Annulation d’un acte administratif utilisant l’écriture inclusive

Publié le 19 mai 2023

Le 15 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que la délibération du conseil d’administration de l’université du 16 juillet 2020 approuvant les statuts du service des langues, ne constitue pas une mesure d’organisation du service insusceptible de faire l’objet d’un recours contentieux de la part des agents de l’établissement.
Deux ans et demi après son adoption, le tribunal annule ces statuts au motif que sa rédaction en écriture inclusive portait atteinte à l’objectif de clarté et d’intelligibilité de la norme, objectif de valeur constitutionnelle auquel doivent satisfaire les actes administratifs. Le degré de clarté attendu d’un texte dépend de ses nature et fonction. Ainsi, le caractère technique et efficient d’un texte juridique impose un niveau de clarté propre à garantir son accessibilité immédiate.

Le jugement s’appuie sur un simple constat de l’Académie française pour motiver sa décision : « Conformément au constat opéré par l’Académie française dans sa déclaration du 26 octobre 2017, l’usage d’un tel mode rédactionnel a pour effet de rendre la lecture de ces statuts malaisée alors même qu’aucune nécessité en rapport avec l’objet de ce texte, qui impose, au contraire, sa compréhensibilité immédiate, n’en justifie l’emploi. Par suite, M. A… est fondé à soutenir que l’utilisation de ce type de rédaction porte en l’espèce atteinte à l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de la norme. »

Le jugement impose la disparition rétroactive des marques d’écriture « inclusive » contenues dans les statuts du service des langues de l’université Grenoble-Alpes.

Pour les tenants de l’écriture inclusive et avec un peu d’habitude, les textes même techniques utilisant l’écriture inclusive ne font pas obstacle à leur clarté et leur intelligibilité.

Mais si on reporte toujours cette utilisation de l’écriture inclusive, l’habitude d’un autre de mode d’écriture plus respectueux des genres, n’est pas pour demain, ni même après demain…

Le cabinet d’avocats Landot indique que sur cette question d’écriture inclusive, le TA de Paris avait eu une position inverse. Mais derrière ces divergences, se cachent des différences quant aux moyens soulevés.

« Mars 2023 : selon le TA de Paris, dans une affaire où la ville de Paris a gravé l’écriture inclusive dans le marbre des listes de ses anciens édiles, les collectivités territoriales peuvent adopter l’écriture inclusive. Point.

Mai 2023 : le TA de Grenoble boute, hors de son ressort, l’écriture inclusive adoptée par l’Université de cette ville.

Souvent juge varie, et fol qui s’y fie. Reste qu’une jurisprudence cohérente pourrait unifier les solutions à donner à ce très polémique combat langagier.

Voyons cette valse-hésitations, et ce en trois temps :

  • I. Prolégomènes 
  • II. Oui à Paris : l’inclusivité peut même se faire, littéralement, lapidaire… Le débat devant le TA de la capitale ayant porté sur le point de savoir si l’écriture inclusive est, ou n’est pas, du (bon) français, ce qui est pour un juge un angle d’attaque piégeux (le juge peut-il se faire l’arbitre de la langue elle-même ?).
  • III. Non à Grenoble : est-ce juge dauphinois qui fait de la résistance ? Et/ou l’Université qui fait de la militance ? En tous cas, le TA se fonde cette fois, non sur la notion même de ce qu’est ou serait la langue française, mais sur l’exigence en droit d’intelligibilité et de clarté du droit. Ce qui est à la fois plus efficace, plus habile (de la part du requérant… mais non sans fragilités (le texte en écriture inclusive perd-il vraiment à ce point de sa lisibilité ? Nul doute que ce point sera encore débattu).

En tous cas, face à cette divergence de jurisprudences, la certitude sur la manière de bien écrire notre langue perd de son assurance. En pratique, le doute s’estompe, en revanche, bien vite. » Voir le détail de cette analyse ici.

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