dont Missak Manouchian antifasciste apatride
Le poème de Louis Aragon, dans « Le Roman Inachevé » :
Strophes pour se souvenir
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prière aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vite onze ans Vous vous étiez servi simplement de vos armes La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de peur sur les passants Nul ne semblait vous voir français de préférence Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE Et les mornes matins en étaient différents Tout avait la couleur uniforme du givre À la fin février pour vos derniers moments Et c'est alors que l'un de vous dit calmement Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses Adieu la vie adieu la lumière et le vent Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses Quand tout sera fini plus tard en Erivan Un grand soleil d'hiver éclaire la colline Que la nature est belle et que le cœur me fend La justice viendra sur nos pas triomphants Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Quelques précisions : :
Ils furent 22 à être exécutés le 21 février au Mont-Valèrien. Olga (en réalité Golda) Bancic, la seule femme du groupe fut décapitée en Allemagne le 10 mai 1944. Il faut aussi évoquer l’héroïsme de Joseph Epstein ex brigadiste et patron des FTP-F d’Ile de France qui arrêté en compagnie de Manouchian sous le nom d’Estain, ne craqua pas sous la torture et fut fusillé plus tard.
On devrait donc parler d’un groupe de 24 résistant-es.
La traque et l’arrestation de Manouchian a été l’œuvre de la BS2, unité de police française spécialisée dans la traque des résistant-es communistes, composée d’une quarantaine de fonctionnaire et commandée par le commissaire Henoque. Ce dernier mourra dans son lit à Bruxelles en 1996.
Dans le livre de Claude Collin « Carmagnole et Liberté. Les étrangers dans la Résistance en Rhône-Alpes », Grenoble, PUG, 2000, on trouve la composition des FTP-MOI de l’interrégion HI4, de Lyon (Carmagnole) et de Grenoble (Liberté) d’après la liste des morts : une centaine de noms.
« Sur l’ensemble de la période, l’origine des combattants est la suivante : 32% de Juifs polonais, 6% de Juifs hongrois et roumains, 26% de Français, 19% d’Italiens, 8% de Polonais non juifs, 6% d’Espagnols, 2% d’Arméniens et 1% d’Allemands.
Si l’on ne retient que les 49 victimes tombées avant le 15 août 1944 et les combats de la Libération, la répartition est passablement différente : 60% de Juifs polonais et 8,5% de Juifs hongrois et roumains, 17% d’Italiens, 8,5% de Français, 2% d’Espagnols, 2% de Polonais non juifs, 2% d’Allemands. »
Leur participation aux différents combats de la Libération est loin d’avoir été négligeable : 50 morts après le 15 août 1944 sur l’interrégion rhône-alpine, soit autant que pendant les 19 mois précédents.
A ce sujet à voir également sur Arte, le film de Mosco Levi Boucault « Des terroristes à la retraite » diffusé pour la 1re fois en 1985 sur une chaîne publique, qui mit fin à l’effacement des résistants juifs, étrangers, communistes et internationalistes, des FTP-Main d’Œuvre Immigrée.
Emigrés en France dans les années 1930 pour échapper aux persécutions politiques et raciales, ils ont été les principaux acteurs de la résistance urbaine menée à Paris contre l’occupation allemande. Un ouvrage paru en 1989 a mis un point final à la polémique déclenchée sur le rôle de la direction des FTP dans l’arrestation et le sacrifice des FTP-MOI en fin novembre 1943 : « Le sang de l’étranger : Les immigrés de la MOI dans la Résistance », Adam Raiski, Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Fayard, 1989
Mots-clefs : devoir de mémoire, Résistance