A l’IRSN, la mobilisation continue pour éviter le démantèlement de l’Institut

Publié le 10 mars 2023

Les réactions au démantèlement de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sont d’autant plus importantes que les incidents se multiplient dans les centrales en activité.

Voilà une nouvelle fissure, très importante, découverte dans une tuyauterie du réacteur n°1 de la centrale de Penly. L’autorité de sureté nucléaire (ASN) communique : « La fissure s’étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et sa profondeur maximale est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm.

Cette ligne était considérée par EDF comme non sensible à la fissuration par corrosion sous contrainte en raison notamment de sa géométrie…

En raison de ses conséquences potentielles et de l’augmentation de probabilité d’une rupture, l’ASN le classe au niveau 2 de l’échelle INES en ce qui concerne le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Penly et au niveau 1 pour les autres réacteurs concernés L’ASN a demandé à EDF de réviser sa stratégie pour tenir compte de ces nouvelles informations. Elle prendra prochainement position sur cette stratégie révisée. »

Les réactions contre le démantèlement de l’IRSN se multiplient. Dans Le Monde du 6 mars, sous le titre « Le projet de démantèlement de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire constitue une dérive technocratique dangereuse », trois anciens présidents de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Claude Birraux, Jean-Yves Le Déaut, Cédric Villani) pointent, la gravité des conséquences qu’entraînerait la suppression de l’IRSN pour la sûreté nucléaire.

Deux instances importantes sur lesquelles s’appuie l’IRSN pour la gouvernance de sa recherche viennent compléter la prise de position de sa commission d’éthique et de déontologie.

Il s’agit du conseil scientifique le 27 février et du comité d’orientation des recherches (COR) le 6 mars.

Le Conseil scientifique de l’IRSN publie un rapport sur les modèles d’établissements pratiquant recherche et expertise. Le communiqué se termine par une critique de la décision du gouvernement : « Dans le contexte des annonces gouvernementales, le conseil scientifique tient à réaffirmer son attachement à l’excellence scientifique française en sûreté nucléaire et radioprotection et exprime le vœu que les modalités de réorganisation choisies permettent de la préserver. A l’éclairage des travaux qu’il a conduits, le conseil scientifique attire pour cela l’attention des décideurs sur l’importance de préserver les liens forts entre recherche et expertise et de prendre en compte la diversité des missions et des champs d’intervention de l’institut.

Selon les décisions qui seront prises dans les jours et semaines à venir, le conseil scientifique alerte sur le risque de déstabilisation majeure des équilibres mis en place depuis la création de l’IRSN, il y a plus de vingt ans, et sur ses conséquences sur la crédibilité scientifique de l’expertis​e et de la recherche françaises dans le domaine des risques nucléaires et radiologiques et sur la confiance qu’elles inspirent. »

Pour lire le rapport sur les modèles d’établissements pratiquant recherche et expertise, cliquez ici.   

La motion du comité d’orientation des recherches (COR) de l’IRSN, soutenue par de nombreux députés écologistes et de la Nupes :

« Le Conseil de politique nucléaire du 3 février 2023 a décidé du démantèlement de l’IRSN. Sans que des justifications claires aient été rendues publiques, le seul objectif connu relatif à ce choix vise, dans le cadre de la future loi d’accélération du nucléaire, à renforcer les moyens de l’Autorité de Sûreté Nucléaire afin de « rendre des décisions éclairées par la science plus rapides qu’aujourd’hui, avec un moindre temps d’appropriation par l’ASN des avis de l’IRSN ».

Devant la surprise que cette décision a suscitée auprès de tous les experts du domaine et des personnels de l’IRSN, le COR rappelle ici la durée du processus d’instruction ayant mené au schéma dual actuel, du débat parlementaire à l’OPECST dès 1998 jusqu’à publication des décrets donnant naissance à l’IRSN (2002) puis à l’ASN (2006). Le COR constate et déplore qu’aujourd’hui la décision précède la réflexion.

Aussi, le COR de l’IRSN alerte solennellement la puissance publique et la représentation nationale sur les faits et considérations suivants :

  • les services rendus par l’IRSN sont loin d’être réductibles à une activité d’expertise de la sûreté des installations nucléaires comme support à la prise de décision de l’ASN ;
  • il existe de sérieux doutes quant au fait que l’ensemble des activités actuellement assumées par l’IRSN pourra être mené dans le cadre d’une Autorité Administrative Indépendante : saisines par des ministères, partenariats avec les opérateurs et exploitants, partenariats avec des professionnels impactés par la radioprotection, etc ;
  • le besoin fondamental de défense des libertés académiques étant constitutif de toute politique publique liée aux enjeux d’expertise et de recherche, la réforme proposée apparaît en recul par rapport à la situation actuelle, qui satisfait l’ensemble des parties prenantes et des partenaires de recherche de l’IRSN ;
  • la confiance sociale qu’a patiemment bâti l’IRSN en vingt ans d’existence est mise à mal ;
  • la transparence des décisions prises constituent, avec la politique d’ouverture à la société, des acquis institutionnels incontestables que la réforme pourrait remettre en cause ;
  • les risques majeurs de perte de compétences dans des délais très brefs ne doivent pas être sous-estimés ;
  • les effets démobilisateurs d’une décision prise sans clarté sur ses motivations est fortement préjudiciable à la communauté nationale…

Aussi, compte-tenu des conséquences potentiellement négatives sur le fonctionnement de l’organisation du contrôle et de la recherche en sûreté et radioprotection, le COR de l’IRSN appelle les parlementaires à refuser le démantèlement de l’IRSN et à engager un travail pour identifier les améliorations possibles du système actuel en regard des exigences liées aux projets de relance du nucléaire en France. Ce travail impose un diagnostic partagé, la définition de différentes options envisageables ainsi que des études d’impact afférentes.)

Motion du COR de l’IRSN contre le démantèlement programmé de l’Institut

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