Le Conseil d’orientation sur les infrastructures conteste le Lyon-Turin

Publié le 20 janvier 2023

Voici le énième soubresaut d’un diplodocus issu du temps de la croissance indéfinie des échanges de marchandises : le Conseil d’orientation sur les infrastructures (COI) le tacle sévèrement.

La lettre spécialisée des transports MOBILETTRE a rendu public le rapport du COI 2023 qui va être rendu public par Mme Borne.

Le COI (dont la composition est diverse, y siègent notamment les députées EELV Lisa Belluco et Karima Delli) considère, comme en 2018, que le tunnel Lyon-Turin n’est pas prioritaire vu l’immensité des besoins de financement de régénération du réseau ferroviaire. Et surtout il confirme la solidité du scénario alternatif travaillé depuis des années par le collectif des opposants (les Amis de la Terre, Greenpeace, Vivre et Agir en Maurienne, les syndicats Sud Rail et Confédération paysanne) scénario soutenu par un groupe d’élus EELV et LFI qui se sont mobilisés en septembre en Maurienne (dont Eric Piolle, Pierre Mériaux, Gwendoline Delbos-Corfield, Jérémie Iordanoff, Guillaume Gontard, Gabriel Amard, JF Coulomme…).

Le COI 2023 dit tout net : Les études ont montré que le réseau existant, après modernisation de la ligne Dijon-Saint Jean de Maurienne (Modane) permettrait le transport de 16,8 millions de tonnes de fret/an, soit 67% de l’objectif de 25 Mt/an du tunnel de base Lyon-Turin à l’horizon 2035-2040, à comparer à un peu moins de 3 Mt traversant le tunnel du Mont-Cenis actuellement et à une capacité théorique de 40 Mt/an dans le tunnel international.

Or ça fait plus de 20 ans que les statistiques de fret constaté sur le corridor France-Italie des Alpes du Nord (tunnels routiers du Fréjus et du Montblanc et ferroviaire du Mont-Cenis) montrent une stabilité autour de 20 MT /an, 21,3 en 2019 par exemple. Donc faire 600 M € de travaux d’optimisation de la ligne Dijon-Modane (qui a déjà eu 900 M € de travaux pour la mettre au gabarit GB1, celui de 90 % du fret) d’ici 2030 est très réaliste et beaucoup plus économe et rapide que de dépenser un minimum de 10 milliards pour faire un 2e tube transnational.

Par ailleurs le COI tacle l’opacité du projet dont le coût n’a pas été réactualisé depuis 2018 et insiste pour que cela soit fait rapidement.

FR3 Alpes s’est fait l’écho de cette situation.

Mme Borne, qui est une bonne techno des transports, se pose manifestement des questions, puisqu’elle a laissé passer la date (18 janvier) du dépôt des demandes de financement de l’UE dans le mandat actuel sans déposer de dossier, ce qui rend le financement de l’UE (annoncé sans débat au parlement à 55%) très aléatoire. Car l’attribution de ces fonds se fait par appel à projet annuel et il y a 3,62 milliards d’euros disponibles par an. Or le Lyon-Turin est en concurrence avec de très nombreux projets, dont beaucoup seraient bien plus utiles aux européens. Par exemple lors de l’appel de 2021, 208 projets ont été proposés ! Et le Lyon-Turin avait obtenu 10,7 millions d’euros, très loin des 430 millions requis pour tenir l’ouverture du tunnel vers 2032…

Bref cet éléphant blanc conçu dans les années de la folle croissance économique et des flux de marchandises, sans égard pour l’environnement fragile des vallées alpines, doit être abandonné au profit d’une relocalisation de l’économie et d’un report modal rapide de la route vers le rail optimisant les infrastructures existantes.

C’est le sens d’une lettre commune signée par de nombreux élus écologistes et remise à Mme Borne par les présidents de groupe isérois au sénat G. Gontard et à l’Assemblée C. Chatelain en décembre, position qui est donc confortée par le rapport du COI 2023.

La conclusion de cette lettre étayée de 7 pages est claire :

Nous demandons une suspension conservatoire immédiate des travaux d’excavation prévus portant atteinte à des périmètres de protection de source d’eau.

Nous souhaitons qu’une étude hydraulique et environnementale soit menée de manière immédiate pour constater l’impact sur l’eau.

Nous refusons de manière inconditionnelle le percement d’une seconde galerie dans les tunnels routiers du Gothard, du Mont-Blanc et de Tende, ainsi que la mise en service du tube de sécurité du tunnel du Fréjus comme 2e tube de trafic normal.

Nous continuons à défendre un développement massif et rapide du fret ferroviaire. Avant d’envisager des infrastructures nouvelles, nous voulons donc d’abord renforcer et améliorer la capacité de la ligne existante.

Nous souhaitons l’adoption d’un objectif franco-italien de part modale du fret ferroviaire à l’horizon 2025 de 65% sur les liaisons transnationales des Alpes du Nord (Vallées de l’Arve et de la Maurienne).

Nous demandons la reprise de l’observatoire de la saturation ferroviaire et la publication ,de données fiables et vérifiées dans les six mois.

Nous demandons l’arrêt du détournement du FDPITMA pour financer le report modal.

Premiers signataires :

  • Cyrielle Chatelain, Députée de la 2ème circonscription de l’Isère, Présidente du groupe Ecologiste à l’Assemblée nationale
  • Guillaume Gontard, Sénateur de l’Isère, Président du groupe Ecologiste au Sénat
  • Karima Delli, Députée européenne, Présidente de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen
  • Lisa Belluco, Députée du groupe Ecologiste, Vice-présidente de la commission du Développement durable et de l’aménagement du territoire, Membre du Conseil d’orientation des infrastructures
  • Jacques Fernique, Sénateur, en charge du ferroviaire pour le Groupe Écologiste -Solidarité et Territoires
  • Thomas Dossus, Sénateur du Rhône
  • Hubert Julien-Laferrière, Député de la 2ème circonscription du Rhône
  • Jérémie Iordanoff, Député de la 5ème circonscription de l’Isère
  • Marie-Charlotte Garin, Députée de la 3ème circonscription du Rhône
  • Gwendoline Delbos-Corfield, Députée européenne
  • Eric Piolle, Maire de Grenoble
  • Pierre Mériaux, Adjoint au Maire de Grenoble en charge du dossier Lyon-Turin
  • Jean-Charles Kohlhaas Vice-président Déplacement, intermodalité, logistique urbaine à la Métropole de Lyon
  • Fabienne Grébert, Présidente du groupe Ecologiste à la Région Auvergne Rhône-Alpes
  • Alexandra Caron-Cusey, conseillère régionale en charge du dossier Lyon-Turin au sein du groupe Ecologiste

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