La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a répondu à deux demandes d’avis déontologique sur des précisions concernant les dispositions de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dite « loi 3DS ») qui traite des conflits d’intérêt pour les élu-es et l’obligation de déport imposée à ces dernier-es. La première demande émanait du président de la métropole de Bordeaux et la seconde d’un élu anonymisé.
« La Haute Autorité publie sa doctrine en matière de conflit d’intérêts publics pour les élus locaux, à la suite de l’adoption de la loi « 3DS ». Quels risques, quels déports pour les élus locaux désignés dans des organismes extérieurs ?
La loi n° 2022-217 du 21 février 2022, dite loi « 3DS », a créé, à l’article L. 1111-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT), un régime juridique général en matière d’appréciation des risques de nature pénale, déontologique et administrative, lorsqu’un élu représente, en application de la loi, sa collectivité au sein d’une personne morale de droit public ou de droit privé. Des règles équivalentes ont été introduites aux alinéas 11 et 12 de l’article L. 1524-5 du CGCT pour le cas particulier des sociétés d’économie mixte locales et des sociétés publiques locales.
La Haute Autorité a été amenée à préciser sa doctrine à la suite de cette évolution législative.
D’abord, elle a précisé que l’aménagement des risques de nature administrative, déontologique et pénale prévu par l’article L. 1111-6 n’a vocation à s’appliquer que pour autant que la participation de l’élu à un organisme extérieur est de nature à générer de tels risques. Tel n’est pas le cas, en principe, de la participation aux organes dirigeants d’organismes de droit public chargés d’une mission de service public administratif ainsi qu’à ceux d’une régie de la collectivité, même personnalisée et y compris lorsqu’elle gère un service public industriel et commercial. Dans ces hypothèses, aucune mesure de déport n’est donc préconisée par la Haute Autorité, à l’exception, le cas échéant, de la délibération portant sur la rémunération liée à sa désignation pour laquelle l’élu doit toujours se déporter.
Ensuite, la Haute Autorité a précisé la notion de désignation « en application de la loi », clé d’entrée dans le dispositif aménagé de l’article L. 1111-6. Elle a estimé qu’en l’absence de précision par les textes du sens de l’expression « en application de la loi », la règle posée par l’article L. 1111-6 doit trouver à s’appliquer non seulement lorsque la loi a expressément prévu la représentation de la collectivité au sein de l’organisme, mais également lorsque l’application de la loi l’implique nécessairement. Tel est en particulier le cas lorsque la loi prévoit qu’une collectivité peut créer un organisme extérieur pour l’exercice de certaines missions, dans lequel elle doit alors nécessairement être représentée.
Les deux délibérations de la Haute Autorité dégageant cette doctrine sont consultables :
Délibérations n° 2022-150 et n° 2022-465
Le tableau suivant résume l’état des textes et de la doctrine de la Haute Autorité depuis l’adoption de la loi « 3DS »La Haute Autorité attire l’attention des élus sur le fait que ces régimes aménagés de déports ne valent que si l’intéressé ne dispose pas d’un intérêt personnel au sein de l’organisme extérieur (par exemple, si l’élu on son conjoint y exerce son activité professionnelle). Une telle situation serait de nature à générer un conflit d’intérêts public-privé justifiant la mise en œuvre de mesures de déport larges.
L’Association des Maires de France traite des précisions apportées par la HATVP :
« La loi 3DS du 21 février 2022 a créé de nouvelles règles en matière de conflit d’intérêts. Son article 217, devenu l’article L1111-6 du Code général des collectivités territoriales, fixe les règles de déport pour les élus locaux qui participent « en application de la loi » aux organes décisionnels d’une autre personne morale de droit public ou privé. Rappelons que le déport signifie le fait de ne pas prendre part à une délibération du fait de la possibilité d’un conflit d’intérêt, mais également de s’abstenir de participer à toute réunion, discussions ou travaux préparatoires.
Ce que dit la loi
Derrière cet article L1111-6, dont la rédaction est assez complexe, se posent des questions très concrètes. Prenons un exemple : si la loi oblige un maire à présider le conseil d’administration d’un organisme extérieur (par exemple un office HLM), que se passe-t-il lorsque sa commune procède à une délibération sur cet organisme extérieur ? Le maire est-il en situation de conflit d’intérêt ? Doit-il se déporter, c’est-à-dire sortir de la salle pour ne pas participer aux délibérations ?
La loi 3DS répond clairement que, dans la plupart des cas, la réponse est non : lorsque l’élu participe à un organisme décisionnel extérieur « en application de la loi », il « n’est pas considéré comme ayant un intérêt » du seul fait de cette participation. Et ce dans les deux sens : ni lorsque la collectivité délibère sur une affaire intéressant l’organisme extérieur, ni lorsque l’organisme extérieur délibère sur une affaire intéressant la collectivité.
Mais le même article de la loi fixe des exceptions, pour lesquelles l’élu doit se déporter. Le déport est obligatoire lorsque la délibération de la collectivité porte notamment sur « un contrat de commande publique (ou) une garantit d’emprunt ». Il ne peut pas participer aux commissions d’appel d’offres si l’organisme auquel il participe est candidat.
Enfin, la loi fixe des exceptions aux exceptions : les dispositions concernant le déport ne s’appliquent pas quand l’élu participe aux organes décisionnels des caisses des écoles, des CCAS ou des organismes de droit public gérant un service public à caractère administratif (un Sdis par exemple).
Rappelons toutefois que lorsqu’une délibération porte sur la rémunération éventuelle d’un élu au sein d’un organisme extérieur, l’élu doit systématiquement se déporter.
Les précisions de la HATVP
Plusieurs élus ont interpellé la HATVP pour avoir des éclaircissements sur ces dispositions complexes. La HATVP publie deux avis qu’elle a rendus pour répondre à ces questions, l’une émanant du président de Bordeaux Métropole et l’autre d’un élu anonymisé.
Il est à retenir de ces réponses que la HAVTP, en premier lieu, définit la notion de nomination « en application de la loi ». Cette règle, explique la Haute autorité, « doit trouver à s’appliquer non seulement lorsque la loi a expressément prévu la représentation de la collectivité au sein de l’organisme, mais également lorsque l’application de la loi l’implique nécessairement. Tel est en particulier le cas lorsque la loi prévoit qu’une collectivité peut créer un organisme extérieur pour l’exercice de certaines missions, dans lequel elle doit alors nécessairement être représentée. »
Par ailleurs, elle précise que les règles énoncées plus haut « ne valent que si l’intéressé ne dispose pas d’n intérêt personnel au sein de l’organisme extérieur », par exemple si lui ou son conjoint y exerce son activité professionnelle. « Une telle situation serait de nature à générer un conflit d’intérêts public-privé justifiant la mise en œuvre de mesures de déport larges. »
Au-delà des explications très détaillées données dans les deux avis, la Haute autorité fournit un tableau synthétique très clair, qui permet de considérer d’un regard toutes les situations, avec trois conséquences possibles : pas de déport, pas de déport sauf exception et « déport général ».
Mots-clefs : collectivités, élu, élues, République