pour le libre choix de l’Ecole… Mais une fois mis devant le choix ils se posent des questions ». Parce que la privatisation menace les communs, encourage la fragmentation de la société, colporte des valeurs qui s’opposent aux valeurs collectives. Le « nouveau pacte » est une « révolution culturelle » dans la mesure où il attaque les bases de l’école publique. Ils peuvent encore s’opposer à ce projet de défendre leur école en juin 2022. »

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