Pouvoir de vivre, le gouvernement oublie le moyen et long terme

Publié le 14 juillet 2022

Il faudra attendre encore des mois avant la mise en place de mesures pour atténuer les dégâts de l’inflation sur les revenus d’une grande partie des ménages. Les mesures proposées par le gouvernement au débat parlementaire (environ 20 milliards d’euros) sont mal ciblées car s’adressent pour la plupart à tout le monde alors que les plus riches ne sont pas mis à contribution. Les mesures ne répondent qu’à l’urgence et de manière très insuffisance puisque l’inflation est prévue à 6,8% en fin d’année.

Alternatives économiques en fait une critique détaillée dont voici quelques extraits :

« Contrôle des prix : est-ce efficace ?

Le contrôle des prix du gaz mis en place depuis octobre 2021 et celui sur les prix de l’électricité de février dernier, tous les deux rebaptisés « bouclier tarifaire » ont permis de maîtriser les effets sur les prix de l’énergie de la reprise rapide post pandémie et de l’invasion de l’Ukraine. Selon les calculs du gouvernement, le contrôle des prix du gaz a empêché une hausse de 50 % entre octobre 2021 et le 1er juillet 2020.

Le blocage de la hausse des prix de l’électricité à 4 %, qui a été prolongé jusqu’à la fin de l’année, a empêché une hausse de 35 %. Tout cela pour un coût budgétaire de 14,5 milliards, une somme loin d’être négligeable mais efficace. Le contrôle des prix, ça marche : notre inflation est de 1,5 point inférieure grâce à ces mesures.

Mais, d’une part, c’est très onéreux, puisque distribué à tout le monde et, d’autre part, « la hausse des prix du gaz amène les ménages à réduire leur consommation de cette énergie fossile ; ce qui signifie que les subventions à la consommation du gaz, telles que le bouclier tarifaire actuellement mis en place par le gouvernement, en maintiennent la consommation », analyse Philippe Quirion, directeur de recherche au Cired. Le gouvernement donne la priorité au court terme, dans la crainte d’une mobilisation de type Gilets Jaunes, plus qu’il ne cherche à apporter des solutions de long terme.

Dans cet esprit, la logique du maintien de la remise à la pompe de 18 centimes TTC adoptée pour des raisons électoralistes est difficile à saisir. Elle profite à tous, y compris aux très aisés, les plus gros pollueurs…

Une action sur les salaires ?

Le plan du gouvernement affirme avec fermeté son souhait de « faire en sorte que le travail paie davantage pour soutenir le pouvoir d’achat ». Comment ? En s’assurant « de promouvoir durablement le partage de la valeur créée dans les entreprises ». Chacun serait alors en droit d’attendre une position tout aussi ferme de l’exécutif sur la nécessité des hausses de salaires. Que nenni. Le salaire, comme les impôts, ne sont qu’un coût qu’il faut réduire.

Pas de contrainte, donc, pour les entreprises. Le partage de la valeur, ce sera « si je veux, quand je veux ». La mesure phare de cette politique reposera sur la fameuse « prime Macron », une aide totalement exonérée de cotisations salariales et patronales, de 3 000 euros pour toutes les entreprises et pouvant monter à 6 000 pour celles qui disposent d’un accord d’intéressement. Mieux, si elle est versée avant fin décembre pour les salariés gagnant jusqu’à trois fois le Smic, tous les prélèvements sociaux (CSG-CRDS) et fiscaux (impôt sur le revenu) seront supprimés.

A 3 900 euros (trois fois le Smic net), empocher une prime de 6 000 euros complètement gratuite fait une sacrée différence. Reste que, depuis qu’elle a été mise en place, la prime Macron atteint en réalité un peu plus de 500 euros en moyenne par personne…

Surtout, ce genre de prime est toujours très inégalitaire, les salariés déjà les mieux payés et ceux travaillant dans les plus grosses entreprises en bénéficiant déjà le plus. En effet, 40 % des salariés touchent un salaire variable en France et ce variable représente 10 % des revenus pour les salariés mieux payés, contre 2 % seulement pour les moins bien payés.

Et tout cela est défiscalisé et désocialisé, c’est-à-dire avec des cotisations et des recettes fiscales perdues pour le collectif. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes évalue la perte de recettes fiscales entre 300 millions et un milliard d’euros, notamment parce que la prime est versée en substitution au salaire pour 15 à 40 % des revenus versés selon l’Insee… 

Un effort pour les plus démunis et les retraités ?

La revalorisation de 4 % des retraites et des minima sociaux rétroactive au 1er juillet représente une bonne nouvelle pour ceux qui les touchent. Mais ce n’est qu’une avance : elle aura dû avoir lieu de toutes façons en janvier ou avril prochain.

C’est toujours bien de gagner quelques mois, surtout quand s’y ajoute une aide de rentrée exceptionnelle pour les ménages modestes (100 euros plus 50 euros par enfant à charge). Mais, pour Christophe Robert, le délégué de la Fondation Abbé Pierre, « le compte n’y est pas. Même si les pansements sont utiles, ils ne règlent pas le problème » a-t-il commenté, avant de réclamer une solution pérenne, une hausse de 10 % des minima sociaux.

Trois conclusions

Certes, le gouvernement ne pouvait pas rester les bras ballants face à des Français qui voient chaque jour les prix s’envoler. Il a donc pris les devants, d’abord pour une mauvaise raison électoraliste, qui ne lui a pas profité lors des élections, mais aussi pour une bonne raison économique, car ces aides ne nourrissent pas une surconsommation mais permettent à de nombreux foyers de rester la tête hors de l’eau.

Pour autant, il répartit mal ses efforts, ce qui s’avère très coûteux. En ciblant dès le début les plus démunis, il aurait pu faire plus pour ces ménages qui subissent plus que les autres la crise énergétique.

Enfin, ces aides sont focalisées sur le court terme. Aucune réponse n’est apportée à la très faible progression des revenus des Français qui dure depuis longtemps. Et rien du côté de la sobriété énergétique. »

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