Mme Gisèle Halimi et Superphénix

Publié le 3 mars 2023

Au moment où les hommages à Gisèle Halimi se multiplient, il n’est pas inutile de revenir sur un aspect du passé, lié à la présence du réacteur Superphénix en fonctionnement en Isère où elle était députée (PS). Il serait pertinent de rappeler l’ensemble de son œuvre et pas seulement ce qui arrange les macronistes redevenus radioactifs.

Voici ce que disait le Monde le 8 octobre 1981 sous le titre : « La question inconvenante de Mme Gisèle Halimi (P.S.)… »

M. Quilès ayant été mis en minorité devant le groupe socialiste (voir l’article de Jean-Yves Lhomeau), la position des députés socialistes était claire : il n’était pas question de revenir sur la réduction du nombre des  » tranches nucléaires  » ou sur l’extension de l’usine de retraitement de La Hague. Aussi, quand M. Pierre Joxe, président du groupe socialiste – qui ne se trouvait pas dans l’hémicycle, – entendit la question posée par Mme Gisèle Halimi (député P.S. du département de l’Isère, où est construite la centrale Superphénix), il vint en séance pour tancer la présidence de Choisir. La question  » inconvenante  » était la suivante :

 » Le surrégénérateur ne sera compétitif par rapport aux centrales classiques qu’à trois conditions : que le prix de l’uranium décuple, que l’extraction du plutonium par le retraitement des combustibles irradiés fonctionne de façon satisfaisante à l’échelle industrielle, que le coût en soit fixé à un peu plus de la moitié de leur coût actuel, sans préjudice pour la sécurité.

 » Même si ces conditions étaient remplies, les 85 milliards que coûterait le développement du surrégénérateur sur les usines de fabrication et retraitement de combustible ne seraient pas compensés par les économies réalisées sur l’uranium avant la fin du siècle prochain. C’est dire que l’énergie nucléaire ne serait plus une énergie de transition, mais un engagement pour plusieurs siècles, au détriment des investissements nécessaires aux économies d’énergie et au développement des énergies renouvelables. Il semble que la commission Quilès ait conclu à l’inutilité du surrégénateur industriel. Le gouvernement peut-il garantir que Super-phénix restera expérimental et ne deviendra pas une présérie industrielle ?

 » Cela implique que les projets du C.E.A. à Saint-Etienne-des-Sorts seront abandonnés, que les crédits de développement ne figureront pas au prochain budget et que Superphénix ne sera pas mis en route si toutes les conditions de sécurité ne sont pas totalement réunies.

 » Si la France suspend la filière des surrégénérateurs, l’extraction du plutonium des combustibles irradiés n’est plus nécessaire, et il faudra revoir la question du retraitement.

 » C’est pourquoi je soutiens la proposition d’arrêter l’extension de l’usine de La Hague, le temps qu’une commission d’enquête parlementaire étudie la question.

 » S’il apparaît qu’il est plus sûr, moins polluant et moins coûteux de stocker les combustibles irradiés sans les retraiter, comme cela se fait dans d’autres pays, le gouvernement peut-il s’engager à transformer l’usine de La Hague en centre de stockage intermédiaire de longue durée, et ce malgré toute pression commerciale ? « 

M. Hervé, ministre de l’énergie, a répondu :  » Le surrégénérateur est un prototype de caractère expérimental. Nous suivons l’expérience, dont nous tirerons les enseignements et conclusions en 1984-1985. « 

M. Hervé a donc éludé la question. M. Joxe, lui, a sermonné Mme Halimi : voulait-elle mettre le gouvernement et le groupe socialiste  » en difficulté  » ? Cherchait-elle à insister sur les divergences entre M. Quilès et le ministre de l’énergie ? Mme Halimi a feint l’étonnement : le programme sur lequel tous les députés socialistes ont fait leur campagne électorale prévoyait le gel de la construction de toute nouvelle centrale nucléaire avant que le pays se soit prononcé par référendum sur l’énergie nucléaire. Or le gouvernement prévoit la mise en chantier de six nouvelles tranches… Les électeurs de Mme Halimi ne comprennent plus très bien, ils voient une contradiction flagrante entre les promesses électorales et la position adoptée par le groupe socialiste. Mme Halimi ne comprend pas non plus : M. Joxe veut-il que les députés socialistes servent de  » faire-valoir  » aux ministres ? Elle est bien ennuyée. S’abstenir ? Mme Halimi est tentée de le faire, par cohérence, par respect de ses électeurs. S’abstenir, s’interroge M. Joxe, n’est-ce pas prendre le risque de se voir exclu du groupe socialiste ? Mme Halimi a décidé de prendre la nuit pour réfléchir à ce dilemme…

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